Intervention de Hélène Lipietz

Réunion du 1er octobre 2012 à 21h30
Débat sur la réforme de la carte judiciaire

Photo de Hélène LipietzHélène Lipietz :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais saluer à mon tour la qualité du travail accompli par les rapporteurs. Je formulerai un seul petit regret : il n’y a pas, dans leur rapport, de comparaison du coût de fonctionnement de la justice entre les pays ; j’y reviendrai.

La réforme de la carte judiciaire a été purement matérielle, sans doute parce que raisonner en termes de bâtiments est plus facile, plus rapide que prendre de la hauteur pour repenser le rôle des tribunaux, l’organisation judiciaire et la répartition des contentieux.

Certes, une réforme partielle de la répartition des compétences a été engagée, mais postérieurement à la réforme de la carte : on a ainsi mis sur l’ossature de la répartition des tribunaux dans l’espace des habits qui n’étaient pas à sa taille, soit trop grands soit trop courts.

De même, l’adéquation entre la carte judiciaire civile et la carte judiciaire administrative n’a pas été repensée : ainsi, en matière de justice civile, l’Yonne relève de la cour d’appel de Paris, alors qu’elle dépend de celle de Dijon en matière de justice administrative !

La méthode choisie, quant à elle, ressortit davantage à une course de vitesse qu’à une réflexion posée et partagée.

Certes, le mot « concertation » a été prononcé par la ministre de l’époque, mais plus comme une incantation contre un éventuel reproche de jacobinisme que comme l’expression d’une volonté sincère, tant a été chichement mesuré le temps qui lui était imparti.

Les chefs de juridiction, auxquels il convient de rendre hommage, procédèrent malgré tout à une concertation, mais la réforme n’a pas tenu compte de toutes leurs propositions.

Cette réforme aurait dû avoir pour unique objectif de réorganiser les moyens et les services afin de permettre une meilleure prise en compte géographique et territoriale des besoins de justice. Or votre rapport, monsieur Détraigne, montre clairement que les considérations quantitatives, voire financières, ont primé sur les impératifs qualitatifs. La justice n’est pas fille de peu de vertu ; on ne peut s’accommoder de réorganiser ses palais en ne prenant en considération que les coûts de ceux-ci.

La réforme de la carte judiciaire, dans sa conception même, est donc passée à côté des objectifs qui doivent guider une politique ambitieuse du service public de la justice : assurer une justice de proximité, simple, rapide, efficace, compréhensible par tous et indépendante. Ces objectifs ont été mis à mal au nom d’« impératifs » de coûts ou de sécurité.

Cette réforme a eu pour conséquence de créer des déserts judiciaires : ainsi, il faut plus d’une heure pour se rendre en voiture au TGI de Melun depuis Provins, alors que le tribunal de commerce et celui d’instance de cette ville ont été supprimés, et il faut plus de deux heures et demie pour faire ce trajet en train, en passant par Paris… Le train est pourtant encore, me semble-t-il, un mode de déplacement quelque peu « couru ».

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