Intervention de Francis Delattre

Réunion du 2 octobre 2012 à 9h30
Débat sur l'application de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors qu'il s'agit, dans ce débat, de faire un état des lieux de l'application de la loi de 2009, la tonalité de mon intervention sera légèrement différente. Je reprendrai en effet un certain nombre de faits que nous avons connus lors de la dernière campagne présidentielle, qui a révélé un véritable déséquilibre dans l'expression des médias, avec des comportements souvent incompatibles avec une démocratie pluraliste.

La liberté des médias a pour corollaire le respect du pluralisme au sens de l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. De nombreux articles parus dans la presse étrangère ont dénoncé, par rapport à ce texte, de véritables caricatures et certaines comparaisons, madame la ministre, ne furent guère flatteuses pour la République française.

Le Conseil constitutionnel lui-même a réaffirmé à plusieurs reprises la nécessité du pluralisme, des supports comme des expressions, afin que les auditeurs et les téléspectateurs puissent, notamment, exercer « leur libre choix ».

À vrai dire, si les différentes lois de 1986 sur la presse et la liberté de communication s'efforçaient d'organiser le pluralisme, nous sommes obligés de constater aujourd'hui qu'elles sont largement contournées et dépassées, et qu'elles ne permettent plus vraiment « une libre communication des pensées et des opinions ». Au contraire, elles coproduisent un véritable asservissement au seul corpus idéologique du « politiquement correct ».

Cette tendance, pesante au quotidien, devient insupportable en période électorale et connaît des accélérations suspectes pour peser à des moments clefs où se forgent les opinions.

Ces phénomènes ont indiscutablement aidé les favoris des élections présidentielles de 2007 comme de 2012, avec, pour ces dernières, une indécence caricaturale. Ce syndrome médiatique du « favori des médias » s'explique partiellement par la sensibilité des rédactions, majoritairement de gauche, mais, plus encore, par le jeu des groupes propriétaires des entreprises médiatiques, dont beaucoup prospèrent dans les contrats et commandes publiques. Ces relations économiques stratégiques, pour nombre de ces entreprises, n'inclinent pas à l'indépendance, mais plutôt à l'anticipation de la victoire.

C'est ce que nous venons de vivre, et c'est ce qu'il conviendrait de réformer.

À vrai dire, mes chers collègues, il existe sur ce sujet un large consensus entre nous, illustré par plusieurs propositions de loi : celle de M. Ayrault, cosignée par Mme la ministre, celle du groupe socialiste au Sénat, celle de M. Lagarde et du groupe centriste à l'Assemblée nationale et, enfin, présentement, celle du groupe UMP au Sénat. Ce consensus devrait nous permettre de légiférer utilement et rapidement, car il ouvrirait « la possibilité à de véritables entreprises de médias d'investir dans le secteur sans être concurrencées par des conglomérats industriels cherchant uniquement à contrôler des vecteurs d'information au service de leur propre communication ».

On peut, sur ce point, observer que nombre des titres de la presse écrite régionale et nationale n'ont pu, ces dernières années, construire de véritables entreprises de médias, alors qu'il s'agit de leur cœur de métier.

Pour le pluralisme, les attributions récentes de canaux de télévision numérique terrestre ont surtout défrayé la chronique, un groupe s'étant notamment offert une plus-value de plusieurs centaines de millions d'euros en cédant ses deux licences à Canal+, filiale de Vivendi, trois ans après les avoir obtenues, ce qui lui a permis de s'installer comme un actionnaire de référence de ce groupe.

À vrai dire, mis devant le fait accompli, le CSA a entériné, faute de moyens suffisants pour faire respecter ses propres règles.

Les entreprises éditrices de la presse écrite sont, elles, soumises à des règles de transparence de leur actionnariat et à une charte interne régissant les rapports avec les rédactions, qu'il serait urgent d'étendre aux groupes de médias des radios et télévisions. En effet, ceux-ci, quotidiennement impliqués dans la communication commerciale de masse, ont un pouvoir de « bourrage de crâne » qui peut éventuellement contribuer avec la même efficacité au « bourrage des urnes », d'autant qu'ils n'hésitent pas à pratiquer la publicité comparative illustrée par le récent « tout sauf Sarkozy », comme ils vendent le « tout sans OGM », deux mentions aussi erronées l'une que l'autre.

Plus insidieusement, le paysage audiovisuel des six derniers mois, avant le premier tour de l'élection présidentielle, a vu également défiler, dans les émissions les plus disparates, une cohorte de savants, sociologues, experts, chercheurs, psychologues, environnementalistes, jusqu'aux podologues, qui expliquaient fort doctement que leur dernière éruption de boutons ne pouvait se comprendre que dans un anti-sarkozysme tout aussi éruptif, créant ainsi un climat de méfiance, si ce n'est d'hostilité généralisée envers un candidat !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion