Intervention de Michel Magras

Réunion du 2 octobre 2012 à 9h30
Débat sur l'économie sociale et solidaire

Photo de Michel MagrasMichel Magras :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président du groupe de travail, madame la rapporteur, mes chers collègues, le secteur de l'économie sociale et solidaire rassemble en France plus de 200 000 entreprises : coopératives, mutuelles, associations et fondations.

Avec près de 2 millions de salariés, ce secteur est fortement créateur de richesses pour notre pays. Les entreprises qui le constituent jouent un rôle de premier plan dans plusieurs secteurs, comme la banque, l'assurance, l'agriculture, la santé ou la distribution. Elles doivent ainsi constituer, par leur nature et leur histoire, un point de référence dans la lutte contre le chômage.

Cependant, l'économie sociale reste, dans certains secteurs, moins développée que chez nos voisins européens. Notre économie est ainsi privée de l'apport d'entreprises qui sont souvent celles qui favorisent l'émergence de nouvelles activités et proposent des projets structurant le développement national ou local.

Il nous paraît essentiel d'améliorer l'environnement dans lequel les entreprises de cette nature peuvent se développer et de favoriser l'essor de nouveaux projets et d'entrepreneurs sociaux.

C'est un défi pour notre pays, car nous sommes convaincus que ces activités constituent un gisement de richesses et d'emplois considérables. Je souhaite que notre pays relève ce défi et poursuive une politique ambitieuse de développement de l'économie sociale et de l'entrepreunariat social.

En effet, le précédent gouvernement a beaucoup œuvré pour ce secteur. Dans le cadre du programme d'investissements d'avenir – précédemment appelé « Grand emprunt » –, la Caisse des dépôts et consignations s'est vu confier, à la fin de 2010, une enveloppe de 100 millions d'euros pour soutenir le secteur de l'économie sociale et solidaire, via un appel à projets.

L'objectif est d'aider au développement de plus de 2 000 entreprises et à la création ou à la consolidation de plus de 60 000 emplois. Il était alors également prévu de faciliter l'accès de ces entreprises à des financements bancaires ou liés au marché de l'épargne solidaire.

Un appel à candidatures visait à retenir les partenaires financiers avec lesquels des co-investissements seront obligatoirement réalisés en complément de l'apport du programme d'investissements d'avenir. Il possède un caractère pérenne afin de permettre l'entrée régulière de nouveaux intervenants jusqu'au 31 décembre 2014. Tout financeur de l'économie sociale et solidaire souhaitant se porter candidat peut le faire à tout instant, dès lors qu'il répond aux conditions du cahier des charges.

Je tiens à préciser que ce niveau d'ambition, jamais atteint, avait été salué par l'ensemble des acteurs de l'économie sociale et solidaire.

Il nous plairait donc, monsieur le ministre délégué, que vous puissiez nous faire un état des lieux de cet appel à projets que le précédent gouvernement avait lancé.

L'une des caractéristiques majeures du secteur de l'économie sociale et solidaire, qui en fait sa richesse mais engendre également une difficulté d'appréhension à la fois sectorielle et globale, c'est sa très grande diversité.

En découlent donc, j'en conviens volontiers avec vous, des sujets de préoccupation, des besoins, des attentes très diverses à l'égard de la puissance publique, avec des spécificités particulières correspondant à ses nombreuses composantes.

Rappelons en effet qu'historiquement la sphère de l'économie sociale et solidaire englobe les coopératives, les mutuelles, les associations, les fondations. Plus récemment, le secteur de l'entrepreneuriat social revendique aussi son appartenance à cette grande famille.

Les différentes composantes de ce secteur considèrent que les approches qu'elles privilégient, les valeurs et les principes sur lesquels reposent les activités qu'elles développent se sont avérés pleinement appropriés au contexte de crise économique et sociale que connaît le monde depuis 2008. Ces activités sont d'autant plus pertinentes qu'elles ont, dans l'ensemble, mieux résisté à la crise que les secteurs de l'économie classique, notamment en termes d'emplois.

Incontestablement, nous avons pu voir les limites et les risques que comporte une approche purement économique.

C'est donc dans ce contexte que le secteur de l'économie sociale et solidaire peut constituer un modèle alternatif qui pourrait contribuer à surmonter la crise. Il serait une référence pour le nouveau modèle de développement à concevoir pour les décennies à venir.

Au vu de ces éléments, mais aussi de l'annonce faite par le gouvernement Fillon à la fin de 2010 et selon laquelle une fraction du grand emprunt, à hauteur de 100 millions d'euros, serait consacrée au soutien et au développement de l'économie sociale et solidaire dans notre pays, les acteurs de ce secteur ont un degré d'attente très élevé.

