D’un côté, les finances publiques sont dans un état catastrophique ; de l’autre, l’État ne peut pas assurer la compensation du coût du service public de l’audiovisuel dans des proportions suffisantes.
La situation est donc extrêmement difficile. Le mécanisme implacable qui a été mis en place a exposé France Télévisions à des ajustements par rapport au budget de l’État.
Outre France Télévisions, la fragilisation a aussi touché tout le secteur audiovisuel public. Certaines annulations de crédits budgétaires de France Télévisions ont en partie été compensées par des transferts de crédits – vous l’avez rappelé – issus de la contribution à l’audiovisuel public versée aux autres organismes.
Dès lors, et compte tenu de cette situation très compliquée, le Gouvernement a fait un choix, et un choix difficile. Je l’assume, y compris devant les représentants des salariés de France Télévisions, que je veux saluer ce soir.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité et de la vérité.
Responsabilité, d’abord, parce que nous sommes contraints de faire porter à France Télévisions une part de l’effort que nous demandons à l’ensemble des administrations publiques, des départements ministériels, des établissements publics et des opérateurs. Nous ne pouvons donc pas alourdir davantage la contribution du budget de l’État.
Vérité ensuite, parce que nous avons reconnu que les trajectoires financières du contrat d’objectifs et de moyens, pourtant récemment signé par France Télévisions et l’État, devaient être adaptées. Nous avons donc ouvert de nouvelles discussions avec l’entreprise sur ses activités et sur ses intentions.
La question du comité de suivi a été évoquée à plusieurs reprises, le treizième décret d’application de la loi de 2009 n’étant pas passé. Mais, étant donné que l’on va négocier un avenant au contrat d’objectifs et de moyens, ce n’est peut-être pas le moment de créer un comité de suivi, même si j’en reconnais, sur le principe, la nécessité.
Choix de vérité, encore, car il s’agit de reconnaître qu’il faut assurer des ressources pérennes et durables au service public de l’audiovisuel. Ce dernier doit être financé par une ressource stable et non soumise aux aléas budgétaires, une ressource moderne et adaptée à l’évolution des pratiques, une ressource juste et équitable.
Ces choix confortent l’indépendance du service public de l’audiovisuel.
Je puis d’ores et déjà vous annoncer, cela figure dans le projet de loi de finances pour 2013, que le Gouvernement a fait le choix, outre de l’indexer sur l’inflation, d’augmenter de 2 euros la contribution pour le service public de l’audiovisuel.
Cette hausse, couplée à l’indexation sur l’inflation, portera la redevance, en France métropolitaine, de 125 euros à 129 euros et, dans les départements d’outre-mer, de 83 euros à 87 euros.
J’ai bien compris ce soir que le Parlement, et il est en cela tout à fait dans son rôle, fera également des propositions dans le débat budgétaire.
Concernant la suppression de la publicité, nous n’allons pas poursuivre son application au-delà du 1er janvier 2016. D’ailleurs, le gouvernement précédent ne s’apprêtait pas non plus à le faire, contrairement à ce qui avait été prévu. Nous prendrons des dispositions législatives pour que ne subsiste aucun doute sur ce point. On comprendrait mal, d’ailleurs, que la ministre de la culture et de la communication poursuive dans la mise en œuvre d’une réforme qui a suscité autant de critiques de sa part.
S’agissant maintenant des modalités de financement, que vous avez critiquées, je dois à la vérité de dire que, pour moi, elles ne sauraient à elles seules déterminer la qualité des programmes. Ce qui prime dans les discussions actuelles du Gouvernement avec France Télévisions, c’est la recherche d’une audace créative, d’une volonté éditoriale. Les succès de France Télévisions en matière d’information, je pense ici aux magazines, vont dans le bon sens et nous incitent à encourager la poursuite de cette démarche de qualité.
Ce projet éditorial doit se discuter en même temps que l’examen de l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens. Il ne s’agit en aucune manière de laisser les contraintes budgétaires, même si elles sont lourdes aujourd’hui, j’en ai bien conscience, décider des modifications des contenus et des programmes ou encore des lignes stratégiques du service public de l’audiovisuel. Les missions du service public doivent primer.
