Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 1er octobre 2012 à 21h30
Débat sur la réforme de la carte judiciaire

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Il n’est pas question de réformer à nouveau la carte judiciaire. Ce ne serait pas raisonnable. Ce serait en outre vraisemblablement vécu comme une agression par les personnels des juridictions. Cette réforme a en effet laissé de mauvais souvenirs aux magistrats, aux greffiers, aux fonctionnaires, aux élus et aux justiciables. Ils ont été tellement bousculés qu’ils demandent eux-mêmes une pause.

Reste qu’il faut étudier les ajustements nécessaires dans chaque ressort. Ainsi, dans certains endroits, il faudra réimplanter une juridiction ou créer une chambre détachée. Je rappelle, comme l’a déjà fait M. le rapporteur, que la nouvelle carte judiciaire a tout de même donné lieu à 200 recours devant le Conseil d’État !

Si le Conseil d’État n’a conseillé qu’une seule réimplantation, il a cependant formulé des observations sur un certain nombre de choix, sur lesquels nous sommes aujourd’hui conduits à nous pencher. Il nous faut donc revoir cette carte, ressort par ressort, faire remonter les besoins, les difficultés et apporter des réponses.

Nous devons assurer la présence judiciaire sous la forme la plus adaptée aux territoires, de façon à répondre aux besoins d’accès à la justice de tous les citoyens. Or le principal défaut de la réforme est qu’elle procède non pas d’une réflexion sur l’organisation judiciaire, mais d’un diktat comptable.

Nous l’avons tous dit, une nouvelle carte judiciaire était nécessaire. En effet, compte tenu du délai qui s’est écoulé depuis la dernière réforme, et ce malgré les aménagements intervenus entre-temps, l’évolution démographique de notre pays et les modifications de l’organisation administrative liées à plusieurs réformes territoriales justifiaient une réflexion sur les implantations judiciaires. En outre, ne le cachons pas, il y avait également lieu de s’interroger sur l’efficacité budgétaire et juridictionnelle.

Je le répète, le principal défaut de cette réforme est qu’elle répond à une obligation comptable, celle de la révision générale des politiques publiques. Il nous faut donc raisonner différemment et réfléchir à ce qu’est la proximité.

Plusieurs d’entre vous l’ont dit, en particulier M. Mézard : en cas de recours exceptionnel à une institution judiciaire, la proximité – on peut le concevoir – n’est pas une obligation absolue. Reste que celle-ci est indispensable pour juger les contentieux du quotidien : les affaires familiales et sociales, le divorce, le surendettement, la consommation, le logement. Or, je l’ai dit, les tribunaux d’instance, qui traitent de ces affaires, ont payé le prix fort.

N’oublions pas que ces contentieux concernent les justiciables les plus fragiles, les plus vulnérables, ceux qui sont dans des situations précaires. Ce sont eux qui ont été le plus pénalisés par la réorganisation judiciaire. Il nous faut donc prendre en compte la proximité et réfléchir à la forme qu’elle peut prendre là où les tribunaux d’instance ont été supprimés.

Je vous ai entendu, monsieur Mézard, vous éprouvez une véritable aversion pour les audiences foraines.

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