Intervention de Philippe Madrelle

Réunion du 2 octobre 2012 à 9h30
Questions orales — Situation de la viticulture bordelaise

Photo de Philippe MadrellePhilippe Madrelle :

Monsieur le président, le vignoble girondin, premier producteur mondial de vin d’appellation d’origine contrôlée, ou AOC, n’échappe pas aux effets de la crise mondiale.

Depuis 2008, les ventes ont globalement diminué. Seuls les premiers grands crus classés, comme d’ailleurs tous les produits de luxe, se portent bien.

Il ne faudrait pas – et je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes parfaitement conscient – que cette vitrine de luxe dissimule une réalité très hétérogène : en effet, sur 728 millions de bouteilles vendues en 2011, les grands crus prestigieux n’étaient que quelques millions de bouteilles.

Cette vitrine de l’exportation cache la situation de grande précarité dans laquelle se débattent actuellement de trop nombreux viticulteurs. Ceux-ci ont dû et doivent encore faire face à la baisse des cours et à l’augmentation des stocks, la montée en puissance des achats asiatiques étant loin de concerner l’ensemble des producteurs.

Il est patent que l’organisation commerciale des viticulteurs est inadaptée au marché, notamment dans le domaine du vrac : la multiplicité des acteurs vignerons, des caves coopératives et des négociants amplifie la baisse des prix face à une distribution puissante et hyper-concentrée.

Le conseil général de la Gironde, que j’ai l’honneur de présider, a mis en place deux plans triennaux de soutien à la filière viticole.

De très nombreux viticulteurs vivent actuellement dans une grande précarité ; certains même survivent avec le revenu de solidarité active versé par le conseil général.

Par ailleurs, n’oublions pas que de trop nombreux viticulteurs ont dû consentir de gros efforts d’investissement pour se conformer aux contraintes imposées par la réforme des conditions de production. De ce fait, et faute de financements adaptés aux structures de taille modeste, de nombreuses exploitations se trouvent aujourd’hui étranglées.

Ces viticulteurs ne refusent pas de payer la cotisation volontaire obligatoire, mais ils contestent des inégalités trop importantes au sein d’une même région viticole. En effet, si cette contribution est payée par tous les viticulteurs, ils n’en tirent pas tous le même profit.

La contribution par hectolitre s’élève à 4, 72 euros pour le bordeaux AOC, à 7, 79 euros pour le Saint-Émilion AOC et à 10, 39 euros pour le Saint-Émilion Grand Cru.

Entre les appellations les plus modestes et les plus prestigieuses, il y a donc un facteur multiplicateur de 2, alors que le prix de vente du vin peut être multiplié par 100, voire davantage !

Pour qu’un barème plus équitable puisse être défini, il faudrait d’abord que toutes les interprofessions françaises, en particulier le conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, enregistrent l’ensemble des transactions en vrac et en bouteilles, et non pas seulement les transactions réalisées en vrac.

Cette mesure, qui n’a aucune conséquence financière, apaiserait un climat tendu et permettrait de mettre à la disposition des syndicats viticoles et agricoles des informations claires et précises, sans porter atteinte à la confidentialité des données recueillies.

On comprend parfaitement le souhait de ces viticulteurs d’une répartition plus égalitaire des contributions volontaires obligatoires et d’une information transparente sur l’utilisation de ces fonds, qu’ils souhaiteraient voir affectés en priorité à la viticulture.

J’ajoute qu’une confirmation du projet de libéralisation des droits de plantation proposé par la Commission européenne et approuvé en 2008 par les ministres européens de l’agriculture – la France était alors représentée par M. Barnier – serait catastrophique.

Je vous remercie vivement, monsieur le ministre, pour la vigueur avec laquelle vous combattez ce projet.

La partie n’est pas gagnée mais, alors que le compte à rebours est lancé, je sais que nous pouvons compter sur votre détermination comme sur celle du Gouvernement pour réunir une majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres de l’Union européenne afin de revenir sur cette libéralisation.

Dans ces conditions, chacun comprendra que le climat n’est pas nécessairement serein au sein de nos vignobles girondins, d’autant que l’on s’attend à une baisse de la récolte 2012, en Gironde comme ailleurs.

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