Séance en hémicycle du 2 octobre 2012 à 21h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Charles Guené.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L’ordre du jour appelle le débat sur l’application de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, à la demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois (rapport d’information n° 572, 2011-2012).

La parole est à M. le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, presque quatre ans après le dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, nous sommes amenés à parler de la loi qui en est issue pour contrôler son application.

La caractéristique majeure de ce texte est qu’il a fait couler une mer d’encre avant, pendant et après son adoption ! On a ainsi vu s’affronter ou, à tout le moins, débattre, d’une part, ceux qui prétendaient que la suppression de la publicité sur France Télévisions allait libérer le groupe d’une aliénation commerciale et, d’autre part, ceux qui considéraient que le groupe France Télévisions allait en sortir extrêmement fragilisé et qu’il se retrouverait en difficulté pour mener à bien les missions de service public qu’il remplissait de mieux en mieux.

Aujourd'hui, je puis vous dire que tout ce qui s’est passé avait été prédit et annoncé ; il suffit de relire le compte rendu des débats pour s’en rendre compte. Il n’en reste pas moins que tout ce qui a été annoncé ne s’est pas forcément déroulé comme prévu, et que le devoir de procéder à une analyse précise nous incombait.

Je suis donc particulièrement satisfait, en tant que président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, qu’un rapport exhaustif ait pu être publié sur cette question et qu’un débat soit organisé aujourd’hui dans l’hémicycle pour voir ensemble les conclusions que nous pouvons en tirer.

Concernant la question de la méthodologie, je me réjouis que deux rapporteurs représentant respectivement la majorité et l’opposition aient pu élaborer un rapport commun et nuancé. Certes, vous pourrez le constater, nos analyses peuvent diverger, mais M. Legendre et moi-même sommes parvenus à donner à chacun les outils nécessaires pour avoir une opinion éclairée sur le bilan d’application de la loi.

À ce stade du débat, il n’est pas inutile de faire un bref rappel historique de cette loi-surprise, qui ne résultait ni d’un engagement de campagne ni d’une réflexion approfondie.

Cette loi a sans doute été pensée quelques jours avant le 8 janvier 2008 par un conseiller du Président de la République, qui a annoncé ce jour-là, à la surprise générale – on dit même que le Premier ministre n’était pas au courant ! –, la suppression de la publicité sur France Télévisions.

Après cette déclaration initiale, le projet a été mené au pas de charge.

Trois mois plus tard, la commission dite « Copé » a été mise en place et a lancé la concertation.

Trois mois plus tard encore, la polémique s’engageait, car la commission Copé butait sur le mode de financement de la suppression de la publicité, qui était déjà érigée en un dogme intangible et incontestable, le maintien en l’état de la redevance en étant un autre. M. Copé disait : « Moi vivant, la redevance n’augmentera pas ! » Vous l’avez remarqué, M. Copé est toujours vivant et la redevance a augmenté un peu ! Certains membres de ladite commission, dont moi-même, ont démissionné.

Trois mois plus tard enfin, nouvelle surprise : le projet de loi adopté en conseil des ministres prévoyait que les présidents de l’audiovisuel public seraient nommés par le Président de la République. Là encore, on était loin des débats de la commission Copé et des idées qui avaient émergé, parfois très intéressantes, en tous les cas sur toutes les questions de fond.

Un peu moins d’un an après le discours du Président, la publicité était supprimée – au moins en journée sur les antennes de France Télévisions –, alors même que la loi n’était pas encore votée !

Trois mois plus tard, la loi a été promulguée après plus d’une centaine d’heures de débats parlementaires.

Ce n’est cependant pas seulement parce que cette loi est née de manière improbable et dans des conditions aussi difficiles que ses conséquences sont néfastes ou que son bilan est négatif.

Ce n’est pas non plus parce que M. Legendre et moi-même avons été des acteurs importants de la discussion, forcément subjectifs, que nous avons abandonné l’idée de produire un rapport de vérité sur le sujet.

Le bilan est, je le crois, précis et le plus factuel possible.

Afin de mesurer la pertinence de la mise en œuvre de la loi, nous avons mené un travail d’archéologie, en étudiant et en reconstituant l’histoire de celle-ci, qui va de l’annonce aux réalisations concrètes auxquelles elle a donné lieu, en passant par sa conception et son examen. Nous avons jugé les effets constatés de la loi non pas à l’aune de notre avis sur le projet de loi, ni au vu du contexte actuel, mais bien au regard des intentions et des souhaits exprimés initialement.

C’est donc un rapport détaillé, précis et balancé que la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois a adopté.

Si je me suis abstenu d’émettre une quelconque opinion au moment de rendre le rapport sur les modifications à apporter à la loi, estimant que cette méthode permettrait de neutraliser les jugements portés, il n’en sera pas de même aujourd’hui : l’heure a sonné, il convient de tirer des conclusions et d’apporter des réponses, que j’évoquerai à la fin de mon propos.

À quelle conclusion sommes-nous parvenus l’été dernier ?

Il nous est apparu, trois ans après son adoption, que le bilan de la mise en œuvre de cette loi est très mitigé. Il ne l’est pas au sens où toutes les dispositions qu’il contient auraient moyennement atteint leurs objectifs. Au contraire, la mise en œuvre de certaines mesures a été particulièrement efficace et pertinente ; je pense notamment à la modernisation des règles applicables à l’ensemble des médias audiovisuels.

En revanche, d’autres dispositions n’ont absolument pas atteint l’objectif recherché, certaines d’entre elles ayant même été totalement contre-productives.

La réforme de l’audiovisuel public a ainsi peiné – c’est un euphémisme – à être mise en œuvre et a largement fragilisé le groupe France Télévisions.

Parlons tout d’abord de la mesure phare : la suppression de la publicité.

Cette mesure avait été présentée comme étant emblématique de l’ambition du Président de la République d’alors pour la télévision publique. Or elle est, à mon sens, emblématique de son échec.

La suppression de la publicité en journée a été rapide, tellement rapide qu’elle est intervenue avant l’adoption de la loi. D’ailleurs, cette décision a été a posteriori jugée illégale par le Conseil d’État.

Comme vous le savez, la suppression de la publicité en soirée aurait dû intervenir à la fin de l’année 2011. Or elle n’a pas eu lieu pour des raisons de financement. L’actuel gouvernement devra d’ailleurs régler cette question pendante : à un moment donné, il faut trancher !

En outre, quelle a été la conséquence de la suppression de la publicité ?

On était supposé assister à la fin « de la dictature de l’audience », ce qui impliquait qu’il y en avait une auparavant et que la réforme allait changer en profondeur le modèle culturel de France Télévisions.

La vérité est que les programmes n’ont pas changé de nature, et ce pour trois raisons.

Premièrement, le cahier des charges est resté très peu contraignant.

Deuxièmement, les yeux des dirigeants sont restés rivés sur la courbe d’audience. Quand un groupe dépense 2, 5 milliards d’euros pour ses programmes, on peut comprendre qu’il souhaite avoir des téléspectateurs. Toutefois, il n’en demeure pas moins que l’objectif initial était tout autre.

Troisièmement, enfin, il est objectivement difficile d’allier programmes exigeants et audience forte. À cet égard, la suppression de la série « Chez Maupassant » nous a surpris, monsieur Legendre et moi-même, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… dans la mesure où elle faisait partie de ces programmes rares qui réussissaient à concilier ces deux exigences.

Dans le domaine de l’information politique, reconnaissons, en revanche, l’engagement pertinent et réussi de France Télévisions en faveur d’un renforcement de l’offre de programmes. À l’époque, rappelez-vous, il n’y avait plus d’émissions politiques. Certes, la campagne électorale y a peut-être été pour quelque chose, mais force est de constater que, dans le paysage audiovisuel, c’est France Télévisions qui a assumé cette tâche. Je ne souhaite pas juger les émissions ni me constituer en énième programmateur de France Télévisions – tel n’est pas mon rôle ; je suis là pour légiférer –, mais je considère, au vu des rapports relatifs à l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens depuis 2011, que, globalement, France Télévisions n’a pas changé fondamentalement de couleur, alors que la réforme l’envisageait avec enthousiasme.

À cet égard, on doit se poser la question de la capacité du législateur à influencer réellement la programmation culturelle et celle de sa légitimité pour le faire.

Le rôle de la commission que j’ai l’honneur de présider est aussi, parfois, de souligner les limites de l’action du législateur. Dans le cas de la programmation télévisuelle, les interrogations peuvent être fortes.

De ce point de vue, la question de l’heure de début des programmes est tout à fait symbolique.

France Télévisions n’a pas respecté la règle de vingt heures trente-cinq fixée par le cahier des charges et invoquée de manière incantatoire par l’ancienne majorité pour justifier la réforme. Les programmes commenceraient plus tôt, disait-on, de sorte qu’il y aurait désormais deux tranches de programmes, alors que, dans les grilles des autres chaînes, les programmes du soir commençaient à vingt et une heures.

Le groupe a enfreint cette règle en conscience, parce qu’il a considéré que, non pertinente pour le téléspectateur, elle était en outre contre-productive pour son audience. Il assume pleinement ce choix cette année en ne respectant même plus le décret.

Indépendamment du jugement que l’on peut porter sur le fait que France Télévisions ait pris cette liberté, la question se pose : jusqu’à quel point peut-on lui imposer ce type de règles par la loi ?

Le rôle du législateur n’est-il pas plutôt de fixer les grands principes et de s’en remettre à des personnes responsables pour leur mise en œuvre ?

Ne vaut-il pas mieux prévoir un mode de nomination efficace – j’y reviendrai –, qui permette de désigner des personnalités compétentes, lesquelles seront jugées sur pièces, sur la réussite de leur action ? C’est cela qui est nécessaire.

Mais revenons à la suppression de la publicité. Ce n’est pas qu’elle ait été sans effet ; elle a bien eu des conséquences, mais très dommageables.

D’abord, elle a changé le modèle économique de France Télévisions. D’un diptyque composé de la redevance et de la publicité, qui garantissait l’indépendance du groupe à l’égard du commerce comme de l’État, ce modèle est devenu un triptyque formé d’une dotation publique, de la publicité et d’une dotation budgétaire. Or ce nouveau modèle de financement s’est révélé beaucoup plus fragile.

En effet, la dotation budgétaire a été chaque année diminuée en exécution. Le fameux contrat d’objectifs et de moyens n’a pas joué son effet bouclier et la dotation promise pour 2012 a déjà été largement rabotée. Cette situation n’est bonne ni pour l’indépendance de France Télévisions ni pour son équilibre économique.

Lors du débat sur la loi du 5 mars 2009, j’ai dit dans cet hémicycle, avec beaucoup d’autres, que si France Télévisions dépendait entièrement de la dotation publique, lorsque l’État aurait moins de moyens, le problème se poserait de la réduction de cette dotation et, par conséquent, de la fragilisation du groupe. Peut-être même nous proposerait-on, en pareille situation, de réduire le périmètre de France Télévisions ? Cela, nous nous refusions tous à l’envisager.

Nous y sommes aujourd’hui. Sans anticiper le débat que nous aurons bientôt lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, je veux dire que France Télévisions est dans une situation d’asphyxie et que l’État, compte tenu de ses propres problèmes, ne pourra pas, sans de grandes difficultés, justifier le maintien de sa dotation au même niveau.

La suppression de la publicité a produit un deuxième effet, qui concerne les caisses de l’État.

Le financement de la réforme par la mise en place de nouvelles taxes a été un échec. Alors qu’on attendait 450 millions d’euros de recettes, on a levé seulement 270 millions d’euros.

La suppression de la publicité représente donc un coût net de 180 millions d’euros par an, alors même que la publicité a finalement été maintenue en journée, contrairement à ce qui était prévu !

En quatre ans, la réforme a eu un coût de 628 millions d’euros pour l’État. Cette somme, auparavant fournie par la publicité, aurait à mon sens été mieux employée au profit de nombreux programmes culturels qui en auraient bien eu besoin – je ne voudrais pas qu’elle ait servi à autre chose.

Pis : la taxe télécoms, qui est la plus rentable pour l’État puisqu’elle rapporte environ 350 millions d’euros par an, est contestée à Bruxelles. Le verdict tombera au cours du premier semestre de l’année prochaine.

Si cette taxe était déclarée incompatible avec le droit de l’Union européenne, nous aurions besoin de trouver 350 millions d’euros supplémentaires chaque année. De plus, il faudrait rembourser environ 1 milliard d’euros aux opérateurs, s’ils en faisaient la demande. Terrible perspective !

En pareille hypothèse, le bilan de la loi, que j’ai jugé tout à l’heure mitigé pour accepter une expression commune avec M. Legendre, deviendrait franchement catastrophique !

Ainsi, la loi qui ambitionnait de révolutionner le modèle culturel et le modèle financier de France Télévisions a profondément miné le second sans améliorer le premier.

J’en viens à la question de l’entreprise unique, dont la création était l’autre grande ambition de la loi du 5 mars 2009.

Sur ce point, il me semble que le bilan doit être relativisé au vu de la lourdeur de la mission. Le problème de cette réforme est que le traitement n’a pas encore eu d’effets positifs mais que les effets secondaires, en revanche, ont été rapides et assez visibles.

Parmi les effets secondaires figurent les multiples changements d’organigrammes que le projet d’entreprise unique a provoqués et qui ont désorganisé le groupe pendant quatre ans. Les questions relatives à la rédaction de France Télévisions sont aujourd’hui une conséquence directe de cette désorganisation.

Par ailleurs, la remise en cause des accords collectifs a eu pour conséquence de focaliser l’ensemble des débats sur le dialogue social, au détriment des enjeux culturels qui étaient pourtant au cœur de la réforme.

On pourrait dresser exactement le même constat pour l’audiovisuel extérieur de la France, qui se trouve dans une situation très compliquée que nous connaissons tous.

À cet égard la publication très tardive du cahier des charges de la société AEF n’a pas franchement facilité un projet déjà très mal engagé. Sans parler du contrat d’objectifs et de moyens, obligatoire selon la loi et qui n’est jamais sorti…

Reconnaissons néanmoins quelques effets positifs au projet d’entreprise unique.

D’abord, si les synergies n’ont pas encore été complètement réalisées, la Cour des comptes estime qu’elles produiront inévitablement des effets dans les prochaines années. Qui sait ? Nous ferons un nouveau bilan le moment venu.

Ensuite, les inquiétudes sur la question dite du guichet unique ont été levées ; c’est toujours un progrès, qu’il faut mettre à l’actif de l’actuelle direction.

En outre, le média global a été lancé. On ne sait pas si c’est la conséquence de la mise en place de l’entreprise unique ou d’une prise de conscience du groupe, mais c’est un fait et cela fonctionne. Malheureusement, les moyens manquent – nous savons pourquoi.

Enfin, la création d’un conseil d’administration unique, dont je ne juge pas l’action quotidienne, a amélioré la gouvernance de l’entreprise et l’a rendue plus rationnelle.

S’agissant de la gouvernance, nous avons aussi souhaité évoquer la question du mode de nomination des présidents de l’audiovisuel public, dont le changement était inscrit dans la loi.

Il faut bien constater que le mode de nomination de ces présidents, quels que soient leur professionnalisme et leur indépendance, a handicapé leur action, parce qu’il a fait naître un soupçon, une suspicion, un doute, sur chacun de leurs faits et gestes importants.

La mise sous surveillance du pouvoir politique par l’opinion publique a été le seul frein à un interventionnisme qui, s’il avait eu libre cours, aurait pu être de grande ampleur. Mais le mal était fait et la crédibilité du groupe entamée.

Mes chers collègues, les mois et les années à venir seront très difficiles pour France Télévisions, en grande partie à cause de sa fragilisation par une réforme complexe et coûteuse.

L’impasse budgétaire dans laquelle se trouve le groupe justifie qu’on s’attache à définir des solutions de court et de moyen terme.

Au-delà du maintien nécessaire de la publicité en journée, dont je proposerai d’inscrire le principe dans la loi, le rétablissement de la publicité en soirée sera forcément à l’ordre du jour si l’Europe nous condamne et qu’il nous faut trouver les 350 millions d’euros dont j’ai parlé. Je n’en dis pas plus pour le moment ; ce débat est devant nous.

Il reste que le marché publicitaire n’est pas le même aujourd’hui qu’en 2009 et que l’introduction inopportune de six nouvelles chaînes sur la télévision numérique terrestre à partir du mois de décembre ne favorisera pas le dynamisme des recettes publicitaires.

C’est d’autant plus vrai que même les groupes privés, comme TF1 ou M6, sont aujourd’hui en grande difficulté. La manne publicitaire ne peut pas se démultiplier, ce poste étant assez fixe dans les budgets des entreprises.

J’ai parlé tout à l’heure des deux jambes sur lesquelles repose le financement de France Télévisions : la publicité et la contribution à l’audiovisuel public. C’est évidemment sur cette seconde recette qu’il faut jouer.

La contribution à l’audiovisuel public est déjà indexée sur l’inflation. Le Gouvernement a apporté pour l’année 2013 une réponse qui, à mon avis, va dans le bon sens : il a proposé une hausse de 2 euros de cette contribution.

La décision d’augmenter la contribution à l’audiovisuel public est courageuse et le Sénat l’a toujours souhaitée : j’espère que la commission des affaires culturelles, gauche et droite confondues, continuera de juger cette mesure positive.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Et le centre aussi !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il reste qu’à moyen terme cette augmentation ne suffira pas à compenser la suppression brutale de la publicité en 2009.

Je propose donc que le rétablissement des résidences secondaires dans l’assiette de la redevance soit envisagé.

M. André Gattolin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Non pas forcément pour le mettre en œuvre immédiatement, ce qui serait un peu rapide, mais pour programmer dans le projet de loi de finances pour 2013 son entrée en vigueur en 2014, ce qui laisserait aux services de l’État le temps de s’organiser.

Cette proposition sera probablement examinée au cours du prochain débat budgétaire.

Quant à la nomination des présidents de l’audiovisuel public, vous connaissez ma position : il faut qu’une instance totalement indépendante en soit chargée. Ce sera le chantier audiovisuel du printemps prochain.

Je veux conclure sur une note positive. La modernisation des règles relatives à l’ensemble des médias audiovisuels avait une ambition limitée, mais elle constituait une partie importante de la loi du 5 mars 2009. À cet égard, les décrets ont été pris rapidement, les objectifs atteints et l’esprit du législateur bien souvent respecté.

Je crois, au vu du bilan global, que ces dispositions auraient dû former le cœur de la loi audiovisuelle de la précédente législature.

Le seul décret qui n’a pas été pris à ce jour concerne le comité de suivi de la loi. Compte tenu du bilan que je viens de dresser, on peut comprendre pourquoi…

Mais l’absence de ce comité a été compensée par le travail de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, que je préside, et elle rend d’autant plus utile le débat de ce soir !

Je considère que le débat est bien lancé. Mon collègue Jacques Legendre va maintenant poursuivre la présentation de notre rapport.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous ne serez guère surpris que je ne partage pas bon nombre des analyses de mon collègue et corapporteur David Assouline.

Sur bien des mesures, il fait un constat en demi-teinte ; considérant pour ma part le verre à moitié plein, j’estime que le bilan de la loi du 5 mars 2009 est positif.

À titre liminaire, je souhaite apporter deux précisions méthodologiques qui me paraissent essentielles.

D’une part, l’analyse exhaustive d’une loi nous conduit et conduira l’ensemble de nos collègues de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois à mettre en relief un bilan incomplet.

La première raison en est que, dans l’enthousiasme des débats, on place toujours beaucoup d’espoirs dans l’adoption de mesures qui, sur le terrain, se heurtent forcément à des difficultés.

La deuxième raison est que, comme on parle davantage des trains qui arrivent en retard que de ceux qui arrivent à l’heure, les dispositions qui peinent à être mises en œuvre, systématiquement mentionnées dans les auditions ou les commentaires, sont naturellement celles que l’on met en relief.

D’autre part, cet effet structurel s’est, selon moi, fortement renforcé d’un biais conjoncturel dans la rédaction de ce rapport.

En effet, il se trouve que les deux rapporteurs du bilan d’application de la loi du 5 mars 2009 ont été deux des principaux acteurs de sa discussion parlementaire.

Il a donc forcément été difficile, tant pour l’un que pour l’autre, de prendre le recul nécessaire pour analyser de manière apaisée et sereine l’application d’une loi que l’un a férocement contestée et l’autre pleinement soutenue…

Néanmoins, et en dépit de ces difficultés méthodologiques, nous avons essayé de dresser un bilan objectif et exhaustif de l’application de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

J’espère qu’à travers des lectures contrastées, voire contradictoires, d’un même bilan, l’ensemble de nos collègues pourront se faire une opinion étayée par des analyses et des faits précis ; c’est du moins la raison d’être de ce débat.

J’estime, tout d’abord, que l’application de la loi au sens strict doit être appréciée de manière positive.

Aujourd’hui, en effet, douze décrets ont été pris sur les treize requis. Le précédent gouvernement a donc fait un réel effort d’application dans des délais très raisonnables.

S’agissant du seul décret qui n’a pas été pris, relatif au comité de suivi de la loi, le précédent gouvernement a apporté des réponses précises et argumentées sur son choix assumé de ne pas le publier : la conformité de certaines dispositions de la loi au droit de l’Union européenne était selon lui à ce prix.

En outre, je considère que le travail que nous avons mené, David Assouline et moi-même, est la meilleure réponse à l’absence de comité de suivi. Libre enfin à l’actuel Gouvernement de le mettre en place – il n’est pas trop tard ! – quand vous estimerez, et je le comprendrai tout à fait, qu’il est opportun de le faire.

Les trois ordonnances prévues ont également été adoptées dans l’année suivant l’adoption de la loi. Enfin, la quasi-intégralité des rapports demandés ont aussi été rendus. On permettra à la représentation nationale d’y être évidemment sensible.

Bref, le service « après-loi » a été rapide et efficace. Après tout, on ne peut pas toujours en dire autant ; il est donc bon de le souligner.

Je commenterai ensuite à la fois l’application de la réforme de l’audiovisuel public, qui faisait l’objet de la première partie de la loi, et les dispositions sur l’évolution du paysage audiovisuel français.

S’agissant de la suppression de la publicité, mes commentaires seront beaucoup plus modérés que ceux de mon collègue. Je note, en effet, que son impact sur le visage éditorial de France Télévisions n’a pas été majeur. Admettons-le, la suppression de la publicité n’a pas suffisamment permis jusqu’ici de relativiser la contrainte d’audience et de modifier la programmation en profondeur. Force est de penser que la culture de l’audimat imprègne si fortement les esprits des dirigeants de l’audiovisuel public que la suppression de la contrainte publicitaire ne suffit pas à infléchir ce tropisme.

Est-ce pour autant qu’il fallait y renoncer ? Nous sommes nombreux sur ces travées, j’en suis sûr, à dire que le « qualimat » nous paraît beaucoup plus important que l’audimat ! Voilà bien ce que nous attendons des dirigeants de nos chaînes de télévision.

Je tire cependant de la situation actuelle les conclusions suivantes.

Certes, les programmes ne débutent pas à vingt heures trente-cinq, mais, grâce à la loi, ils commencent bien plus tôt que sur les chaînes privées. Selon moi, il s’agit d’un atout majeur et il ne faut pas revenir en arrière.

Le confort de vision est largement amélioré. Le sondage réalisé à la demande de l’Assemblée nationale, abondamment cité dans le rapport, montre que les téléspectateurs sont, pour une grande majorité, pleinement satisfaits de cette suppression de la publicité en soirée. Pour faire court, la réforme a suscité l’adhésion du public, même si l’on a pu constater parfois des dérives avec un parrainage parfaitement ambigu.

Il s’agit, en outre, d’un élément très fort de différenciation avec l’offre télévisuelle privée, ce qui légitime à mes yeux pleinement la réforme. Regardez la télévision publique au Royaume-Uni ; vous constaterez que l’absence de publicité constitue un atout de programmation et de différenciation très puissant.

L’engagement de France Télévisions en faveur de la création, corollaire de la loi, à hauteur de 420 millions d’euros en 2012 est, enfin, un atout majeur de promotion de la culture française. L’ensemble des acteurs l’a reconnu et a insisté sur cet aspect. Je crois que l’on n’en parle pas assez, les engagements du groupe en faveur de la création n’ont jamais été si importants.

Les effets seront constatés à moyen terme, car créer une politique ambitieuse de fiction et de documentaire, c’est long ! Notre rapport arrive trop tôt pour qu’un jugement soit porté sur ce point. Mais donnons à France Télévisions le temps de la stabilité et de la confiance, et je suis certain que les résultats seront au rendez-vous.

À cet égard, la suppression de la contrainte publicitaire mettra du temps à marquer les esprits en dépit de la modification subséquente du cahier des charges. Mais je suis convaincu que des résultats positifs sont déjà à l’œuvre. Je suis d’autant plus optimiste que la suppression de la publicité ne peut que favoriser ce que nous attendons, à savoir de l’audace et de l’ambition.

En outre, fondamentalement, la qualité ne rime pas avec une baisse d’audience. La télévision populaire de qualité est donc un objectif à la mesure du groupe. Une émission – allez, je vais en citer une ! – comme Secrets d’histoire, présentée cet été, en était un bon exemple.

Enfin, je regrette que, pour des raisons économiques, le report de la suppression totale de la publicité ait été nécessaire. Mais je me félicite, en revanche, que ce report ait été rendu possible par la stratégie consistant à mettre en œuvre la suppression de la publicité en deux étapes. Cela a été une grande force de cette loi que de laisser la place à l’expérimentation et à la prudence. Après tout, on ne fait pas toujours appel à l’expérimentation dans les actions de réforme. Ici, au contraire, l’expérimentation est à l’ordre du jour. C’est une leçon qu’il faudra probablement retenir pour l’avenir.

Je ferai un constat un peu similaire sur le parrainage. Son maintien après vingt heures était une erreur, j’en suis convaincu, car je pense qu’il ne doit pas y avoir de publicité du tout en soirée sur France Télévisions, quelle que soit sa forme.

France Télévisions a entendu cette critique et a compris que l’esprit de la loi devait parfois prendre le pas sur sa lettre. Elle nous a donc proposé d’établir une charte sur le parrainage assez efficace, garantissant son utilisation raisonnée. J’espère qu’une suppression pourra advenir quand les temps seront meilleurs. On comprend bien que tout ne peut pas être fait en même temps.

Sur la question de l’entreprise unique, la loi était forcément brève. Il s’agissait surtout de la mettre en œuvre. Et, comme l’ont souligné les commissaires aux comptes de France Télévisions que nous avons auditionnés, cette œuvre est tout bonnement gigantesque. Une telle fusion est extrêmement rare dans le paysage industriel français, avec 11 000 salariés à réunir sous une bannière unique. Le constat qu’ils font est que la fusion poursuit sa route dans de bonnes conditions.

Je tiens au demeurant à souligner que sa légitimité n’a jamais été contestée, pas plus par l’opposition de l’époque que par la majorité d’aujourd’hui. Si la mission est de longue haleine, elle est donc à la fois utile et nécessaire. Je remarque à cet égard que cette fusion a été accompagnée financièrement de manière substantielle : les crédits dédiés à France Télévisions ont ainsi augmenté régulièrement depuis 2009 avec une hausse toujours supérieure à l’inflation. Le budget qui nous est proposé pour 2013 ne sera peut-être pas – attendons la discussion – à la hauteur de l’ambition que nous avons pour l’audiovisuel public.

David Assouline a mentionné à juste titre la question de la gouvernance du groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

On ne peut passer sous silence la question de la nomination des présidents de l’audiovisuel public par le Président de la République. Je considère quant à moi que cette mesure a effectivement mis fin à l’hypocrisie préexistante. Qui contesterait que les choix ont été plutôt de bons choix ?

La vérité est que l’existence d’un État actionnaire de l’entreprise à 100 % crée forcément des doutes sur les relations potentiellement dangereuses que la télévision publique et les politiques entretiendraient.

La vérité est aussi que France Télévisions mène ses missions en toute indépendance, et je mets au défi quiconque de projeter des images des journaux ou magazines d’information de France Télévisions particulièrement favorables à l’ancien président de la République ou à l’ancienne majorité.

En fait, ce que l’on peut souligner, c’est que les personnes qui ont été nommées sont à la fois compétentes, consensuelles et incontestées. C’est, pour ma part, le bilan simple et visible par tous que je tire de la mesure. La nomination en cours de Mme Marie-Christine Saragosse à la tête de l’Audiovisuel extérieur de la France, l’AEF, se fait, au demeurant, selon une procédure similaire. Nous n’avons évidemment aucun procès a priori à instruire à Mme Saragosse. Je suis certain qu’elle ne sera pas non plus contestée.

Évoquons enfin les sujets qui ne fâchent pas. Ils sont à mettre au crédit de la loi et du précédent gouvernement.

Les dispositions relatives aux services de médias audiovisuels à la demande ont permis de faire entrer la télévision de rattrapage et la vidéo à la demande à la fois dans notre corpus juridique et dans notre quotidien. Leur développement et leur succès sont aujourd’hui frappants, tant pour les services de rattrapage devenus très accessibles par nos concitoyens que s’agissant des supports de vidéos à la demande, qui ont pris des formes originales et séduisantes pour l’utilisateur.

L’accessibilité des programmes aux personnes aveugles ou malvoyantes – c’est important ! – a aussi été particulièrement renforcée. Le législateur s’y est employé avec l’adoption de cinq articles dédiés dans la loi. Il a choisi de laisser le choix des moyens au régulateur pour les chaînes privées et à l’État pour les chaînes publiques, et de l’accompagner avec une mesure incitative de valorisation de l’audiodescription dans la contribution à la création.

Cette méthode a été efficace. Dès l’année prochaine, nous pourrons avoir un programme audiodécrit par soirée sur le paysage audiovisuel français, ce qui sera une amélioration remarquable pour les personnes en situation de handicap visuel. On comprendra que, humainement, nous y soyons tous très attachés.

La question de la promotion de la diversité de la société française a été enfin particulièrement bien traitée par la loi. La volonté de promouvoir cette diversité multiple d’origine, de genre ou de catégorie socioprofessionnelle, à la fois en matière de programmation audiovisuelle et de gestion des ressources humaines des éditeurs, a conduit le législateur à introduire pas moins de cinq dispositions dans la loi, pour des résultats que le CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, a jugé positifs dans son dernier rapport sur le sujet.

Il faut dire que l’autorité s’est, là encore, bien emparée de la loi en imposant des engagements précis aux chaînes de télévision. Une mesure cliquet notamment impose aux chaînes d’être chaque année meilleures dans le baromètre établi par l’autorité.

Si le bilan de la loi n’est pas parfait dans l’ensemble des secteurs, reconnaissons que, sur ce sujet, elle est une belle réussite qui symbolise à la fois les vertus du volontarisme législatif et l’importance des autorités d’application.

C’est au bénéfice de ces observations, reprises dans le rapport, que j’ai soutenu son adoption. J’espère que ces quelques analyses vous auront permis de constater que bien des mesures de la loi du 5 mars 2009 ont trouvé un terrain d’application favorable. Je crois même qu’elle a bien lancé la télévision de l’avenir. Mais de prochains textes sur ce sujet nous permettront certainement de dégager des voies d’amélioration. Il y a évidemment toujours des améliorations à apporter, une actualisation de la loi à faire. Je n’en attends pas moins de la présente majorité. §

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de souligner la très grande qualité et l’importance du travail des auteurs de ce rapport concernant la loi de mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Ce document offre notamment un éclairage très pertinent sur la situation financière actuelle de l’audiovisuel public, en particulier la fragilité de son mode de financement.

Cette insécurité provient, en premier lieu, des contestations devant la Cour de justice de l’Union européenne de la taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet, taxe supposée initialement compenser la suppression de la publicité entre vingt heures et six heures du matin sur France Télévisions. L’invalidation éventuelle, et pour tout dire fort probable, de cette taxe censée rapporter chaque année 350 millions d’euros pourrait, selon ce rapport, coûter à l’État près de 1 milliard d’euros.

Dans ces conditions la question du financement de la réforme qui nous occupe aujourd’hui se pose cruellement. En effet, la redevance ou contribution à l’audiovisuel public, qui constitue historiquement la principale source de financement de la télévision publique, est menacée d’un déclin annoncé de son assiette fiscale telle qu’elle est définie actuellement.

À notre sens, celle-ci demeure trop étroite ; elle exclut notamment les téléviseurs des résidences secondaires à un moment, précisément, où le taux d’équipement des ménages dans ce domaine commence à régresser du fait de nouvelles pratiques qui conduisent un nombre croissant de personnes à suivre les programmes télévisuels à partir d’un terminal d’ordinateur.

En effet, si une augmentation du niveau de la contribution à l’audiovisuel public vient d’être annoncée par le Gouvernement, elle ne compensera guère plus que l’inflation et, surtout, elle n’est pas en mesure de contrebalancer la baisse des recettes de la télévision publique, notamment celle de France Télévisions, dont les recettes seront amputées de plus de 80 millions d’euros dans le prochain budget.

C’est d’autant plus vrai que le rendement d’une autre taxe destinée à pallier la suppression de la publicité, la taxe sur la publicité des chaînes privées, s’avère bien plus faible que prévu. Au lieu des 94 millions d’euros que l’État espérait récolter, ce ne sont finalement que 27 millions d’euros qui ont pu être prélevés en 2009 et des sommes encore moindres les années suivantes. La raison en est que la seconde source de revenus de la télévision publique que constitue la manne publicitaire est aujourd’hui de plus en plus incertaine.

La suppression de la publicité en soirée sur le service public n’a d’ailleurs pas eu les effets escomptés...

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

... sur les ressources des télévisions privées, ce qui explique pour partie le faible rendement de la taxe compensatoire qui leur était accolée.

Le contexte de crise économique que nous traversons actuellement a, en effet, des incidences fortes sur les investissements télévisuels des annonceurs.

Au premier trimestre de cette année, l’Institut de recherches et d’études publicitaires, l’IREP, évalue à 4, 2 % le recul de la publicité sur les chaînes de télévision françaises publiques et privées et projette que, sur l’ensemble de 2012, la récession sera d’environ 2 %, estimation à mon avis assez optimiste.

En matière d’investissements publicitaires, les télévisions généralistes souffrent de la concurrence croissante des chaînes de la TNT et de la montée en puissance d’Internet sur le marché publicitaire.

Dans ce contexte concurrentiel exacerbé, on peut qualifier d’irresponsable la volonté de la précédente majorité d’avoir voulu, coûte que coûte, attribuer six nouvelles autorisations de chaînes commerciales sur la TNT, dans un marché publicitaire en récession.

En résumé, la télévision publique est aujourd’hui en proie à un effet de ciseaux inquiétant qui voit ses deux principales ressources décliner assez durablement.

De fait, on peut dire que la réforme de l’audiovisuel public de 2009 a été mal menée, car conduite dans la précipitation.

Déjà, à l’époque, notre collègue Marie-Christine Blandin avait insisté sur le fait que si nous saluions le principe de la suppression partielle de la publicité sur France Télévisions, une vigilance toute particulière était de mise quant aux modes de compensation financière qui allaient être instaurés.

J’en viens à présent à la gouvernance de l’audiovisuel public.

En la matière, aucun modèle culturel n’a véritablement été défini et on ne peut pas dire que la qualité soit clairement au rendez-vous des programmes du service public.

France Télévisions souffre aujourd’hui d’une absence de véritable projet éditorial et de gestion stratégique de ses moyens et de son organisation.

Pour rationaliser son offre globale, le groupe avait opté voilà quelques années pour un principe d’horizontalité entre ses différentes chaînes, un peu sur le modèle anglo-saxon de la BBC.

L’actuelle direction a remis de la verticalité – une gestion par chaîne –, mais sans opter clairement pour l’une ou l’autre des deux solutions. Résultat : cette logique hybride d’organisation mêlant horizontalité et verticalité multiplie les centres de décisions, entraînant un manque flagrant de contrôle des coûts opérationnels de la structure.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Le service public achète beaucoup de programmes à des sociétés de production rattachées à des groupes internationaux, ce qui renchérit leurs coûts. Quand une émission est achetée à un producteur extérieur appartenant à un groupe international, la holding prend d’emblée 20 % de marge. Ensuite, la société locale prend également au moins 20 %. Le résultat, c’est que, aujourd’hui, pour nombre d’émissions achetées par France 2 et France 3, les marges extérieures des producteurs dépassent 40 % du coût de chaque émission. C’est assez insupportable !

Pendant ce temps-là, nous découvrons dans la presse qu’une fusion des rédactions de France 2 et France 3 est soudainement envisagée et que certains n’hésitent pas à prescrire des coupes brutales dans les emplois et les moyens consacrés aux programmes régionaux de France 3.

Alors oui, dans un contexte budgétaire très difficile, des économies sont à faire au sein de France Télévisions, mais celles-ci ne se trouvent pas dans un amoindrissement des missions de service public.

Le groupe écologiste pense qu’il est temps de poser les questions de fond. Comment l’audiovisuel public peut-il se distinguer du secteur privé ? N’est-il pas temps de revenir sur l’externalisation massive de la production et de la création ?

Dans l’immédiat, commençons déjà par obliger la télévision publique à travailler uniquement avec des sociétés de production extérieures qui publient leurs comptes, ce qui présenterait l’avantage de mettre en lumière les bénéfices exorbitants de certaines de ces structures et de les remplacer par des producteurs locaux ou nationaux tout aussi efficaces et moins coûteux.

Par ailleurs, on peut craindre que, derrière le fiasco annoncé de la « taxe télécoms » à Bruxelles, se profile l’annonce d’un possible retour de la publicité après vingt heures. Et là, nous disons aux tenants d’un rétablissement de la publicité : « N’en attendez pas trop ! »

Par absence de véritable projet éditorial visant à satisfaire tous les publics, France 2 et France 3 ont vu leur audience singulièrement régresser auprès de deux cibles stratégiques : les actifs de 25 à 59 ans et les femmes de moins de 50 ans.

Il s’agit là des deux principales cibles recherchées par les annonceurs. Elles composent également une large part de la population. En l’espace de trois ans, France 2 a vu son audience marchande décliner de 50 %.

Un retour de la publicité après vingt heures allégerait certes la facture, mais dans une proportion qui serait loin de représenter le même niveau de ressources d’avant la réforme de 2009.

En conclusion, nous voulons insister sur un point : la télévision publique française ne souffre pas seulement d’un sous-financement flagrant, elle souffre également d’une sous-gouvernance, car elle a été trop souvent confiée à des dirigeants – pardonnez-moi de le dire – dont les compétences restaient à démontrer.

Il est urgent, à notre sens, que les pouvoirs publics s’attachent à remédier à ces deux problèmes lors des prochaines lois qui verront le jour dans ce domaine.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la grève massive qu’ont menée aujourd’hui les salariés de l’audiovisuel public, le rassemblement qui a eu lieu cet après-midi devant notre assemblée tout comme la présence, ce soir, dans nos tribunes, de leurs représentants syndicaux illustrent bien l’enjeu du bilan que nous avons à tirer de la réforme de 2009.

Ce bilan intervient alors que France Télévisions vient d’informer ses salariés de la suppression de 500 nouveaux postes et qu’une baisse brutale de son budget est annoncée par le Gouvernement.

Les effets cumulés de ce bilan et de ces annonces peuvent s’avérer désastreux, voire entraîner des ruptures pour l’avenir de France Télévisions. La situation est donc particulièrement inquiétante et les salariés viennent à juste titre de tirer le signal d’alarme.

En réalité, la loi de 2009 a mis en péril le service public de l’audiovisuel en le confrontant à une double crise : une crise économique et une crise de confiance.

La crise de confiance est notamment – mais pas seulement – le résultat du mode de désignation des présidents de l’audiovisuel public. Ceux-ci étant désormais nommés directement par l’exécutif, les liens créés avec le pouvoir politique sont devenus trop ténus pour que les décisions prises puissent échapper à cette dépendance. On le voit ces derniers jours avec l’incapacité du P-DG de France Télévisions à réagir pour défendre les moyens du service public et ses salariés, contrairement à ce qu’il disait voilà quelques jours encore. Cette incapacité est l’illustration de cette situation.

Crise de confiance, mais surtout crise de financement et de vision stratégique. Évidemment, on ne peut faire un bilan de la réforme de 2009 sans évoquer la suppression de la publicité télévisuelle, qui en était l’objectif affirmé et qui a en réalité, on le voit aujourd’hui, profondément affecté les finances de France Télévisions. À l’époque, nous avions déjà alerté sur ce point : la condition expresse devait être d’assurer des ressources pérennes alternatives.

Entendons-nous bien : nous partageons l’objectif d’une télévision publique dégagée de la contrainte marchande afin de privilégier une offre indépendante et de plus grande qualité. Mais force est de constater que les conditions de mise en œuvre de cette suppression n’ont servi en réalité qu’à fragiliser les finances de France Télévisions, sans pour autant ni modifier significativement le contenu de sa programmation ni la dégager des contraintes de l’audimat.

Le risque de déstabilisation était d’ailleurs tellement manifeste dans ces conditions que la suppression de la publicité ne s’est appliquée qu’après vingt heures. Si tel n’avait pas été le cas, la catastrophe serait déjà survenue.

S’agissant des effets sur les programmes, la suppression de la publicité ne permet pas de conclure à de véritables changements éditoriaux ni à une modification notable de la qualité des programmes. La réforme de 2009 avait d’ailleurs, et fort peu logiquement, autorisé le parrainage et les placements de produit qui envahissent la soirée, ce qui a d’autant réduit l’impact de la suppression de la publicité.

En vérité, la tyrannie de l’audience a dans les faits continué à jouer à plein.

Résultat pour France Télévisions : la réforme de 2009 a entraîné une déstabilisation financière sans gain qualitatif.

La loi de 2009 avait prévu de nouveaux dispositifs censés compenser la baisse de ressources financières consécutive à la suppression de la publicité, mais ils sont aujourd’hui tous remis en cause. Non seulement le taux de la taxe sur le chiffre d’affaires des recettes publicitaires qui a été créée et affectée à France Télévisions n’a cessé de diminuer au fil des lois de finances, passant de 3 % initialement à 0, 5 % aujourd’hui, mais encore son rendement a diminué du fait d’une conjoncture économique défavorable et de l’effondrement des recettes publicitaires.

Cela impacte donc doublement le budget de France Télévisions : le montant de la taxe est plus faible qu’escompté et celle-ci souffre de la baisse des revenus publicitaires en journée.

D’ici à la fin de l’année 2012, on estime que ce sont environ 60 millions d’euros de revenus publicitaires qui manqueront à France Télévisions.