Le quatrième point que je souhaite évoquer concerne la fusion des chaînes de France Télévisions en une entreprise unique, qui est également traitée dans le rapport.
La réorganisation qui a suivi la fusion des chaînes de France Télévisions en une seule société nationale de programmes a été complexe et longue. La convergence des systèmes informatiques et des statuts sociaux n’est toujours pas achevée, comme l’a souligné David Assouline.
Les synergies et les économies qui avaient été promises en 2009-2010 pour une brève échéance ne peuvent se réaliser que progressivement. Elles seront l’un des enjeux de la négociation du futur avenant au contrat d’objectifs et de moyens.
Là aussi, l’organisation ne doit pas primer plutôt que les missions : le travail sur ces missions est au cœur de nos échanges avec France Télévisions.
Je puis vous garantir que le service public ne sera pas affaibli. Ses salariés, dont l’expertise et l’engagement n’ont pas failli, seront respectés, comme il se doit.
S’il est important de repenser les missions et l’organisation du groupe, pour autant, toute restructuration ne saurait être fondée que sur des identités claires. Même si la recherche des synergies se justifie dans certains cas, l’objectif doit rester la qualité du service public, quitte à en faire une véritable obsession.
Le cinquième et dernier point que je souhaite aborder concerne la réforme de l’Audiovisuel extérieur de la France.
Le 5 juin dernier, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, et moi-même avons confié à M. Jean-Paul Cluzel une mission d’évaluation de la fusion en cours à l’Audiovisuel extérieur de la France, l’AEF, pour examiner la pertinence stratégique et l’impact des décisions prises. Le rapport nous a été remis le 25 juin 2012.
Dans ce rapport, Jean-Paul Cluzel préconise une AEF réformée, fondée sur la séparation des rédactions de France 24 et de RFI, la reconstitution de deux directions d’antenne bien distinctes et la réaffirmation de l’identité et de la spécificité de France 24 et de RFI.
Après une analyse approfondie de ces conclusions, le conseil d’administration a demandé qu’un nouveau projet d’organisation lui soit proposé, fondé sur des rédactions distinctes pour RFI et France 24.
Je considère que c’est la bonne solution. C’est désormais dans cette direction que la nouvelle équipe de l’AEF avancera dès sa nomination effective. Pour cela, il n’est pas indispensable de remettre en cause le cadre législatif de la société nationale de programme AEF, créée par la loi du 5 mars 2009. Toutefois, l’indépendance des deux rédactions doit être garantie par l’adoption d’un nouveau cahier des charges, consacrant la spécificité des deux antennes.
Sur les cinq sujets évoqués, nous voyons combien le service public est un bien précieux, mais fragile. Il a été considérablement fragilisé par la réforme de 2009 dont vous venez de faire le bilan. Légiférer en la matière exige beaucoup de précautions, de débats, de doigté, mais aussi une forte volonté politique.
Pour ma part, je l’ai dit au cours de mon audition devant la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat et devant la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, je considère que toutes les pistes, toutes les solutions doivent être examinées. Je n’ai aucun a priori idéologique. Mon seul souci est le service public de l’audiovisuel, ma seule ambition est de mettre en place les bonnes conditions pour sécuriser son financement et, surtout, pour renforcer son indépendance.
Vous serez évidemment associés à toutes les démarches d’ores et déjà engagées par le Gouvernement pour franchir l’étape de l’année 2013, qui sera budgétairement difficile en raison de la crise, non seulement pour France Télévisions, mais également pour l’ensemble du budget de l’État ainsi que, malheureusement, pour un grand nombre de nos concitoyens.
La situation dont nous héritons ne nous facilite pas la tâche, bien au contraire. Néanmoins, toutes les mesures seront prises dans la concertation. Nous n’utiliserons pas la contrainte budgétaire pour imposer des réformes qui ne seraient pas justifiées sur le fond.
Nous devrons également faire face aux enjeux de la modernisation. Je pense au numérique et à la convergence des médias, qui sont essentiels. Il nous faudra traiter ces dossiers très rapidement, ce que nous pouvons faire même dans un contexte budgétaire tendu.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre attention et me tiens à votre disposition pour échanger avec vous sur tous ces sujets.