Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 1er octobre 2012 à 21h30
Débat sur la réforme de la carte judiciaire

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Je vois que vous m’approuvez, monsieur Hyest, et je vous en remercie. Je peux donc supputer mes chances de recueillir une unanimité sur le sujet.

Je le répète, il nous faut réfléchir aux formes de la présence judiciaire afin de répondre aux besoins et de permettre à nos concitoyens, notamment les plus vulnérables d’entre eux, d’accéder à la justice.

Un autre défaut de la nouvelle carte judiciaire est d’avoir allongé les délais de plus de 20 % dans les cours d’appel et de plus de 5 % dans les tribunaux de grande instance. On a surtout constaté une baisse significative, laquelle atteint parfois plus de 20 %, de la demande de justice. Cela signifie que, dans notre société, des citoyens finissent par renoncer à avoir recours à la justice. Nous ne pouvons pas nous accommoder de cette situation.

Je suis persuadée que la justice, et je suis sûre que nous partageons tous cette conviction, est profondément structurante pour la démocratie. Elle est le service public qui organise les lieux où le citoyen le plus en difficulté, celui qui a été confronté à un accident de la vie, se dit : « je peux appeler l’État au secours ». Par conséquent, il est extrêmement préjudiciable pour les plus vulnérables de nos concitoyens d’être confrontés à des déserts judiciaires, car cela fragilise le lien social.

Nous devons donc être vigilants et préserver la présence judiciaire, notamment par la proximité lorsque cela s’avère nécessaire. Sous quelle forme ? Par une réflexion sur les contentieux !

Si je parle de réflexion, c’est parce qu’il faut changer de méthode. En effet, cela n’aurait aucun sens de critiquer une méthode – tout en mesurant mes propos, vous l’aurez remarqué, car cette maison n’est pas un lieu de polémique – et d’utiliser la même. C’est pourquoi nous procéderons à des concertations. Nous associerons également le Parlement sous différentes formes. Je pense à des séances de travail sur ces sujets avec les parlementaires ou encore à des auditions de votre commission des lois, si elle le juge utile, auxquelles je me prêterai autant de fois qu’elle le souhaitera.

En matière de justice civile, il y a lieu de réfléchir aux contentieux des tribunaux d’instance et de grande instance. En l’occurrence, sans passéisme aucun, nous envisageons de recréer un tribunal de première instance. Cette juridiction devra-t-elle simplement regrouper un tribunal d’instance et un tribunal de grande instance ? Devra-t-on y inclure un conseil des prud’hommes, par exemple, ainsi que les juridictions sociales ? Pourra-t-on aller jusqu’à l’inclusion du tribunal de commerce ? Toutes les options sont sur la table, et c’est avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous parviendrons à trancher ces questions, sachant que les réponses apportées pourront être différentes selon les territoires.

Il nous faut également nous interroger sur l’architecture de nos juridictions. Faudra-t-il, dans un même ressort, plutôt prévoir des tribunaux de conciliation à certains endroits et des tribunaux de territoire à d’autres ? Nous savons que le contentieux est limité devant le tribunal d’instance, notamment s’agissant du niveau d’indemnisation, et que la procédure est simple. En revanche, devant le TGI, la procédure est plus complexe : les parties doivent être représentées par un avocat et le tribunal siège en formation collégiale.

Nous sollicitons vos réflexions, mesdames, messieurs les sénateurs, en complément du rapport de la commission des lois, lequel est de grande qualité. Ces réflexions, auxquelles nous associerons les élus des ressorts concernés, nous conduiront ensuite à prendre des décisions.

Je vous ai bien écouté, monsieur Mazars, concernant l’Aveyron. Il est vrai que ce département a été très fortement frappé par la réforme puisque sept tribunaux y ont été supprimés. Nous allons travailler ensemble, monsieur le sénateur, sur sa situation.

Il nous faudra également réfléchir à l’extension des guichets uniques de greffe, là où c’est souhaitable. Nous disposons déjà d’une soixantaine de guichets uniques. Il faudra évidemment estimer le coût de l’extension du réseau informatique. Nous travaillons sur toutes ces questions, et nous continuerons de le faire.

Outre les questions transversales auxquelles je viens de répondre, un certain nombre de questions très précises m’ont été posées. Je commencerai par répondre aux vôtres, monsieur Hyest, afin de vous rendre attentif à mes propos.

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