Quant à la taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet, également créée pour compenser la baisse des ressources publicitaires, elle est aujourd’hui ouvertement menacée par la Commission européenne, qui devrait rendre une décision au cours de l’année 2013.

La logique de concurrence aveugle véhiculée par la Commission européenne ainsi que le lobbying des fournisseurs d’accès à Internet auront malheureusement porté leurs fruits, empêchant la mise en place de mutualisations pourtant légitimes.

Il est en effet à redouter, dans ces conditions, que la Commission invalide cette taxe. Cela entraînerait un manque de 250 millions d’euros par an pour France Télévisions et l’État devrait alors rembourser au moins 1 milliard d’euros – il est même question de 1, 3 milliard d’euros pour les trois années précédentes.

Il est dit que le Gouvernement aurait provisionné cette somme ; dans le contexte budgétaire actuel, sur quels budgets ces sommes seraient-elles prélevées ?

Enfin, il était prévu que le Gouvernement compense les pertes de recettes publicitaires par l’affectation d’une dotation budgétaire annuelle d’un montant de 450 millions d’euros. Or non seulement cet engagement n’a jamais été respecté, pas même la première année au motif des « surperformances » de la régie publicitaire de France Télévisions, mais, entre 2008 et 2011, il a manqué au total 86 millions d’euros de dotations publiques promises.

L’ensemble de ces constats est pour nous sans appel. Nous ne pourrons pas sortir France Télévisions des difficultés actuelles en bricolant, a fortiori en portant par surcroît des coups de hache dans son budget. C’est à la mise en chantier urgente d’une nouvelle loi qu’il faut s’atteler au plus vite afin de remettre sur le métier une solution d’ensemble pour la pérennisation des ressources de France Télévisions. Il y va de la responsabilité de la gauche et de son ambition pour le service public de l’audiovisuel.

Au lieu de cela, comment comprendre que le Gouvernement ait annoncé ces jours-ci une diminution brutale du budget de France Télévisions qui représenterait une perte supplémentaire de 85 millions d’euros ? Si cette mesure était confirmée au cours du prochain débat budgétaire, ce serait là une baisse historique du budget de France Télévisions. Elle poserait plus que jamais la question de la survie d’un service public de la télévision performant et de qualité.

La réflexion sur les financements nouveaux ne peut donc pas, dans ces conditions, se réduire à la seule augmentation de la redevance, surtout dans le contexte fiscal que nous abordons.

La réforme de 2009 a déjà conduit, récemment, à l’annonce de la suppression au sein de France Télévisions de 500 nouveaux emplois en plus des 650 départs déjà enregistrés cette année – il paraît même que le P-DG a annoncé vouloir poursuivre dans cette voie ! –, sans compter les fins de contrats à durée déterminée et de contrats de pigistes.

La réforme de 2009 a également précipité l’annonce récente par la direction de sa volonté de fusionner les rédactions de France 3 et France 2 au détriment des missions de la première et pousse chaque jour à la mise en cause des moyens de production, singulièrement des moyens de production régionaux.

S’agissant de Radio France, si la baisse de ses moyens n’est « que » de 3 millions d’euros, les emplois ne sont pas non plus épargnés.

Dans ces conditions, nous ne pouvons être que surpris par les annonces gouvernementales. Surtout au moment où de nouveaux canaux de diffusion sont attribués aux chaînes privées, comment imaginer que la gauche porte ce type de projets pour le service public et remette à plus tard une grande et ambitieuse réforme de l’audiovisuel ?

Voulons-nous aggraver les conséquences d’une loi mal ficelée déjà en 2009 ou sortir de l’ornière à laquelle celle-ci a conduit ?

Par conséquent, c’est en reposant la question de l’ambition et des missions de service public qu’il faut indéniablement songer à dégager de nouvelles recettes pérennes pour France Télévisions et, pour les mêmes raisons, revoir le mode de désignation des présidents de l’audiovisuel public.

Des réformes fondamentales pour l’indépendance et la démocratisation des médias publics sont urgentes. Au-delà, c’est la remise en chantier de toutes les pistes de financement qui est nécessaire, le préalable étant, à nos yeux, la remise en cause immédiate des coupes budgétaires annoncées. À défaut, la confiance serait rompue avec les personnels de France Télévisions, sans lesquels aucun redressement ne sera possible.

Concernant la contribution à l’audiovisuel public, une remise à niveau reste nécessaire. Comment y parvenir ? par un élargissement aux résidences secondaires ? par l’augmentation de quatre euros déjà annoncée ? Je pose la question, car cela mérite discussion, mais, en tout état de cause, dans le contexte d’austérité actuel, toute mesure fiscale nouvelle devra intégrer des éléments de progressivité et s’inscrire dans une réforme fiscale plus globale, allant vers une réelle justice.

Alors que le taux de la redevance française est inférieur au taux européen moyen, ne pourrait-on envisager une augmentation par palier, avec des exonérations pour les foyers les plus démunis ?

Et faut-il envisager un retour de la publicité après 20 heures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Il est temps de vous orienter vers votre conclusion, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Certaines organisations syndicales le proposent, faute d’autres financements. Ce n’est pas la piste que nous privilégions, vous le savez, mais la situation mérite l’examen de toutes les propositions.

En revanche, et malgré le lobbying des chaînes de télévisions privées et le contexte de réduction des ressources publicitaires, nous pensons qu’il faudrait rétablir le taux de la taxe sur les chiffres d’affaires publicitaires au niveau prévu par la loi de 2009.

Au-delà, les rapports entre France Télévisions et les producteurs privés doivent être revus en profondeur pour redonner au service public la maîtrise des droits sur ce qu’elle finance, d’autant que France Télévisions – c’est un enjeu de taille – a une obligation d’investissements de 470 millions d’euros par an dans la production télévisuelle et cinématographique, investissements qui nourrissent, de fait, les producteurs privés.

Enfin, il faut continuer à travailler sur d’autres pistes, dont la taxe sur les agrégateurs de contenus, la fameuse « taxe Google ».

Telles sont les quelques brèves, trop brèves remarques que je souhaitais formuler. Une chose est sûre, et je terminerai sur ce point, le bilan de la loi de 2009 ne laisse d’autre option qu’une refonte profonde et rapide de la loi. Des pistes sont possibles, le calendrier est urgent. Il faut que la gauche agisse !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a peu, la Cour des comptes rappelait, à propos de France Télévisions, l’exigence de « préserver l’équipe dirigeante des atermoiements et revirements qui ont affecté la stratégie de l’entreprise au cours des dernières années ». En 2010, je reprenais ces propos en conclusion du rapport d’information sur les comptes de France Télévisions établi notamment au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. C’était un premier bilan de la réforme, et je regrette que vous ayez omis de le mentionner, monsieur Assouline.

Or, que constate-t-on depuis quelques mois ? La presse se fait le relais de déclarations discordantes au sein du Gouvernement sur ce dossier. Retour de la publicité après 20 heures, évolution de la contribution à l’audiovisuel public : on a eu droit à plusieurs annonces contradictoires qui ont inquiété le secteur.

De quoi avons-nous besoin, en réalité ? Que l’on garde le cap, certes compatible avec les contraintes liées à la crise économique. Ce cap, pour nous, est clair : adapter le service public aux enjeux de notre temps, marqué ces dernières années par le bouleversement du paysage audiovisuel avec, notamment, l’arrivée des nouvelles chaînes de la TNT et des mutations technologiques profondes et toujours plus rapides.

Le passage en entreprise unique sur le point d’aboutir ces jours-ci, l’instauration du global media, un nouveau cahier des charges et des missions, un bouquet de chaînes pertinent libéré de la tyrannie de l’audimat via la publicité, sont autant de questions toujours d’actualité ; le réaffirmer est un préalable.

La présentation officielle du projet de loi de finances pour 2013 aura un peu clarifié la position gouvernementale. Nous en reparlerons lors de la discussion de ce texte. Une chose est sûre, cependant : c’est le premier budget de l’audiovisuel public sous une majorité de gauche depuis dix ans ; mais, surtout, c’est la première fois que l’on constate une baisse des dotations à l’audiovisuel public ! Notre collègue David Assouline n’avait sans doute pas forcément cela en tête ces derniers mois...

M. le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je note l’abandon du retour de la publicité après 20 heures. Tant mieux, parce que, au-delà de la question de principe, vu l’état actuel du marché publicitaire, très dépressif, non seulement cela n’aurait pas produit les effets escomptés, mais, surtout, compte tenu de l’arrivée des six chaînes supplémentaires, cela aurait encore plus bouleversé l’équilibre du marché. Rappelons que, pour 2012, les pertes publicitaires pour France Télévisions sont évaluées à 50 millions d’euros.

Le groupe centriste était, je tiens à le rappeler, défavorable à cette arrivée précoce des chaînes supplémentaires avant que le modèle économique imaginé lors de la réforme de 2009 ne soit pleinement stabilisé.

Pour en revenir à l’application de la loi proprement dite, la question qui reste posée à ce jour est d’abord celle des financements, j’ai déjà eu l’occasion de le redire lors de la discussion du dernier projet de loi de finances en proposant un moratoire sur la suppression de la publicité avant 20 heures jusqu’en 2016.

Lors de l’examen de la loi de 2009, Michel Thiollière et moi-même, en tant que corapporteurs de ce texte, nous interrogions déjà. Nous avions ainsi fait inscrire dans le texte le principe de mise en œuvre d’un comité de suivi pour venir renforcer l’expertise sur cette question. Conscients que l’évolution de l’économie du secteur et de la crise conditionnerait celle du financement du service public audiovisuel, nous voulions ce comité, composé de quatre députés et de quatre sénateurs, afin de faciliter une application cohérente de la loi.

Le décret permettant la création du comité n’est toujours pas paru. Je le regrette, car les travaux de cette instance auraient éclairé efficacement la réflexion sur les évolutions nécessaires en matière de financement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Au Sénat, le groupe centriste a adopté une position constante depuis 2002 : un service public de qualité, avant tout financé par des fonds publics, pérennes et dynamiques, seuls garants de l’indépendance, ne venant pas grever les finances de l’État, autrement dit, un service public financé par une redevance indexée et raisonnablement réévaluée.

La question de la redevance, que j’avais proposé de rebaptiser « contribution à l’audiovisuel public », a longuement occupé nos débats. Nous avions adopté plusieurs mesures à son sujet, dont la revalorisation du montant et l’indexation sur le taux d’inflation. Nous aurions voulu, à l’époque, aller plus loin.

Encore aujourd’hui, l’évolution de la contribution à l’audiovisuel public reste l’un des sujets importants, si ce n’est le plus important, pour l’avenir de l’audiovisuel public. Les incertitudes qui pèsent aujourd’hui sur le financement de France Télévisions, notamment la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet, sur laquelle nous avions émis des réserves, voire manifesté notre hostilité, mettent une fois encore l’accent sur l’insuffisante pérennisation des ressources de l’audiovisuel public.

Une chose est sûre, la contribution à l’audiovisuel public doit être renforcée. Ce renforcement doit-il passer exclusivement par une hausse, comme cela vient d’être annoncé ? Avant même de nous prononcer sur cette hausse et son montant, nous plaidons, comme je l’ai encore fait lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, pour un élargissement de l’assiette.

Le système proposé est simple : une taxe d’habitation, une contribution à l’audiovisuel public. Le principe d’une contribution par taxe d’habitation paraît à la fois juste et simple à appliquer, avec un rendement évalué entre 200 millions et 250 millions d’euros.

Malheureusement, cet amendement n’avait pas été adopté par l’actuelle majorité sénatoriale. Cela étant, madame la ministre, à une époque où vous étiez encore députée, vous vous déclariez favorable, me semble-t-il, à une telle extension, donc à la proposition issue de mon rapport d’information de 2010, avec une taxation équivalente à la moitié de celle qui s’applique aux résidences principales.

Mme la ministre de la culture et de la communication opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Il faudra donc que cela se concrétise lors de l’examen du budget pour 2013.

Autre proposition que vous avez reprise en juillet, madame la ministre, l’application de la contribution à l’audiovisuel public aux terminaux informatiques si ceux-ci servent de récepteurs à la place d’un écran classique. Vous avez été contredite par le ministre délégué au budget ; qu’en est-il aujourd’hui ?

Si tout le monde doit participer au redressement des comptes publics, il faut aussi que l’on mesure bien l’ampleur du chantier demandé à France Télévisions et les engagements contractés, mais surtout le calendrier imposé pour réaliser les 100 millions d’euros d’économies que vous exigez.

Des économies, une rationalisation de la gestion, cela faisait partie des objectifs à atteindre avec la constitution de l’entreprise unique. Mais n’oublions pas qu’une réforme a dans un premier temps un coût et que les économies viennent après. N’oublions pas non plus que la loi garantit la compensation intégrale de la perte des ressources publicitaires après 20 heures.

Je ne dirai enfin que quelques mots de la stratégie éditoriale, compte tenu du temps qui m’est imparti.

Il est de bon ton de dire que peu de chose a changé. Indéniablement, la question de France 3 reste posée, une chaîne qui doit assumer sa vocation territoriale ; mais, depuis 2010, le bouquet des chaînes a pris de la couleur, et ce sur tous les supports – nous avions réclamé cette vraie évolution. France Télévisions s’est efforcée de maintenir ses obligations en matière de production audiovisuelle, participant à plus de 60 % à la création française. Tout un secteur, et de nombreux emplois, sont concernés.

En conclusion, la trajectoire budgétaire prévue dans le plan d’affaires a été respectée, avec la priorité donnée aux programmes, comme l’exigeait la réforme. Beaucoup de chemin reste à parcourir, bien sûr, mais nous aurons d’autres rendez-vous pour en parler.

Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2013, examiné en conseil des ministres, prévoit une baisse de 85 millions d’euros des ressources de France Télévisions, soit une diminution de 3, 4 %. Comme l’a souligné à juste titre M. Assouline, cette mesure avait été annoncée depuis plusieurs années.

Le débat qui nous réunit aujourd’hui nous permet de revenir sur cette loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, donc également sur son financement, qui reste son point faible.

J’en profite pour dire que j’ai lu avec beaucoup d’attention le rapport d’information de MM. Assouline et Legendre, qui est très intéressant et de grande qualité, même si nos appréciations divergent parfois. Ce travail nous permet aujourd’hui de porter un regard, certes un peu rapide – comme l’a dit M. Legendre –, sur cette question, mais nous avons tout de même pratiquement quatre ans de recul.

En 2009, on nous disait qu’il fallait réformer la gouvernance de France Télévisions, l’entreprise unique et le média global permettant de créer un modèle économique viable... J’étais et reste d’accord avec la démarche.

On nous a dit qu’on allait supprimer la publicité à partir de 20 heures, pour se soustraire au « diktat de l’audimat » et favoriser ainsi des émissions culturelles et créatives. Nous restons aussi d’accord sur ce point ; d’ailleurs, revenir sur cette mesure serait un recul. La recette publicitaire sera remplacée par une subvention de l’État… C’est là, de notre point de vue, que commence le désaccord, comme je l’avais dit à l’époque.

Qu’en est-il de tout cela ? Une télévision qui ne trouve toujours pas son modèle économique, et pour cause... Le nouveau modèle culturel qui devait s’ensuivre n’est pas au rendez-vous et, même si, je le reconnais, cette demi-mesure constitue un progrès - je suis favorable à la suppression totale de la publicité à la télévision - elle a cependant un effet pervers sur la jeunesse qui, elle, continue à recevoir les messages publicitaires des annonceurs.

En toute franchise, quand on feuillette les programmes, France Télévisions ne se distingue parfois que très marginalement des chaînes privées.

Madame la ministre, quand va-t-on se décider, dans ce pays, à créer un service public audiovisuel de qualité, autonome et pérenne ? Tout le débat est là... On peut créer des taxes et autres dispositifs « bouts de ficelles » – le mot est un peu excessif –, cela ne fonctionnera pas.

J’en veux pour preuve les deux taxes créées par la loi de 2009, l’une sur la publicité à la télévision, l’autre sur les services de télécommunications. Les produits attendus pour la première étaient de 94 millions d’euros, alors qu’ils n’ont été en réalité que de 28 millions en 2009 et de 17 millions en 2011. Quant à l’autre taxe, elle n’a même pas été évaluée et son sort est, par ailleurs, soumis à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne ; si nous étions condamnés, cela pourrait coûter très cher au budget de l’État, qui n’en a pas vraiment besoin en ce moment.

Aujourd’hui, France Télévisions, baisse budgétaire oblige, sera conduite à poursuivre son plan de départs volontaires, qui devait s’arrêter en 2012. À lire la presse, il semblerait également que ce plan prévoie d’aller au-delà des 5 % de baisse d’effectifs prévue d’ici à 2015.

Peut-être faudrait-il envisager de maîtriser davantage les dépenses et les coûts. Quand on sait que la redevance rapporte 3, 5 milliards d’euros, ce qui représente 50 % du budget de votre ministère, madame la ministre, on se demande parfois où passe l’argent !

Peut-être faudrait-il également envisager que le service public dispose de droits plus étendus sur des programmes dont, en définitive, il assure lui-même le financement.

Enfin, cette réduction budgétaire, cette diminution des ressources, n’augure rien de bon pour la réforme de France 3. On sait que, parmi les 11 000 salariés de France Télévisions, plus de la moitié travaillent pour cette chaîne. Or il faut bien avouer que, si nous restons très attachés à la mission de service public dont la chaîne des régions est investie, le budget de 850 millions d’euros publics dont celle-ci dispose ne peut être pour autant déconnecté de toute considération d’audience, alors que le nombre des téléspectateurs de France 3 diminue régulièrement.

À ce propos, d’aucuns suggèrent que les mauvais résultats de cette chaîne ne sont peut-être pas sans lien avec des pratiques éditoriales et rédactionnelles discutables et parfois militantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Je le dis, madame la ministre, mandaté par mon groupe, car cette analyse est unanimement partagée par les membres du RDSE, qui, vous le savez, est pourtant pluriel. De surcroît, ce cri d’alarme s’élève dans toutes les régions, sans exception.

Vous l’aurez compris, nous appelons de nos vœux la création d’un service public audiovisuel autonome et pérenne. Or, aujourd’hui, où est le souffle de l’indépendance et de la liberté, quand la France connaît un contrôle politique aussi fort en la matière ? La situation actuelle est même choquante : de fait, le président de France Télévisions est toujours nommé par le chef de l’État.

J’ai bien entendu M. le rapporteur il y a quelques instants : nul ne remet en cause la qualité des personnalités nommées depuis quelques années. Néanmoins, le simple fait que ces responsables soient directement désignés par le Président de la République jette nécessairement la suspicion sur eux, qu’on ne veuille ou non.

Certes, comme je l’ai déjà indiqué, l’ancienne procédure avait tout au moins le mérite d’être claire : on sait qui est Pierre, Paul, Jacques, ou Jacqueline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Ou Rémy !

Souriressur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Reste que le nouveau mode de désignation revêt malgré tout un caractère choquant. Le président de France Télévisions est nommé par le chef de l’État lui-même, tandis que le budget dudit groupe est placé sous le contrôle du Gouvernement et d’une majorité politique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Ce double contrôle laisse planer un doute quant à l’indépendance du service public de l’audiovisuel.

À nos yeux, le seul moyen d’assurer l’indépendance de France Télévisions réside dans la création d’un conseil d’administration représentatif, autonome et pluraliste.

Par ailleurs, la pérennité de l’audiovisuel public ne pourra passer que par la redevance. D’aucuns ont chiffré le prix de cette indépendance : moins de 30 euros par an. Ainsi, avec moins de 3 euros supplémentaires par mois pour chaque Français assujetti, le service public audiovisuel français serait financé, sans faire appel au budget de l’État.

À ce propos, il est intéressant de noter qu’en définitive le contribuable paye deux fois pour l’audiovisuel public : une première fois via la redevance, une seconde fois via la subvention directe de l’État. Avec la réforme que nous proposons, peut-être chacun y verrait-il un peu plus clair !

Voilà, madame la ministre, les observations que je souhaitais vous communiquer, en espérant que le projet de loi que vous préparez actuellement comblera les lacunes de la loi de 2009 et compensera ses effets négatifs, tout en affichant une grande ambition pour l’audiovisuel public français.

M. le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme le faisait remarquer M. le rapporteur à l’occasion de l’examen du rapport sur la communication audiovisuelle et le nouveau service public de la télévision, il est difficile d’examiner un texte dont la mise en application n’est pas encore achevée. De fait, il est sans doute trop tôt pour dresser un bilan précis des différents aspects de la loi du 5 mars 2009.

Toutefois, le changement de majorité place aujourd’hui entre vos mains, madame la ministre, et sous notre vigilance, la poursuite des réformes engagées par le président Nicolas Sarkozy. Il est donc utile d’établir ce point d’étape pour soulever les différents problèmes qui se posent déjà à votre gouvernement.

Vous vous souvenez sûrement, comme moi, du concert d’indignations qu’avaient soulevé les débats en 2009. Nicolas Sarkozy avait alors fait le choix de la transparence, en modernisant les conditions de nomination des présidents des sociétés nationales de programmes que sont France Télévisions, Radio France, et la holding Audiovisuel extérieur de la France, AEF.

Nicolas Sarkozy proposait tout simplement que le Président de la République soumette ses candidats à l’adoubement du Conseil supérieur de l’audiovisuel et des commissions parlementaires compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, pour mettre un terme au règne de l’hypocrisie, qui, comme M. le rapporteur vient de le rappeler, pesait encore sur ces nominations.

L’opposition avait alors sonné la charge pour dénoncer « une preuve de plus de l’hyperprésidence », « le fait du Prince » « dans une quasi-dictature ». Je vous épargne les images les plus fantaisistes !

Lors de la dernière campagne présidentielle, François Hollande, la main sur le cœur, avait promis que, lui Président de la République reviendrait sur ces pratiques indignes d’une démocratie moderne.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

M. Pierre Charon. Je vous avoue avoir été quelque peu surpris en apprenant, par la presse, la nomination de Marie-Christine Saragosse par lui Président de la République, à la tête de l’AEF, après moult manœuvres dont les médias se sont fait l’écho. Il me semble que la démocratie moderne était plus honorée par la décision de Nicolas Sarkozy de soumettre son choix à l’approbation du Parlement !

M. le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois manifeste son désaccord.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Mes chers collègues, vous conviendrez que le nuage de fumée particulièrement épais qui entoure la nomination de Mme Saragosse, dont les mérites personnels ne sont pas en cause, à la tête de l’AEF, trahit une conception assez sommaire de la démocratie parlementaire.

Par ailleurs, la réforme engagée par le gouvernement de François Fillon, visant à restructurer France Télévisions pour en améliorer le management, semble suivre, depuis quelques mois, une trajectoire pour le moins hasardeuse.

L’entreprise unique n’est toujours pas à l’ordre du jour, tandis qu’aucune direction claire ne semble fixée en termes de gestion des effectifs.

Du reste, aujourd’hui même, les salariés du groupe France Télévisions étaient en grève : ils se plaignent du manque total de concertation.

Mme Cécile Cukierman s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Nous pourrions ne pas nous soucier de cette inertie si les résultats du groupe étaient satisfaisants. Malheureusement, là encore, les chiffres sont inquiétants. Le 24 septembre dernier, France 3 a recueilli 2, 7 % des parts d’audience avec son programme de soirée.

Certes, l’audimat n’est peut-être pas le seul critère permettant de juger de la réussite d’une chaîne, mais vous en conviendrez, on peut légitimement douter de la pertinence de la dépense publique dans le domaine de l’audiovisuel, quand elle concerne moins de 3 % des téléspectateurs !

M. le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois manifeste son scepticisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Bref, nous sommes placés face un management défaillant, à une audience déclinante, tandis qu’une vision stratégique pour l’avenir de notre service public de l’audiovisuel fait cruellement défaut.

Aussi, je l’avoue, je crains que le manque d’idées, mais aussi de courage, ne vous conduise à remédier à cette situation par l’augmentation de la dépense publique. À ce propos, on évoque, ici ou là, une redevance informatique ou une augmentation de la redevance audiovisuelle, dont le montant serait relevé à 140 euros.

À force de renoncements, faudra-il un jour porter la redevance à 2 000 ou 3 000 euros pour pallier le manque d’organisation et d’efficacité de l’audiovisuel public ?

Je me permets d’insister sur ce point, car c’était là un enjeu fondamental de la réforme engagée par le précédent Président de la République : pas un euro de plus de redevance !

J’espère donc, madame la ministre, que vous êtes en mesure de nous proposer d’autres pistes pour pérenniser le financement de l’audiovisuel public sans alourdir la part assumée aujourd’hui par le contribuable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Enfin, concernant la qualité des programmes, j’admettais il y a quelques instants que l’audimat n’était pas le seul outil de mesure : c’est vrai. Néanmoins, il faut observer une certaine humilité face aux choix des Français, tout en faisant confiance à leur discernement.

Le 3 juillet dernier, la très bonne émission d’histoire que Stéphane Bern a consacrée à Louis XIV sur France 2 a recueilli plus de 21 % des parts d’audience, faisant jeu égal avec Spiderman 2, sur TF1 ! Il n’y a donc aucune fatalité en matière de culture et d’audimat.

M. le rapporteur acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Aussi attendons-nous, madame la ministre, les éléments concrets permettant de clarifier votre politique et de placer la structure de l’audiovisuel public au service de ce talent.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a profondément bouleversé tant le financement que l’organisation de la télévision publique.

Cette réforme, ouvrant notamment la première étape de disparition de la publicité sur les chaînes publiques, entre 20 heures et 6 heures, a été engagée dans un contexte difficile, marqué par une audience en repli et par une situation financière déjà préoccupante.

Or cette loi n’a fait qu’aggraver et fragiliser le modèle économique de l’audiovisuel public. Alors que la période qui s’ouvrait exigeait des investissements pour maîtriser l’ensemble des nouveaux canaux de diffusion, ce texte a fortement pénalisé France Télévisions en réduisant sa capacité à innover et à répondre aux évolutions des technologies numériques.

Déjà, lors des débats de 2009, les sénateurs du groupe socialiste avaient alerté la précédente majorité sur ce sujet, en soulignant avec force l’impossibilité de supprimer totalement la publicité dans l’audiovisuel public sans garantir de manière pérenne le financement et le développement de ce dernier.

Chacun sait que ni les compensations instituées en vertu de ce texte, ni l’indexation de la redevance audiovisuelle sur l’inflation, ni les nouvelles taxes sur le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications et sur les recettes publicitaires des chaînes de télévision privées – pour un montant total de 300 millions d’euros en 2011 – n’ont permis de renouer avec l’équilibre.

Au demeurant, sur ce sujet, les conclusions du rapport rédigé en 2009 par nos collègues David Assouline et Jacques Legendre font l’objet d’un consensus : « Le produit de cette nouvelle taxe n’a pas été correctement évalué, notamment à cause du manque de transparence sur les éléments de l’assiette de cette recette fiscale fournis par le précédent gouvernement lors du débat parlementaire. »

De nombreux sénateurs proches du précédent gouvernement ont également affirmé au cours des débats que le financement du groupe France Télévisions restait aléatoire.

M. le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Le Conseil constitutionnel, quant à lui, a considéré que la suppression de la publicité sur France Télévisions avait « pour effet de priver cette société nationale de programmes d’une part de ressources significative, qui constitue un élément de son indépendance ».

Enfin, la Cour des comptes a ajouté que le montant des compensations résultait « in fine d’un arbitrage budgétaire, et non d’une évaluation précise fondée sur les performances publicitaires virtuelles de France Télévisions. »

Ainsi, chacun admet que l’équation telle qu’elle est posée n’est pas viable à long terme, et que de nouveaux moyens devront être recherchés.

Par ailleurs, outre un produit insuffisant, le fondement juridique de la « taxe télécoms » compensatoire est fortement contesté par la Commission européenne, qui pourrait contraindre l’État à rembourser plus de 1 milliard d’euros aux opérateurs, somme qu’il conviendrait de porter au déficit de la précédente majorité et qui, du reste, a d’ores et déjà dû être provisionnée au titre du projet de loi de finances pour 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Madame la ministre, en juillet dernier, lors de votre audition devant notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication, vous avez précisé que toutes les pistes restaient ouvertes pour assurer un financement durable de l’audiovisuel public.

Ainsi, la question du retour éventuel de la publicité en soirée sur les chaînes publiques doit être posée, même si cela pourrait être assimilé à un recul.

Par ailleurs, un possible élargissement de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public mérite d’être étudié.

La question de la modernisation des services de France Télévisions ne doit pas plus être éludée, de même que celle de la mutualisation de certains moyens techniques et humains, notamment entre les différentes chaînes du groupe, lorsque celles-ci traitent d’un même sujet d’actualité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Cette synergie est indispensable pour dégager des économies de fonctionnement.

S’ajoute à cela l’amélioration des recettes publicitaires liées à internet, et non concernées par la loi.

Toutes ces décisions qu’il vous reviendra de prendre, madame la ministre, sont précisément celles qui n’ont pas été prises depuis dix ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

M. Jacques Chiron. Dans un contexte où chacun sait que nous devons consentir un effort collectif historique sur les dépenses pour redresser la situation de nos comptes publics, le Gouvernement demanderait une participation budgétaire à France Télévisions en 2013, et c’est normal. Cependant, la contribution à l’audiovisuel public serait, en contrepartie, revalorisée, afin d’augmenter des recettes qui ont subi une dégradation sensible.

Mme la ministre de la culture et de la communication acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

J’insisterai quelque peu sur la contribution à l’audiovisuel, qui reste le cœur du financement de France Télévisions.

Force est de le constater, cette contribution est relativement faible en France, si on la compare aux prélèvements en vigueur dans les autres pays européens. En 2012, son montant s’élève, dans notre pays, à 125 euros, contre 216 euros en Allemagne, 180 euros en Grande-Bretagne, 365 euros en Suisse, 317 euros en Norvège et 309 euros au Danemark. La contribution à l’audiovisuel public moyenne dans la totalité des États européens dépasse 160 euros.

Précisons également que l’assiette de cotisation prise en compte dans l’Hexagone est moins large que chez nos voisins. En effet, contrairement à certains pays étrangers, la France ne soumet pas la détention d’un ordinateur à la redevance. Quant aux résidences secondaires, elles ne sont plus concernées par cette taxe depuis 2005, en vertu de la mesure dite « Copé ».

Au demeurant, si toutes les pistes de financement doivent être explorées, certaines sont, à mon sens, plus justes que d’autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

À ce titre, le rétablissement d’une taxe adaptée sur les résidences secondaires me semble plus juste qu’une augmentation trop brutale de la contribution, taxe non progressive qui toucherait tous les Français sans distinction.

Puisqu’il est aujourd’hui question de vérifier l’application de la loi du 5 mars 2009, je ferai ce constat, à l’instar de plusieurs de nos collègues : trois ans après l’adoption de ce texte, n’ont été mis en place ni le comité de suivi de la loi, prévu à l’article 75, ni un quelconque financement compensant la suppression totale de la publicité initialement prévue en 2012 et très rapidement reportée au 1er janvier 2016, avant les élections...

Ce délai montre bien l’incapacité de l’État, reconnue par tous, à financer cette réforme dans les années à venir, incapacité confirmée par la Cour des Comptes dans son dernier rapport de 2012.

À nous, à vous, madame la ministre, de trouver des solutions pour garantir un modèle de financement stable et pérenne qui garantisse enfin l’indépendance des groupes publics dans un contexte particulièrement concurrentiel.

Car c’est aussi l’indépendance de notre audiovisuel public qui pourrait, à terme, être remis en cause. Sans insister sur les nouveaux modes de désignation des dirigeants prévus par la loi de 2009, mais sur lesquels il faudra revenir – le Président de la République l’a dit –, le mode de financement de l’audiovisuel public constitue également un moteur de son indépendance. Or chacun s’accordera sur le fait que la contribution à l’audiovisuel public et la publicité représentent des ressources beaucoup plus favorables à l’indépendance du groupe qu’une dotation budgétaire négociée avec l’État.

Quant aux objectifs de ce texte, qui étaient, d’une part, de « faciliter le virage éditorial du groupe en faveur du renforcement de ses missions de service public et, d’autre part, de créer une spécificité du service public en termes d’horaires », nous sommes contraints de constater qu’ils ne sont pas atteints.

Nous avons observé une baisse du nombre des programmes culturels diffusés en première partie de soirée, alors qu’il s’agissait du premier engagement du cahier des charges.

Le nombre de soirées consacrées aux spectacles vivants et aux fictions patrimoniales historiques a peu évolué, même si l’on note un engagement plus important du service public en faveur de la création.

La loi n’a donc pas réussi à réellement donner un nouveau visage éditorial à France Télévisions.

Au-delà de ces objectifs non atteints, le principal enjeu de la suppression de la publicité était la disparition de la « tyrannie de l’audimat ». Or c’est l’argument souvent invoqué par les dirigeants du groupe pour justifier le non-respect des objectifs du texte, notamment sur les horaires de programmation. C’est aussi le discours tenu par la plupart des interlocuteurs auditionnés dans le cadre du rapport de nos collègues, qui considèrent que l’audience restait un impératif majeur pour France Télévisions.

Enfin, la question de l’audimat se trouvait au cœur de l’intervention, en mars dernier, du précédent ministre de la culture, qui, répondant à une question écrite d’un député, précisait que l’État fixait des objectifs d’audience à la Société.

À ce sujet, même s’il faut substituer au diktat de l’audience l’utilisation progressive d’outils qualitatifs, il serait aussi difficile d’accepter que l’État investisse dans des programmes peu regardés par les Français. L’audience doit rester l’un des objectifs guidant la télévision publique, mais cela ne doit pas nous conduire à reproduire des programmes des chaînes commerciales. Il faut continuer d’inciter le groupe à répondre aux attentes des téléspectateurs et à diffuser sur les chaînes du service public des émissions de qualité, différentes de celles qui sont produites par les chaînes commerciales.

Je pense notamment aux émissions scientifiques ou technologiques, attractives, bien documentées, à l’instar de ce que sont certaines émissions diffusées sur des radios publiques comme France Inter ou France Culture.

In fine, le texte de 2009 a soulevé plus de questions qu’il n’a apporté de réponses.

Le général de Gaulle a créé en 1964 l’ORTF ; François Mitterrand a, tout au long de son mandat, libéré la communication audiovisuelle et renforcé l’indépendance du CSA, indépendance que le Président de la République sortant aura rapidement remise en cause. L’histoire retiendra que, partisan d’un audiovisuel déréglementé, il aura largement pénalisé France Télévisions par rapport aux grands groupes industriels détenant les chaînes privées.

À vous, madame la ministre, de relever le défi et de mettre en œuvre une réforme qui permettra à l’audiovisuel public de jouer à nouveau pleinement son rôle fédérateur de la société française, et d’en discuter sans tabou ni préjugé.

À France Télévisions, aussi, d’inventer une nouvelle télévision publique qui participe à la diversité culturelle et au pluralisme de l’information, inlassablement battus en brèche par la concentration des médias privés au bénéfice des grands groupes industriels et financiers.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors qu’il s’agit, dans ce débat, de faire un état des lieux de l’application de la loi de 2009, la tonalité de mon intervention sera légèrement différente. Je reprendrai en effet un certain nombre de faits que nous avons connus lors de la dernière campagne présidentielle, qui a révélé un véritable déséquilibre dans l’expression des médias, avec des comportements souvent incompatibles avec une démocratie pluraliste.

La liberté des médias a pour corollaire le respect du pluralisme au sens de l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. De nombreux articles parus dans la presse étrangère ont dénoncé, par rapport à ce texte, de véritables caricatures et certaines comparaisons, madame la ministre, ne furent guère flatteuses pour la République française.

Le Conseil constitutionnel lui-même a réaffirmé à plusieurs reprises la nécessité du pluralisme, des supports comme des expressions, afin que les auditeurs et les téléspectateurs puissent, notamment, exercer « leur libre choix ».

À vrai dire, si les différentes lois de 1986 sur la presse et la liberté de communication s’efforçaient d’organiser le pluralisme, nous sommes obligés de constater aujourd’hui qu’elles sont largement contournées et dépassées, et qu’elles ne permettent plus vraiment « une libre communication des pensées et des opinions ». Au contraire, elles coproduisent un véritable asservissement au seul corpus idéologique du « politiquement correct ».

Cette tendance, pesante au quotidien, devient insupportable en période électorale et connaît des accélérations suspectes pour peser à des moments clefs où se forgent les opinions.

Ces phénomènes ont indiscutablement aidé les favoris des élections présidentielles de 2007 comme de 2012, avec, pour ces dernières, une indécence caricaturale. Ce syndrome médiatique du « favori des médias » s’explique partiellement par la sensibilité des rédactions, majoritairement de gauche, mais, plus encore, par le jeu des groupes propriétaires des entreprises médiatiques, dont beaucoup prospèrent dans les contrats et commandes publiques. Ces relations économiques stratégiques, pour nombre de ces entreprises, n’inclinent pas à l’indépendance, mais plutôt à l’anticipation de la victoire.

C’est ce que nous venons de vivre, et c’est ce qu’il conviendrait de réformer.

À vrai dire, mes chers collègues, il existe sur ce sujet un large consensus entre nous, illustré par plusieurs propositions de loi : celle de M. Ayrault, cosignée par Mme la ministre, celle du groupe socialiste au Sénat, celle de M. Lagarde et du groupe centriste à l’Assemblée nationale et, enfin, présentement, celle du groupe UMP au Sénat. Ce consensus devrait nous permettre de légiférer utilement et rapidement, car il ouvrirait « la possibilité à de véritables entreprises de médias d’investir dans le secteur sans être concurrencées par des conglomérats industriels cherchant uniquement à contrôler des vecteurs d’information au service de leur propre communication ».

On peut, sur ce point, observer que nombre des titres de la presse écrite régionale et nationale n’ont pu, ces dernières années, construire de véritables entreprises de médias, alors qu’il s’agit de leur cœur de métier.

Pour le pluralisme, les attributions récentes de canaux de télévision numérique terrestre ont surtout défrayé la chronique, un groupe s’étant notamment offert une plus-value de plusieurs centaines de millions d’euros en cédant ses deux licences à Canal+, filiale de Vivendi, trois ans après les avoir obtenues, ce qui lui a permis de s’installer comme un actionnaire de référence de ce groupe.

À vrai dire, mis devant le fait accompli, le CSA a entériné, faute de moyens suffisants pour faire respecter ses propres règles.

Les entreprises éditrices de la presse écrite sont, elles, soumises à des règles de transparence de leur actionnariat et à une charte interne régissant les rapports avec les rédactions, qu’il serait urgent d’étendre aux groupes de médias des radios et télévisions. En effet, ceux-ci, quotidiennement impliqués dans la communication commerciale de masse, ont un pouvoir de « bourrage de crâne » qui peut éventuellement contribuer avec la même efficacité au « bourrage des urnes », d’autant qu’ils n’hésitent pas à pratiquer la publicité comparative illustrée par le récent « tout sauf Sarkozy », comme ils vendent le « tout sans OGM », deux mentions aussi erronées l’une que l’autre.

Plus insidieusement, le paysage audiovisuel des six derniers mois, avant le premier tour de l’élection présidentielle, a vu également défiler, dans les émissions les plus disparates, une cohorte de savants, sociologues, experts, chercheurs, psychologues, environnementalistes, jusqu’aux podologues, qui expliquaient fort doctement que leur dernière éruption de boutons ne pouvait se comprendre que dans un anti-sarkozysme tout aussi éruptif, créant ainsi un climat de méfiance, si ce n’est d’hostilité généralisée envers un candidat !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

M. Francis Delattre. Il me semble que nous sommes réunis aujourd’hui pour dresser un état des lieux, et que l’on peut librement s’expliquer. Je comprends toutefois que cela puisse vous déranger…

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Vous devriez d’ailleurs relire vos propres propositions. Ainsi, à travers votre proposition de loi, monsieur Assouline, vous souhaitiez que, en application de la nouvelle rédaction de l’article 34 de notre Constitution, le législateur mette la République à l’abri de ces contingences en redéfinissant les règles susceptibles de garantir l’honnêteté de l’information, l’effectivité des pratiques du pluralisme et de l’indépendance des médias, d’une part, en donnant de véritables pouvoirs de contrôle et d’investigations à la Haute Autorité, d’autre part, en limitant strictement les participations financières des groupes, acteurs réguliers de la commande publique, au capital des sociétés de radio et télévision, pour quasiment vous citer, monsieur Assouline.

Nos propositions de loi, sur toutes les travées, convergent. Permettez-moi, madame la ministre, de faire en sorte que, lors de nos prochains débats, ces véritables sujets pour notre démocratie puissent être évoqués sereinement.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous sommes ici pour débattre des résultats de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, trois ans après son adoption.

Cette loi fixait plusieurs objectifs qui ont été abondamment commentés.

Le premier objectif était de réduire la dictature de l’audimat. Ce soir, quelle que soit notre appartenance politique, nous avons tous constaté que cet objectif n’avait pas été atteint.

Le deuxième objectif était de transposer deux directives européennes dans le droit français, l’une sur les médias audiovisuels, l’autre sur la télévision sans frontières. Sur ce point, tout le monde s’est accordé pour dire que la loi avait été utile et qu’elle avait consacré une modernisation du droit français.

Le troisième objectif était de refondre le modèle économique de financement du service public, en supprimant la publicité après 20 heures. Deux conséquences de cette mesure apparaissent aujourd’hui clairement, de mon point de vue. D’abord, et cela n’a peut-être pas été suffisamment souligné, cette suppression s’est en effet traduite par un accroissement important des ressources financières du secteur privé, à laquelle fait écho une sorte de précarité financière de l’audiovisuel public.

En effet, le financement de la réforme a été marqué par la création de deux nouvelles taxes, qui ont été largement explicitées, et qui sont pour moi marquées du sceau de l’amateurisme et de la confusion.

Amateurisme pour la première taxe, sur les recettes publicitaires des opérateurs privés, qui devait susciter une ressource de 450 millions d’euros, mais qui en a rapporté à peine un peu plus de la moitié.

Confusion pour la seconde de ces taxes, assise sur le chiffre d’affaires des opérateurs de téléphonie, qui s’est révélée plus rentable, mais qui fait l’objet d’une grave contestation de la part de la Commission européenne. Comme cela a été souligné, le risque est aujourd’hui important pour notre pays de devoir rembourser ces sommes.

Le gouvernement actuel se trouve donc aujourd’hui contraint de faire face à ces engagements très importants. Il devra peut-être provisionner des sommes, et en tout cas trouver de nouvelles ressources stables pour l’audiovisuel public.

