Personne ne contestait la nécessité de cette réforme. Or, au final, que de commentaires négatifs !
La réforme de la carte judiciaire s’est inscrite dans un contexte où la justice était beaucoup montrée du doigt et bousculée par des réformes, pour certaines inutiles, non urgentes, coûteuses. Pour mémoire, même si elle n’a pas un lien direct avec le débat d’aujourd’hui, je citerai la réforme de la profession d’avoué. On peut se demander quelle était l’urgence de cette réforme, qui a engendré une complexité accrue dans l’identification des interlocuteurs de la justice, qui a éloigné un peu plus le justiciable des cours d’appel, qui a laissé pour compte nombre de salariés dans les études des avoués et dont le coût a été gigantesque. En outre, comme l’ont déjà souligné tant Jean-Jacques Hyest que Jacques Mézard, cette réforme n’a concerné en rien les cours d’appel.
D’autres réformes se sont succédé. Je pense à celle concernant les citoyens assesseurs, qui s’est contentée d’augmenter les coûts de la justice et les délais de traitement des dossiers, ainsi qu’aux différentes réformes relatives à l’application des peines, à la garde à vue, à l’hospitalisation d’office, à la protection juridique des majeurs, aux tribunaux de proximité, alors que ceux-ci rendaient un réel service.
Chacune de ces réformes a contribué à augmenter l’éloignement du citoyen de la justice, à alourdir les charges, à allonger les délais de traitement des dossiers et à compliquer le légitime accès de tous à la justice.
Certes, toutes ces réformes ont eu lieu dans un contexte de judiciarisation croissante et de recours de plus en plus fréquent à la justice, pour de plus en plus de dossiers – phénomène regrettable sur lequel nous devons nous interroger. Mais elles ont également eu lieu dans un contexte où les annonces et les promesses de moyens faites par le gouvernement précédent n’ont jamais été suivies d’effet.
Ainsi, nous sommes nombreux à affirmer que la promesse de la concertation n’a guère été tenue. Il ne s’est agi que de mots ! De même, les moyens concernant les audiences foraines n’ont jamais été engagés, et on a laissé aux collectivités le soin de financer les maisons de la justice et du droit qui ont pu être créées.
On a également fait application d’une arithmétique quelque peu surprenante en ce qui concerne les personnels et les postes d’équivalents temps plein qui allaient être affectés à l’issue de cette réforme de la carte judiciaire. Notre grand humoriste Raymond Devos, que vous me permettrez de citer à cette heure avancée de la soirée, n’aurait certainement pas renié une telle arithmétique, lui pour qui une fois rien… c’est rien et deux fois rien… c’est pas beaucoup !