Intervention de David Assouline

Réunion du 2 octobre 2012 à 9h30
Débat sur l'application de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision

Photo de David AssoulineDavid Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, presque quatre ans après le dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, nous sommes amenés à parler de la loi qui en est issue pour contrôler son application.

La caractéristique majeure de ce texte est qu'il a fait couler une mer d'encre avant, pendant et après son adoption ! On a ainsi vu s'affronter ou, à tout le moins, débattre, d'une part, ceux qui prétendaient que la suppression de la publicité sur France Télévisions allait libérer le groupe d'une aliénation commerciale et, d'autre part, ceux qui considéraient que le groupe France Télévisions allait en sortir extrêmement fragilisé et qu'il se retrouverait en difficulté pour mener à bien les missions de service public qu'il remplissait de mieux en mieux.

Aujourd'hui, je puis vous dire que tout ce qui s'est passé avait été prédit et annoncé ; il suffit de relire les débats pour s'en rendre compte. Il n'en reste pas moins que tout ce qui a été annoncé ne s'est pas forcément déroulé comme prévu, et que le devoir de procéder à une analyse précise nous incombait.

Je suis donc particulièrement satisfait, en tant que président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, qu'un rapport exhaustif ait pu être publié sur cette question et qu'un débat soit organisé aujourd'hui dans l'hémicycle pour voir ensemble les conclusions que nous pouvons en tirer.

Concernant la question de la méthodologie, je me félicite que deux rapporteurs représentant la majorité et l'opposition aient pu élaborer un rapport commun et nuancé. Certes, vous pourrez le constater, nos analyses peuvent diverger, mais M. Legendre et moi-même sommes parvenus à donner à chacun les outils nécessaires pour avoir une opinion éclairée sur le bilan d'application de la loi.

À ce stade du débat, il n'est pas inutile de faire un bref rappel historique de cette loi-surprise, qui ne résultait ni d'un engagement de campagne ni d'une réflexion approfondie.

Cette loi a sans doute été pensée quelques jours avant le 8 janvier 2008 par un conseiller du Président de la République, qui a annoncé ce jour-là, à la surprise générale – on dit même que le Premier ministre n'était pas au courant ! –, la suppression de la publicité sur France Télévisions.

Après cette déclaration initiale, le projet a été mené au pas de charge.

Trois mois plus tard, la commission dite « Copé » a été mise en place et a lancé la concertation.

Trois mois plus tard encore, la polémique s'engageait, car la commission Copé butait sur le mode de financement de la suppression de la publicité, qui était déjà érigée en un dogme intangible et incontestable, le maintien en l'état de la redevance en étant un autre. M. Copé disait : « Moi vivant, la redevance n'augmentera pas ! » Vous l'avez remarqué, M. Copé est toujours vivant et la redevance a augmenté un peu ! Certains membres de ladite commission, dont moi-même, ont démissionné.

Trois mois plus tard enfin, nouvelle surprise : le projet de loi adopté en conseil des ministres prévoyait que les présidents de l'audiovisuel public seraient nommés par le Président de la République. Là encore, on était loin des débats de la commission Copé et des idées qui avaient émergées, parfois très intéressantes, en tous les cas sur toutes les questions de fond.

Un peu moins d'un an après le discours du Président, la publicité était supprimée – au moins en journée sur les antennes de France Télévisions –, alors même que la loi n'était pas encore votée !

Trois mois plus tard, la loi a été promulguée après plus d'une centaine d'heures de débats parlementaires.

Ce n'est cependant pas seulement parce que cette loi est née de manière improbable et dans des conditions aussi difficiles que ses conséquences sont néfastes ou que son bilan est négatif.

Ce n'est pas non plus parce que M. Legendre et moi-même avons été des acteurs importants de la discussion, forcément subjectifs, que nous avons abandonné l'idée de produire un rapport de vérité sur le sujet.

Le bilan est, je le crois, précis et le plus factuel possible.

Afin de mesurer la pertinence de la mise en œuvre de la loi, nous avons mené un travail d'archéologie, en étudiant et en reconstituant l'histoire de celle-ci, qui va de l'annonce aux réalisations concrètes auxquelles elle a donné lieu, en passant par sa conception et son examen. Nous avons jugé les effets constatés de la loi non pas à l'aune de notre avis sur le projet de loi, ni au vu du contexte actuel, mais bien au regard des intentions et des souhaits exprimés initialement.

C'est donc un rapport détaillé, précis et balancé que la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois a adopté.

Si je me suis abstenu d'émettre une quelconque opinion au moment de rendre le rapport sur les modifications à apporter à la loi, estimant que cette méthode permettrait de neutraliser les jugements portés, il n'en sera pas de même aujourd'hui : l'heure a sonné, il convient de tirer des conclusions et d'apporter des réponses, que j'évoquerai à la fin de mon propos.

À quelle conclusion sommes-nous parvenus l'été dernier ?

Il nous est apparu, trois ans après son adoption, que le bilan de la mise en œuvre de cette loi est très mitigé. Il ne l'est pas au sens où toutes les dispositions qu'il contient auraient moyennement atteint leurs objectifs. Au contraire, la mise en œuvre de certaines mesures a été particulièrement efficace et pertinente ; je pense notamment à la modernisation des règles applicables à l'ensemble des médias audiovisuels.

En revanche, d'autres dispositions n'ont absolument pas atteint l'objectif recherché, certaines d'entre elles ayant même été totalement contre-productives.

La réforme de l'audiovisuel public a ainsi peiné – c'est un euphémisme – à être mise en œuvre et a largement fragilisé le groupe France Télévisions.

Parlons tout d'abord de la mesure phare : la suppression de la publicité.

Cette mesure avait été présentée comme étant emblématique de l'ambition du Président de la République d'alors pour la télévision publique. Or elle est, à mon sens, emblématique de son échec.

La suppression de la publicité en journée a été rapide, tellement rapide qu'elle est intervenue avant l'adoption de la loi. D'ailleurs, cette décision a été a posteriori jugée illégale par le Conseil d'État.

Comme vous le savez, la suppression de la publicité en soirée aurait dû intervenir à la fin de l'année 2011. Or elle n'a pas eu lieu pour des raisons de financement. L'actuel gouvernement devra d'ailleurs régler cette question pendante : à un moment donné, il faut trancher !

En outre, quelle a été la conséquence de la suppression de la publicité ?

On était supposé assister à la fin « de la dictature de l'audience », ce qui impliquait qu'il y en avait une auparavant et que la réforme allait changer en profondeur le modèle culturel de France Télévisions.

La vérité est que les programmes n'ont pas changé de nature, et ce pour trois raisons.

Premièrement, le cahier des charges est resté très peu contraignant.

Deuxièmement, les yeux des dirigeants sont restés rivés sur la courbe d'audience. Quand un groupe dépense 2, 5 milliards d'euros pour ses programmes, on peut comprendre qu'il souhaite avoir des téléspectateurs. Toutefois, il n'en demeure pas moins que l'objectif initial était tout autre.

Troisièmement, enfin, il est objectivement difficile d'allier programmes exigeants et audience forte. À cet égard, la suppression de la série « Chez Maupassant » nous a surpris, monsieur Legendre et moi-même, …

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