Intervention de Jacques Chiron

Réunion du 2 octobre 2012 à 21h30
Débat sur l'application de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision

Photo de Jacques ChironJacques Chiron :

À ce titre, le rétablissement d’une taxe adaptée sur les résidences secondaires me semble plus juste qu’une augmentation trop brutale de la contribution, taxe non progressive qui toucherait tous les Français sans distinction.

Puisqu’il est aujourd’hui question de vérifier l’application de la loi du 5 mars 2009, je ferai ce constat, à l’instar de plusieurs de nos collègues : trois ans après l’adoption de ce texte, n’ont été mis en place ni le comité de suivi de la loi, prévu à l’article 75, ni un quelconque financement compensant la suppression totale de la publicité initialement prévue en 2012 et très rapidement reportée au 1er janvier 2016, avant les élections...

Ce délai montre bien l’incapacité de l’État, reconnue par tous, à financer cette réforme dans les années à venir, incapacité confirmée par la Cour des Comptes dans son dernier rapport de 2012.

À nous, à vous, madame la ministre, de trouver des solutions pour garantir un modèle de financement stable et pérenne qui garantisse enfin l’indépendance des groupes publics dans un contexte particulièrement concurrentiel.

Car c’est aussi l’indépendance de notre audiovisuel public qui pourrait, à terme, être remis en cause. Sans insister sur les nouveaux modes de désignation des dirigeants prévus par la loi de 2009, mais sur lesquels il faudra revenir – le Président de la République l’a dit –, le mode de financement de l’audiovisuel public constitue également un moteur de son indépendance. Or chacun s’accordera sur le fait que la contribution à l’audiovisuel public et la publicité représentent des ressources beaucoup plus favorables à l’indépendance du groupe qu’une dotation budgétaire négociée avec l’État.

Quant aux objectifs de ce texte, qui étaient, d’une part, de « faciliter le virage éditorial du groupe en faveur du renforcement de ses missions de service public et, d’autre part, de créer une spécificité du service public en termes d’horaires », nous sommes contraints de constater qu’ils ne sont pas atteints.

Nous avons observé une baisse du nombre des programmes culturels diffusés en première partie de soirée, alors qu’il s’agissait du premier engagement du cahier des charges.

Le nombre de soirées consacrées aux spectacles vivants et aux fictions patrimoniales historiques a peu évolué, même si l’on note un engagement plus important du service public en faveur de la création.

La loi n’a donc pas réussi à réellement donner un nouveau visage éditorial à France Télévisions.

Au-delà de ces objectifs non atteints, le principal enjeu de la suppression de la publicité était la disparition de la « tyrannie de l’audimat ». Or c’est l’argument souvent invoqué par les dirigeants du groupe pour justifier le non-respect des objectifs du texte, notamment sur les horaires de programmation. C’est aussi le discours tenu par la plupart des interlocuteurs auditionnés dans le cadre du rapport de nos collègues, qui considèrent que l’audience restait un impératif majeur pour France Télévisions.

Enfin, la question de l’audimat se trouvait au cœur de l’intervention, en mars dernier, du précédent ministre de la culture, qui, répondant à une question écrite d’un député, précisait que l’État fixait des objectifs d’audience à la Société.

À ce sujet, même s’il faut substituer au diktat de l’audience l’utilisation progressive d’outils qualitatifs, il serait aussi difficile d’accepter que l’État investisse dans des programmes peu regardés par les Français. L’audience doit rester l’un des objectifs guidant la télévision publique, mais cela ne doit pas nous conduire à reproduire des programmes des chaînes commerciales. Il faut continuer d’inciter le groupe à répondre aux attentes des téléspectateurs et à diffuser sur les chaînes du service public des émissions de qualité, différentes de celles qui sont produites par les chaînes commerciales.

Je pense notamment aux émissions scientifiques ou technologiques, attractives, bien documentées, à l’instar de ce que sont certaines émissions diffusées sur des radios publiques comme France Inter ou France Culture.

In fine, le texte de 2009 a soulevé plus de questions qu’il n’a apporté de réponses.

Le général de Gaulle a créé en 1964 l’ORTF ; François Mitterrand a, tout au long de son mandat, libéré la communication audiovisuelle et renforcé l’indépendance du CSA, indépendance que le Président de la République sortant aura rapidement remise en cause. L’histoire retiendra que, partisan d’un audiovisuel déréglementé, il aura largement pénalisé France Télévisions par rapport aux grands groupes industriels détenant les chaînes privées.

À vous, madame la ministre, de relever le défi et de mettre en œuvre une réforme qui permettra à l’audiovisuel public de jouer à nouveau pleinement son rôle fédérateur de la société française, et d’en discuter sans tabou ni préjugé.

À France Télévisions, aussi, d’inventer une nouvelle télévision publique qui participe à la diversité culturelle et au pluralisme de l’information, inlassablement battus en brèche par la concentration des médias privés au bénéfice des grands groupes industriels et financiers.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion