Intervention de Marc Daunis

Réunion du 2 octobre 2012 à 9h30
Débat sur l'économie sociale et solidaire

Photo de Marc DaunisMarc Daunis, président du groupe de travail sur l'économie sociale et solidaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le 22 février dernier, notre commission, alors commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, a décidé de créer un groupe de travail sur l'économie sociale et solidaire, l'ESS, dont elle m'a confié l'honneur de la présidence et d'une co-animation avec mon excellente collègue Marie-Noëlle Lienemann.

Permettez-moi de remercier ici tous mes collègues de la commission, particulièrement notre président, Daniel Raoul, ainsi que l'ensemble des membres du groupe de travail pour la qualité de nos échanges. Cette création préfigurait, d'une certaine manière, la décision prise quelques mois plus tard par le Gouvernement de mettre en place un ministère consacré à cet important secteur de notre économie. Je me félicite de ces deux initiatives, car, par le passé, les pouvoirs publics n'ont pas toujours su accompagner avec toute la constance et la détermination souhaitables un secteur qui contribue pourtant de façon significative à la création de richesses, mais aussi à la cohésion sociale dans notre pays.

De surcroît, la création de ce groupe de travail intervient à un moment-clef. En effet, la crise économique et financière que nous traversons n'est pas simplement due aux errements de la finance. Elle est aussi la conséquence de la montée d'égoïsmes, d'individualismes sans rivage, de la logique d'un système et de la remise en cause progressive du rôle de la puissance publique.

La cohésion sociale s'en trouve gravement menacée. Le chômage de masse s'installe, en même temps que la précarité pour des catégories de plus en plus nombreuses de la population, notamment les classes moyennes. Dans un tel contexte, il est aisé de constater un regain d'intérêt manifeste pour l'économie sociale et solidaire dans son rôle de « réparateur social ».

Au-delà, il est intéressant de porter un regard sur l'origine de l'économie sociale. La croyance en la capacité d'une économie sociale et solidaire de répondre à une exigence de justice et d'efficacité est une vieille utopie, portée par certains penseurs dès le XIXe siècle. La critique à l'encontre du laisser-faire allait alors de pair avec la crainte et le refus d'une économie administrée centralement.

L'économie sociale et solidaire investit ainsi des champs qui ne sont pas occupés par les acteurs économiques traditionnels. Plus humaine, elle crée des richesses tout en préservant l'environnement et les ressources naturelles durables.

Une première approche, assez répandue, attribue aux coopératives, mutuelles, associations et fondations qui constituent l'économie sociale et solidaire un rôle de complément de l'économie capitaliste de marché et d'aide à la reconstruction d'un lien social mis en danger par la crise.

L'ESS traduit également une volonté de se rapprocher des territoires. Je pense en particulier aux territoires ruraux qui, présentant des atouts indéniables en termes de qualité de vie, attirent une nouvelle population résidentielle.

L'avenir de ces territoires, nous le savons, dépendra de leur capacité à maintenir un lien social fort, à proposer une vie associative locale dynamique, ainsi que des services nouveaux et diversifiés. Ainsi, nous avons pu mesurer au cours de nos travaux et des nombreuses auditions que nous avons menées à quel point l'économie sociale et solidaire foisonne de projets qui peuvent sans aucun doute contribuer au désenclavement des territoires ruraux et favoriser l'installation des populations, en particulier des jeunes.

Au cours de ces mêmes auditions, nous avons aussi vu combien il serait réducteur d'appréhender l'économie sociale et solidaire principalement au travers d'une fonction de réparation sociale : elle constitue plus largement un secteur économique à part entière, créateur de richesses et porteur d'innovations, qui a pris une importance croissante ces dernières années. D'après les statistiques officielles, il représente 10 % de l'emploi en France, soit 2, 3 millions de salariés ire.

Majoritaires dans le domaine social, ces emplois sont aussi très nombreux dans les domaines de l'assurance et du crédit ou bien encore dans l'agroalimentaire et le commerce, au travers de sociétés coopératives. Si on peut noter une présence moins soutenue dans d'autres branches de la production, comme l'artisanat, l'industrie ou le logement, je suis pourtant convaincu que l'économie sociale et solidaire a le potentiel pour s'y développer rapidement, si l'on met en place des dispositifs de financement adaptés et qu'on lève certains freins juridiques qui brident le potentiel d'innovation des acteurs, sur lequel je reviendrai.

Stratégique par son poids économique, fortement territorialisée, l'économie sociale et solidaire présente aussi l'avantage essentiel d'offrir une importante ressource d'emplois non délocalisables. En relation beaucoup plus étroite avec son environnement territorial que l'économie capitaliste, l'économie sociale et solidaire se caractérise aussi par un maillage de PME et de TPE, qui contribuent à la dynamique des territoires. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'avais plaidé, dans le cadre de notre rapport, pour la mise en place d'un Small Business Act à la française en faveur des PME et des TPE et demandé qu'un volet dédié à l'économie sociale et solidaire y soit intégré.

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