Un quatrième objectif était de changer de mode de nomination des présidents de sociétés de l’audiovisuel public. Chacun a pu donner son avis sur la question. Quant à moi, je constate que cet objectif a conduit à une intrusion beaucoup plus directe que par le passé du pouvoir politique dans les choix des responsables.

La loi avait un cinquième objectif, la fusion des différentes sociétés de France Télévisions ; elle a été à peine engagée, conduite très partiellement avec une méthode et une approche qui produisent – chacun le voit – une lourde inquiétude pour les agents des sociétés concernées.

Le gouvernement actuel hérite donc d’un dossier particulièrement difficile, doté d’une sorte de bombe à retardement financière dans le contexte général très difficile des finances publiques de notre pays. C’est à lui qu’il reviendra de remettre en place un système de financement stable pour notre audiovisuel public.

À cet instant – et pour me tourner rapidement vers l’avenir –, je voudrais souligner une des dimensions particulières de notre système audiovisuel public : sa relation avec nos territoires. Il existe, je le rappelle, un fort attachement des populations, dans toutes les régions de France, à une information liée à leurs territoires et pluraliste. Cet attachement est d’autant plus important que la mondialisation de l’information se développe.

L’une des spécificités du service public est justement qu’il est très implanté sur le territoire à un moment où, dans le contexte que nous connaissons, à l’inverse, la presse quotidienne régionale est souvent réduite à un seul titre et où les quotidiens gratuits diffusés dans les villes ne donnent souvent que des informations minimalistes.

Enfin, les radios commerciales, qui sont nombreuses, restent essentiellement axées sur le divertissement.

Pour ces raisons, la présence d’un service public puissant et diversifié me semble importante, madame la ministre, qu’il s’agisse de la télévision publique ou de Radio France, une radio dont chacun constate et apprécie aujourd’hui la grande qualité.

Je voudrais souligner, en terminant, qu’il me paraît important de réfléchir à une organisation de notre secteur audiovisuel public qui garantisse pleinement les capacités des chaînes à remplir ces missions, particulièrement sur l’ensemble des territoires, ce qui ne doit pas être incompatible, me semble-t-il, avec une bonne gestion des deniers publics et la recherche d’une réelle maîtrise des équilibres budgétaires.

Tel est, de mon point de vue, l’un des enjeux majeurs de la période à venir et je vous souhaite, madame la ministre, compte tenu de la situation, bon courage pour aller au bout de cette lourde tâche !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de me réjouir de l’organisation de ce débat, qui entre pleinement dans la mission de contrôle du Parlement à laquelle nous sommes, nous centristes, très attachés.

Il fait utilement suite au débat organisé en mai 2010, sur notre initiative, un an après la promulgation de la loi du 5 mars 2009.

Si, lors de l’examen du projet de loi, j’avais, en tant que porte-parole du groupe de l’Union centriste, souligné les apports positifs de ce texte, sur lesquels je ne redeviendrai pas ce soir par manque de temps, j’avais également insisté, sans complaisance aucune, sur le point faible de la réforme : le financement de l’audiovisuel public.

C’est ce sujet que je souhaite évoquer aujourd'hui.

Force est en effet de constater que nos inquiétudes étaient fondées.

Nous avions à l’époque souligné que la suppression de la publicité à la télévision privant France Télévisions de 450 millions d’euros était certes une idée sympathique, mais totalement inadaptée à la situation économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

La création d’une taxe sur les fournisseurs d’accès à internet et d’une taxe sur la publicité devait compenser cette perte de recettes.

J’avais souligné le caractère inapproprié de ces taxes et regretté, concernant la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet, que l’on n’ait pas imposé aux opérateurs des obligations en termes d’aménagement numérique des territoires plutôt que de les taxer d’une manière aussi inadaptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Si, sur l’absurdité de ces taxes, le gouvernement et la majorité de l’époque ne nous avaient pas entendus, nous avions, en revanche, obtenu gain de cause, contre l’avis de l’Assemblée nationale, sur la revalorisation de 2 euros hors indexation de la redevance rebaptisée, sur l’initiative de notre rapporteur Catherine Morin-Desailly, « contribution à l’audiovisuel public ».

Nous avions également proposé, comme vous, madame la ministre, d’élargir l’assiette de la contribution aux terminaux susceptibles de recevoir la télévision et aux propriétaires de résidences secondaires dans la limite d’une fois et demie le montant de la redevance.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Censée rapporter à l’origine 94 millions d’euros, la taxe sur la publicité, dont le taux initial de 3 % a été ramené à 1, 5 % par la loi puis à 0, 5 % par la loi de finances pour 2011, rapporte non pas les 94 millions d’euros annoncés, mais 18 millions d’euros...

Quant à la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet, censée rapporter 380 millions d’euros, elle ne rapporte que 250 millions d’euros environ et, surtout, il y a tout lieu de penser qu’elle sera annulée par les instances européennes, ce qui pourrait conduire la France à rembourser près de 1 milliard d’euros.

On le voit, l’équilibre financier de la réforme assuré artificiellement en 2009 ne l’est toujours pas mieux aujourd’hui.

Face à ce fiasco financier, j’avais dès 2010 insisté auprès de votre prédécesseur pour qu’il renonce à la suppression de la publicité avant 20 heures qui aurait coûté encore 330 millions d’euros par an. Sur ce point, me semble-t-il, nous sommes en phase, madame la ministre.

Le Gouvernement vient d’annoncer une augmentation de la contribution à l’audiovisuel public de 2 euros hors inflation. J’avoue que j’aurais préféré l’élargissement de l’assiette aux résidences secondaires à cette mesure qui frappera tous les ménages, même les plus modestes.

Quoi qu’il en soit, cette augmentation ne suffira pas à assurer l’équilibre de l’audiovisuel public.

À cet égard, comment ne pas s’inquiéter de la diminution des ressources publiques affectées au groupe France Télévisons, en baisse de 3, 4 % pour 2013, ajoutée à la diminution de leurs ressources publicitaires, qui devraient être inférieures de 50 millions d’euros par rapport aux prévisions du contrat d’objectifs et de moyens ?

Je ne peux donc, madame la ministre, que vous inviter à honorer les engagements de vos prédécesseurs en créant le groupe de travail chargé de réfléchir à l’évolution de la contribution à l’audiovisuel public ou le comité de suivi prévu par l’article 75 de la loi de 2009.

Il y a, vous le voyez, madame la ministre, une réelle inquiétude sur l’avenir de l’audiovisuel public et de l’audiovisuel dans son ensemble, puisque la multiplication des chaînes privées n’est pas sans conséquences sur l’équilibre financier de l’ensemble de l’audiovisuel.

Nous sommes donc impatients de connaître les propositions du Gouvernement en ce domaine.

Vous avez indiqué devant la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, le 16 juillet, qu’il fallait « être sans tabou sur le sujet du financement », ajoutant que « les difficultés budgétaires n’affectent pas nos ambitions ». Nous le souhaitons sincèrement, madame la ministre.

Le groupe de l’Union centriste et républicaine, fidèle à ses positions en la matière, sera extrêmement attentif à vos propositions sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président et monsieur le rapporteur de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, si je précise l’intitulé de la commission, mes chers collègues, c’est parce que je suis le dernier orateur à intervenir dans ce débat avant Mme la ministre et je voudrais souligner l’utilité de cette commission – certains en doutaient – créée par la volonté de Jean-Pierre Bel avec l’appui de sa majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Il est vraiment bon d’observer et d’analyser notre propre travail : comment les lois sont-elles appliquées ? Le Gouvernement remplit-il son rôle ? Comment est-il perçu par les usagers ? Pour le coup, ce travail effectué par la commission et par nos collègues David Assouline et Jacques Legendre m’inspire une remarque générale : la précipitation est toujours nuisible.

La loi relative à la communication audiovisuelle, dont on analyse aujourd’hui l’impact, a jailli comme par génération spontanée d’une idée avancée un matin par le Président de la République. Aucune expertise, aucune simulation, aucune étude d’impact, aucune concertation ! Ce rapport, je le pense et je le dis très sincèrement, nous invite à bannir une telle méthode.

Cela étant, je vous parlerai tout de même du sujet qui nous intéresse…

Rappelez-vous, mes chers collègues, nos propos lors de l’examen, au titre de la procédure d’urgence, de la loi du 5 mars 2009, relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ; c’était en janvier 2009. Ce sentiment de malaise dans nos rangs – et même dans ceux de la majorité d’alors – anticipait celui que nous ressentons aujourd’hui face au bilan de ce dispositif élaboré dans l’urgence, et pour rien, si ce n’est pour fragiliser le service public audiovisuel.

Il y a presque quatre ans, nous avions déjà senti que l’on nous roulait dans la farine.

Comment pouvait-on croire au bien-fondé de ce projet de loi visant prétendument à rénover le service de télévision publique, alors qu’une procédure accélérée s’y appliquait ? Y avait-il un terrible danger imminent pour aller si vite et pour anticiper son application avant même son vote par le Sénat ?

Monsieur Legendre, vous disiez tout à l’heure que si, pour David Assouline, le verre était à moitié vide, pour vous, le verre était à moitié plein. Soit, mais, pour le coup, il est à moitié plein d’erreurs et d’échecs ! Vous le reconnaissez vous-même en page 121 du rapport : « Je regrette que pour des raisons économiques, la suppression totale de la publicité ait dû être reportée. » Vous voyez, c’est déjà un échec !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Autre argument : le maintien après 20 heures du parrainage – ce fameux parrainage dont on a beaucoup parlé, mais auquel personne n’a rien compris – était une erreur.

Monsieur Legendre, ce ne sont que quelques exemples, mais je pourrais en citer d’autres. Vous voyez bien que le verre était vraiment à moitié plein d’erreurs !

Cette initiative de 2009 s’apparente en fait à une réforme idéologique qui serait la résultante d’une idée dominante chez les gouvernements successifs de droite depuis vingt ans, selon laquelle le service public audiovisuel n’est pas un bien sacré. Sans parler du fait que l’une des « mesures phare » de ce projet de loi, la suppression de la publicité en prime time sur la télévision publique, était déjà entrée en vigueur dès le 5 janvier, avant même que nous ayons fini d’en débattre. Avouez que c’est le comble du mépris à l’égard du Parlement !

Nous l’avions dit haut et fort, mais nos protestations étaient restées vaines Nous avons cependant joué le jeu en présentant près de 150 amendements, dont certains ont même été votés – je le précise – par la majorité d’alors.

La France a été l’un des rares pays à aller si loin dans la transposition de la directive Services. Sous le prétexte de la transparence, la loi de mars 2009 a institué également la nomination et la révocation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, France Télévisions, Radio France et Audiovisuel extérieur de la France, par décret présidentiel.

Eh oui, mes chers collègues, priver la télévision publique de ses moyens financiers, la rendant ainsi dépendante, n’était pas suffisant ; cette nouvelle procédure de nomination et de révocation y ajoutait une dépendance politique. C’est dire, mes chers collègues, combien cette loi est toxique !

Rarement nous avions connu un tel entêtement de la part de l’exécutif.

Aujourd’hui, quel bilan pouvons-nous tirer ? Le rapport de nos collègues David Assouline et Jacques Legendre est édifiant, implacable, même si les conclusions de ce rapport « à deux voix » ne sont pas en phase sur tout. De notre clairvoyance passée nous n’avons nulle gloire à tirer, plutôt du découragement, car nous n’avons pas été entendus.

Trois ans après, que pouvons-nous dire de l’application de cette loi ?

En ce qui concerne la mesure emblématique de cette loi, la suppression de la publicité en première partie de soirée, son application n’a été que partielle, puisque son extension en fin de soirée – vous l’avez dit, monsieur Legendre –, prévue pour la fin de l’année 2011, ne s’est jamais concrétisée, faute de financement compensatoire suffisant et compte tenu des mauvaises prévisions de l’évolution du marché publicitaire.

La dictature de l’audimat a perduré. Le tunnel publicitaire avant 20 heures est devenu interminable ! Peut-être parce que les raisons de cette réforme n’ont jamais été clairement spécifiées. Peut-être parce que la définition d’une télévision publique de qualité n’a jamais été réfléchie et déclinée.

On se demande si le jeu en valait la chandelle.

En ce qui concerne l’audiovisuel extérieur, la publication très tardive de son cahier de charges est le symbole des errements qui ont marqué ce chantier, pour aboutir à surseoir à la fusion de RFI et France 24.

Mais le bouquet, mes chers collègues, madame la ministre, c’est le mode de financement sorti du chapeau de prestidigitateur de MM. Sarkozy, Copé et alliés. C’est peu dire que le financement est un fiasco !

Le produit des deux taxes instituées pour compenser la perte de recettes publicitaires n’a pas atteint le montant espéré. Cela coûte désormais 180 millions d’euros par an à l’État.

De plus, la taxe dite « télécoms », soit 250 millions d’euros, risque fort d’être annulée par la Cour de justice de l’Union européenne. Le jugement doit être rendu à la fin du premier semestre de l’année 2013. Si l’État est contraint de rembourser, c’est plus de 1 milliard d’euros qu’il devra rendre aux opérateurs de télécommunications !

Le financement prévu par le gouvernement Fillon n’assure pas la relève et fragilise la télévision publique. Cela augmente la dépendance à l’égard de l’État, qui est contraint de renflouer le budget de l’audiovisuel public.

À ce gâchis s’ajoute donc la bombe à retardement dont le Gouvernement vient d’hériter ; une de plus ! Madame la ministre, sachez que vous nous trouverez toujours à vos côtés quand il s’agira de garantir le financement et l’indépendance du service public audiovisuel !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord vous remercier de m’avoir conviée au présent débat sur l’application de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Le contrôle de l’action publique fait partie des missions du Sénat, et c’est une nécessité. Le Gouvernement est dans son rôle en étant présent ce soir pour vous écouter.

Même si nous n’en sommes pas encore à l’examen du projet de loi de finances pour 2013, la concomitance entre ce qui vient d’être annoncé dans cette perspective et le débat de ce soir a amené un certain nombre de sénateurs à s’exprimer par anticipation sur les aspects budgétaires. Vous le comprendrez, je ne pourrai pas répondre à toutes vos interrogations sur le sujet. Je tenterai cependant de vous apporter l’éclairage du Gouvernement sur les questions qui ont été soulevées dans le rapport ou pendant le débat.

Je veux auparavant saluer la qualité du travail fourni par MM. David Assouline et Jacques Legendre dans leur rapport d’information. Comme vous le verrez, mes propos rejoindront un certain nombre de leurs analyses.

La loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, adoptée sous le précédent gouvernement, a posé quelques bases utiles ; je pense notamment aux services de médias audiovisuels à la demande. Mais elle a surtout abouti à une véritable déstabilisation de la télévision publique, aussi bien dans son financement que dans son indépendance, via les nominations de dirigeants.

Je vais tenter d’évaluer devant vous le bilan de la loi à la lumière de la situation dont nous héritons aujourd’hui. J’aborderai les cinq points qui ont été évoqués, c’est-à-dire la modernisation de la réglementation audiovisuelle, la procédure de nomination des présidents de l’audiovisuel public, la suppression de la publicité en soirée sur France Télévisions, la fusion des chaînes de France Télévisions en une entreprise unique et la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France.

Premièrement, on peut effectivement dire, à l’instar de M. le rapporteur, Jacques Legendre, qu’il y a eu une certaine modernisation de la réglementation audiovisuelle. Je pense en particulier à l’adaptation aux nouveaux services de médias audiovisuels à la demande, les fameux « SMAD », qui sont principalement les services de vidéo à la demande et ceux de la télévision de rattrapage. M. Jacques Legendre ayant parfaitement exposé cet apport, je ne m’étendrai pas sur le sujet.

L’univers numérique est en constante mutation. On constate de nouvelles évolutions, imputables, notamment, au phénomène de convergence des médias. Il devient donc nécessaire d’avancer de nouveau dans la réflexion sur la modernisation.

C’est pourquoi M. le Premier ministre a décidé de confier à trois membres du Gouvernement, M. le ministre du redressement productif, Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique et moi-même en tant que ministre de la culture et de la communication, une réflexion sur un éventuel rapprochement entre les deux instances de régulation que sont le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. La réflexion sera menée jusqu’à la fin du mois de novembre de cette année sur les implications d’une telle évolution pour la régulation des secteurs de l’audiovisuel et des communications électroniques.

Cette mission relève d’une nécessité : examiner le périmètre d’une réforme des autorités de régulation pour les rendre plus efficaces, notamment à l’heure de la « télévision connectée ». En effet, les appareils sont désormais disponibles et tous les mécanismes de régulation qui ont été mis en place jusqu’à présent pour la télévision risquent d’être bouleversés par les programmes non linéarisés.

Nous proposerons donc dans les prochains jours de rencontrer les membres du Sénat et de l’Assemblée nationale spécialistes des questions liées à l’audiovisuel et aux télécommunications pour entendre leur point de vue sur le sujet. Cela aboutira ensuite à un projet de loi qui sera soumis au Parlement en 2013.

Deuxièmement, et le projet de loi que je viens d’évoquer portera évidemment aussi sur le sujet, le mode de nomination des présidents de l’audiovisuel public était l’un des volets, et non des moindres, de la réforme décidée par Nicolas Sarkozy en 2008. Les choix qui ont été faits alors n’étaient pas, et ne sont toujours pas compatibles avec les impératifs d’une démocratie moderne.

Selon M. Charon, garantir par la loi l’indépendance des présidents de l’audiovisuel public en modifiant leur mode de nomination serait faire preuve d’hypocrisie ; un tel argument n’est absolument pas recevable.

M. Pierre Charon s’exclame.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Ainsi que plusieurs orateurs l’ont souligné, le mode de nomination retenu en 2008 jette un doute sur l’indépendance des personnes nommées, contrariant ainsi leur travail, la relation de confiance qu’elles doivent entretenir avec les salariés et, au final, la réalisation de leur projet pour le service public de l’audiovisuel.

Il faut donc aujourd’hui modifier la procédure. Comme cela a été annoncé, nous le ferons au début de l’année 2013. Conformément à l’engagement de M. le Président de la République, le mode de nomination qui sera retenu associera largement la future instance de régulation de l’audiovisuel.

Il faut donc attendre, et c’est bien logique, que la réflexion sur l’éventuel rapprochement entre le CSA et l’ARCEP soit menée à son terme pour que nous puissions ensuite jeter les bases d’une telle réforme, l’objectif étant évidemment de rétablir l’indépendance la plus absolue pour tous les présidents de l’audiovisuel public afin de les mettre à l’abri de toute pression ou de la moindre suspicion.

Contrairement à ce qui a été affirmé ce soir – je pense en particulier à certaines attaques de M. Pierre Charon

M. Pierre Charon ironise.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Troisièmement, et M. Assouline l’a démontré de manière implacable, la suppression de la publicité en soirée a considérablement fragilisé le financement des missions du service public.

L’ambition affichée lors de l’annonce de cette suppression, était de « libérer » le service public des contraintes commerciales imposées par le marché publicitaire, afin de lui donner la liberté de proposer une offre plus novatrice, distincte de celle des chaînes commerciales. Force est bien de constater que, si l’on ne discute pas avec France Télévisions d’un véritable projet éditorial en accompagnement d’une telle mesure, cela ne peut pas porter de fruits.

Quatre ans donc après cette annonce, nous constatons que, comme nous le craignions, le seul résultat tangible a été la déstabilisation du financement de France Télévisions.

En effet, pour compenser les pertes de recettes publicitaires de l’entreprise en soirée, la réforme de 2009 a introduit deux taxes dont il a été montré à quel point elles-mêmes ont ensuite été rognées par la volonté du précédent gouvernement, que ce soit dans leur taux – je ne reviens pas sur le passage de 3 % à 0, 5 % – ou dans leur assiette, tout simplement par la diminution des ressources publicitaires sur les chaînes privées.

Et la compensation par des ressources budgétaires introduite par la réforme de 2009 était par définition fragile – nous l’avions dit lors du débat parlementaire à l’Assemblée nationale et au Sénat –, puisque soumise aux aléas de la conjoncture économique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, compte tenu de la situation extrêmement dégradée des finances publiques dont nous héritons du précédent gouvernement, nous sommes en quelque sorte soumis à une forme de double peine.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

D’un côté, les finances publiques sont dans un état catastrophique ; de l’autre, l’État ne peut pas assurer la compensation du coût du service public de l’audiovisuel dans des proportions suffisantes.

La situation est donc extrêmement difficile. Le mécanisme implacable qui a été mis en place a exposé France Télévisions à des ajustements par rapport au budget de l’État.

Outre France Télévisions, la fragilisation a aussi touché tout le secteur audiovisuel public. Certaines annulations de crédits budgétaires de France Télévisions ont en partie été compensées par des transferts de crédits – vous l’avez rappelé – issus de la contribution à l’audiovisuel public versée aux autres organismes.

Dès lors, et compte tenu de cette situation très compliquée, le Gouvernement a fait un choix, et un choix difficile. Je l’assume, y compris devant les représentants des salariés de France Télévisions, que je veux saluer ce soir.

Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité et de la vérité.

Responsabilité, d’abord, parce que nous sommes contraints de faire porter à France Télévisions une part de l’effort que nous demandons à l’ensemble des administrations publiques, des départements ministériels, des établissements publics et des opérateurs. Nous ne pouvons donc pas alourdir davantage la contribution du budget de l’État.

Vérité ensuite, parce que nous avons reconnu que les trajectoires financières du contrat d’objectifs et de moyens, pourtant récemment signé par France Télévisions et l’État, devaient être adaptées. Nous avons donc ouvert de nouvelles discussions avec l’entreprise sur ses activités et sur ses intentions.

La question du comité de suivi a été évoquée à plusieurs reprises, le treizième décret d’application de la loi de 2009 n’étant pas passé. Mais, étant donné que l’on va négocier un avenant au contrat d’objectifs et de moyens, ce n’est peut-être pas le moment de créer un comité de suivi, même si j’en reconnais, sur le principe, la nécessité.

Choix de vérité, encore, car il s’agit de reconnaître qu’il faut assurer des ressources pérennes et durables au service public de l’audiovisuel. Ce dernier doit être financé par une ressource stable et non soumise aux aléas budgétaires, une ressource moderne et adaptée à l’évolution des pratiques, une ressource juste et équitable.

Ces choix confortent l’indépendance du service public de l’audiovisuel.

Je puis d’ores et déjà vous annoncer, cela figure dans le projet de loi de finances pour 2013, que le Gouvernement a fait le choix, outre de l’indexer sur l’inflation, d’augmenter de 2 euros la contribution pour le service public de l’audiovisuel.

Cette hausse, couplée à l’indexation sur l’inflation, portera la redevance, en France métropolitaine, de 125 euros à 129 euros et, dans les départements d’outre-mer, de 83 euros à 87 euros.

J’ai bien compris ce soir que le Parlement, et il est en cela tout à fait dans son rôle, fera également des propositions dans le débat budgétaire.

Concernant la suppression de la publicité, nous n’allons pas poursuivre son application au-delà du 1er janvier 2016. D’ailleurs, le gouvernement précédent ne s’apprêtait pas non plus à le faire, contrairement à ce qui avait été prévu. Nous prendrons des dispositions législatives pour que ne subsiste aucun doute sur ce point. On comprendrait mal, d’ailleurs, que la ministre de la culture et de la communication poursuive dans la mise en œuvre d’une réforme qui a suscité autant de critiques de sa part.

S’agissant maintenant des modalités de financement, que vous avez critiquées, je dois à la vérité de dire que, pour moi, elles ne sauraient à elles seules déterminer la qualité des programmes. Ce qui prime dans les discussions actuelles du Gouvernement avec France Télévisions, c’est la recherche d’une audace créative, d’une volonté éditoriale. Les succès de France Télévisions en matière d’information, je pense ici aux magazines, vont dans le bon sens et nous incitent à encourager la poursuite de cette démarche de qualité.

Ce projet éditorial doit se discuter en même temps que l’examen de l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens. Il ne s’agit en aucune manière de laisser les contraintes budgétaires, même si elles sont lourdes aujourd’hui, j’en ai bien conscience, décider des modifications des contenus et des programmes ou encore des lignes stratégiques du service public de l’audiovisuel. Les missions du service public doivent primer.

Le quatrième point que je souhaite évoquer concerne la fusion des chaînes de France Télévisions en une entreprise unique, qui est également traitée dans le rapport.

La réorganisation qui a suivi la fusion des chaînes de France Télévisions en une seule société nationale de programmes a été complexe et longue. La convergence des systèmes informatiques et des statuts sociaux n’est toujours pas achevée, comme l’a souligné David Assouline.

Les synergies et les économies qui avaient été promises en 2009-2010 pour une brève échéance ne peuvent se réaliser que progressivement. Elles seront l’un des enjeux de la négociation du futur avenant au contrat d’objectifs et de moyens.

Là aussi, l’organisation ne doit pas primer plutôt que les missions : le travail sur ces missions est au cœur de nos échanges avec France Télévisions.

Je puis vous garantir que le service public ne sera pas affaibli. Ses salariés, dont l’expertise et l’engagement n’ont pas failli, seront respectés, comme il se doit.

S’il est important de repenser les missions et l’organisation du groupe, pour autant, toute restructuration ne saurait être fondée que sur des identités claires. Même si la recherche des synergies se justifie dans certains cas, l’objectif doit rester la qualité du service public, quitte à en faire une véritable obsession.

Le cinquième et dernier point que je souhaite aborder concerne la réforme de l’Audiovisuel extérieur de la France.

Le 5 juin dernier, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, et moi-même avons confié à M. Jean-Paul Cluzel une mission d’évaluation de la fusion en cours à l’Audiovisuel extérieur de la France, l’AEF, pour examiner la pertinence stratégique et l’impact des décisions prises. Le rapport nous a été remis le 25 juin 2012.

Dans ce rapport, Jean-Paul Cluzel préconise une AEF réformée, fondée sur la séparation des rédactions de France 24 et de RFI, la reconstitution de deux directions d’antenne bien distinctes et la réaffirmation de l’identité et de la spécificité de France 24 et de RFI.

Après une analyse approfondie de ces conclusions, le conseil d’administration a demandé qu’un nouveau projet d’organisation lui soit proposé, fondé sur des rédactions distinctes pour RFI et France 24.

Je considère que c’est la bonne solution. C’est désormais dans cette direction que la nouvelle équipe de l’AEF avancera dès sa nomination effective. Pour cela, il n’est pas indispensable de remettre en cause le cadre législatif de la société nationale de programme AEF, créée par la loi du 5 mars 2009. Toutefois, l’indépendance des deux rédactions doit être garantie par l’adoption d’un nouveau cahier des charges, consacrant la spécificité des deux antennes.

Sur les cinq sujets évoqués, nous voyons combien le service public est un bien précieux, mais fragile. Il a été considérablement fragilisé par la réforme de 2009 dont vous venez de faire le bilan. Légiférer en la matière exige beaucoup de précautions, de débats, de doigté, mais aussi une forte volonté politique.

Pour ma part, je l’ai dit au cours de mon audition devant la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat et devant la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, je considère que toutes les pistes, toutes les solutions doivent être examinées. Je n’ai aucun a priori idéologique. Mon seul souci est le service public de l’audiovisuel, ma seule ambition est de mettre en place les bonnes conditions pour sécuriser son financement et, surtout, pour renforcer son indépendance.

Vous serez évidemment associés à toutes les démarches d’ores et déjà engagées par le Gouvernement pour franchir l’étape de l’année 2013, qui sera budgétairement difficile en raison de la crise, non seulement pour France Télévisions, mais également pour l’ensemble du budget de l’État ainsi que, malheureusement, pour un grand nombre de nos concitoyens.

La situation dont nous héritons ne nous facilite pas la tâche, bien au contraire. Néanmoins, toutes les mesures seront prises dans la concertation. Nous n’utiliserons pas la contrainte budgétaire pour imposer des réformes qui ne seraient pas justifiées sur le fond.

Nous devrons également faire face aux enjeux de la modernisation. Je pense au numérique et à la convergence des médias, qui sont essentiels. Il nous faudra traiter ces dossiers très rapidement, ce que nous pouvons faire même dans un contexte budgétaire tendu.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre attention et me tiens à votre disposition pour échanger avec vous sur tous ces sujets.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous en avons terminé avec le débat sur l’application de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 3 octobre 2012 :

De quatorze heures trente à dix-sept heures :

1. Débat sur les conditions de la réussite à l’école.

De dix-sept heures à dix-neuf heures trente :

2. Débat sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.

De vingt et une heures trente à minuit :

3. Débat sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation.

En outre, à quatorze heures trente :

- Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé.

- Désignation des douze membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.