Avant de présenter les principales modifications que le Sénat a apportées au projet de loi, j'aimerais souligner la qualité du travail accompli à l'Assemblée nationale. Malgré des délais très courts, elle a, en effet, considérablement enrichi le projet de loi : je pense notamment à la prise en compte de la situation des personnes handicapées, au renforcement des garanties tenant à la durée du contrat et au temps de travail du salarié, ou encore à l'amélioration des dispositions relatives à la formation du jeune en emploi d'avenir. Sur tous ces points, les amendements adoptés par l'Assemblée nationale ont répondu à nos préoccupations et le Sénat les a donc confirmés.
Le Sénat a seulement procédé à deux ajustements par rapport au texte qui lui a été transmis par l'Assemblée nationale :
- tout d'abord, il n'a pas jugé opportun d'autoriser la conclusion d'un emploi d'avenir sous la forme d'un contrat de travail saisonnier. En effet, par nature, un emploi saisonnier est discontinu, ce qui semble contradictoire avec l'objectif d'apporter au jeune la stabilité nécessaire à la réussite de son parcours d'insertion et de qualification ;
- ensuite, il est revenu sur la possibilité d'embaucher en emploi d'avenir, à titre exceptionnel, des jeunes diplômés du supérieur, souhaitant réaffirmer le ciblage du dispositif sur les jeunes les moins qualifiés, c'est-à-dire sur ceux titulaires, au plus, du baccalauréat. Une exception a toutefois été prévue pour l'outre-mer, en raison de la faiblesse du secteur marchand dans ces territoires.
Le Sénat a par ailleurs adopté plusieurs mesures nouvelles.
Il a ajouté à la liste des employeurs les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public. Cette disposition permettra notamment à des sociétés d'économie mixte, actives au niveau local, d'embaucher plus facilement des jeunes en emploi d'avenir.
Pour lutter contre les effets d'aubaine, le Sénat a adopté deux dispositions :
- la première interdit à un employeur d'avoir recours à un emploi d'avenir conclu sous la forme d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi pour remplacer un salarié licencié ou s'il n'est pas à jour de ses cotisations sociales ; des règles analogues s'appliquent déjà au contrat initiative-emploi (CIE) ;
- la deuxième prévoit que toute nouvelle embauche d'un jeune en emploi d'avenir est subordonnée au contrôle du respect par l'employeur des engagements qu'il avait souscrits pour l'embauche d'un emploi d'avenir antérieur ; il s'agit ainsi d'éviter qu'un employeur abuse du dispositif en multipliant dans le temps les recrutements en emploi d'avenir.
Afin de renforcer les garanties offertes au jeune recruté en emploi d'avenir, le Sénat a souhaité que le suivi personnalisé se déroule obligatoirement pendant le temps de travail.
Le Sénat a également prévu une priorité d'embauche pour les jeunes en emploi d'avenir, valable pendant l'année suivant la fin de leur contrat. Cette mesure s'inspire des dispositions applicables aux salariés qui ont été victimes d'un licenciement pour motif économique.
Pour améliorer encore le volet « formation » du texte, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement qui prévoit que les jeunes recrutés en emploi d'avenir par une collectivité locale ont accès aux formations délivrées par le Centre national de la fonction publique territoriale ; celui-ci percevra, en contrepartie, une contribution versée par l'employeur ; les modalités d'accès des jeunes à la formation feront l'objet d'une convention annuelle d'objectifs et de moyens conclue entre l'Etat et le Centre national.
Deux autres amendements ont précisé que les actions de formation se déroulaient « prioritairement » pendant le temps de travail et qu'elles privilégiaient l'acquisition de compétences de base et de compétences transférables permettant au jeune d'accéder à un niveau de qualification supérieur.
S'agissant des emplois d'avenir professeur, le Sénat a adopté deux amendements de fond : le premier précise qu'une attestation d'expérience professionnelle peut être délivrée à tous les bénéficiaires qui en font la demande, et pas seulement à ceux qui ont échoué à un concours de recrutements d'enseignants ; le second prévoit que la décision d'attribution de l'aide à l'employeur peut être prise par le recteur, et ce afin de simplifier le circuit administratif en évitant de passer par le service public de l'emploi.
Enfin, sur le volet du texte relatif au service public de l'emploi, le Sénat a adopté, sur proposition du Gouvernement, un amendement qui donne une base juridique à la compétence de la filiale de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), Transitio, pour la mise en oeuvre du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) ; l'amendement précise également que l'Etat peut contribuer au financement des dépenses engagées dans le cadre du contrat de transition professionnelle (CTP). Ces deux mesures, qui présentent un caractère transitoire, visent à sécuriser juridiquement les versements que l'Etat va effectuer à l'AFPA au titre de ces deux contrats (à hauteur de 5 millions et de 15 millions d'euros respectivement), dans un contexte où l'association connaît de très graves difficultés de trésorerie.
En conclusion, le Sénat a eu à coeur de lutter contre les éventuels abus et de renforcer les droits des jeunes en emploi d'avenir, sans pour autant rendre le dispositif dissuasif pour les employeurs, et d'apporter encore plus de garanties pour un accès effectif des jeunes à la formation. Je ne doute pas que ces mesures pourront faire l'objet d'un large accord au sein de la commission mixte paritaire.