Aussi serait-il bon, monsieur le ministre délégué, que le Gouvernement tienne pleinement compte de cette espérance et veille à prendre les décisions nécessaires pour éviter de susciter des déceptions légitimes, alors que les besoins d'aide et d'accompagnement sont réels et que le secteur recèle des potentialités insuffisamment mises à profit jusqu'à présent.

Nous ne nous prononcerons pas sur le caractère alternatif du modèle incarné par le secteur de l'économie sociale et solidaire. Nous prenons acte des évolutions qu'il connaît dans notre pays et constatons que son histoire est rythmée par différentes phases évoluant d'une logique statutaire à une logique entrepreneuriale, sans que la seconde s'impose d'ailleurs au détriment de la première. Si l'entrepreneuriat social succède, dans le temps, à la conception statutaire de l'économie sociale, il ne la supplante pas à ce jour, mais se développe aux côtés de structures dont la dimension associative, mutualiste ou coopératiste conserve toute sa pertinence.

Cependant, une importance particulière doit être accordée au sens de l'action entreprise plus qu'à la maximisation du profit, qui pourrait, certaines fois, utilement inspirer l'économie classique, et être largement partagée par nombre d'acteurs.

Il nous semble en effet que les principes et les valeurs revendiqués par l'économie sociale et solidaire sont compatibles avec une vision de l'économie qui valorise le projet et l'apport de celui-ci à la société dans son ensemble plus que le rendement financier à court terme.

L'ESS répond en outre à une aspiration profonde de toute une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs et de futurs cadres formés dans les écoles de commerce, qui cherchent à donner un sens à leur engagement professionnel.

Ce sentiment est d'autant plus fort que notre pays est en recherche de voies et moyens pour relancer la croissance, une croissance plus riche en emplois, plus à même d'accroître le bien-être collectif tout en contribuant à maîtriser la dépense publique. Il s'agit d'associer les citoyens à un nouveau modèle de croissance, qui reste à inventer, porteur de développement durable, avec toutes les facettes que cela comprend, en particulier l'émergence de métiers nouveaux ou la mutation de métiers existants liées aux enjeux d'une croissance économique plus respectueuse de l'environnement.

Certes, les entreprises classiques ne sont pas exemptes de considérations sociales. Bien des sociétés de la sphère privée proprement dite développent des politiques qui rendent compte de leurs préoccupations pour l'environnement social et sociétal dans lesquelles elles s'inscrivent ou des politiques de valorisation des ressources humaines qui prennent en considération l'apport de chaque collaborateur dans une communauté de travail et de valeurs formée par l'entreprise.

Il n'en reste pas moins vrai que l'économie sociale et solidaire, par ses valeurs et ses modes d'action, est porteuse d'une dimension humaniste de l'activité économique, qui, dans le contexte actuel, peut trouver un écho particulier dans notre société, irriguer celle-ci et inspirer de nombreux acteurs de l'économie classique.

En la matière, une attention plus grande doit être portée à ce secteur qui connaît des réussites réelles et recouvre des réalités très diverses. Je souhaiterais ici en évoquer certaines.

Je citerai en premier lieu la contribution de nombre d'acteurs de l'économie sociale et solidaire au développement d'activités à forte utilité sociale répondant à des besoins pas ou mal couverts, et ce avec une faible mobilisation de capital mais avec une forte mobilisation en ressources humaines.

J'évoquerai en second lieu une contribution notable aux politiques de l'emploi par le biais notamment des acteurs de l'ESS, très impliqués en matière d'insertion sociale et professionnelle par l'économique, mais aussi par le biais des nombreuses structures associatives recourant largement aux contrats d'insertion ou de professionnalisation et facilitant ainsi la formation et l'insertion professionnelle des jeunes.

Un rôle actif est également joué par certains acteurs, qui constituent de vraies pépinières pour la création d'emplois nouveaux à fort potentiel de développement dans le cadre, notamment, d'activités de recyclage des déchets et de reconditionnement.

Un rôle non négligeable est joué aussi en matière de revitalisation de certains territoires délaissés par des activités traditionnelles frappées par les incidences de la mondialisation ou l'obsolescence technologique.

En conclusion, monsieur le ministre délégué, j'espère qu'avec ce débat nous pourrons mieux appréhender la façon dont l'État, par votre ministère, compte prendre en charge ce secteur multiforme, faire le point sur les actions conduites, examiner le champ des possibles, afin de répondre aux attentes et aux besoins exprimés par les différentes composantes de ce secteur. §

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