Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la mission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en tant que vice-présidente de la mission, j’ai activement participé à ses travaux d’information sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation. Je me suis même passionnée pour ces sujets.
Je veux d'ailleurs de nouveau féliciter la présidente et le rapporteur de l’important et agréable travail collégial qui a été réalisé pendant quatre mois et a abouti à un rapport très consensuel, adopté à l’unanimité des membres de la mission. À ce stade, je veux le dire, je souscris au diagnostic et aux propositions formulées, et cela sans aucune réserve.
Je me félicite d’avoir œuvré plus particulièrement en faveur de l’adoption de deux propositions : tout d’abord, l’obligation pour les agences de respecter un calendrier de publication des notes souveraines à date fixe, afin d’éviter la volatilité des notations et les interactions à chaud avec les marchés et d’atténuer les interfaces des notes avec les échéances démocratiques des États ; ensuite, l’obligation de souscrire une assurance civile professionnelle pour permettre aux agences de faire face à leurs responsabilités.
Cela étant rappelé, je voudrais vous faire part d’une analyse plus personnelle de ce dossier et vous faire partager mes convictions, en examinant successivement l’influence des agences, que je qualifierai de démesurée, leur responsabilité, notamment dans la crise, et les moyens de les recadrer, pour qu’elles occupent la place qui doit être la leur.
J’évoquerai donc, tout d'abord, l’influence démesurée des agences et leur responsabilité, en particulier dans la crise.
Tout le monde le sait, avec la mondialisation de la finance, le poids et les profits des agences se sont accrus de façon spectaculaire. En quarante ans, nous avons assisté à des bouleversements importants dans la sphère financière, notamment la libéralisation des mouvements de capitaux, l’accroissement rapide des besoins de financement des États et le développement de la titrisation.
La notation financière s’est imposée comme une réalité incontournable dans l’évaluation du risque crédit et dans le fonctionnement même des marchés financiers, avec, je le répète après d’autres, une situation oligopolistique de trois agences. Celles-ci, toutes de philosophie anglo-saxonne, concentrent plus de 90 % des parts de marché, avec un modèle économique fondé sur le principe de l’émetteur-payeur, qui leur donne un rôle de quasi-régulateur. Car c’est là, me semble-t-il, le fond du problème.
La mission que nous avons conduite a mis en lumière les faiblesses de ces agences, et donc les limites de la notation financière, pointant l’opacité des méthodologies et des processus de notation, leur manque d’anticipation, leurs insuffisances en matière de réactivité, leur légèreté parfois, leurs erreurs, je dirais même leur aveuglement, voire leur incompétence.
Je ne pense pas que les agences de notation soient responsables de la crise financière. Toutefois, celle-ci a incontestablement révélé les insuffisances de leurs méthodes et de leurs objectifs. On peut même dire que leur rôle a souvent amplifié et légitimé les crises spéculatives, car, disons-le, elles ont favorisé la spéculation.
Depuis le début de la crise de l’endettement public, on peut tout particulièrement observer les effets amplificateurs des décisions qu’elles ont prises. On parle même de « procyclicité ». Chaque fois qu’une agence signifie un risque d’insolvabilité, elle justifie a posteriori une position spéculative. Or, nous le savons, en économie, les prophéties auto-réalisatrices caractérisent les marchés financiers.
Les agences considèrent, quant à elles, qu’elles ne font qu’émettre une simple opinion, qui n’est assimilable ni à une recommandation d’investissement, ni à un conseil, ni à un audit, ni encore à une certification.
Toutefois, leur influence est considérable, car la puissance publique elle-même leur a conféré un statut d’auxiliaire du service public. Les notations qu’elles distribuent servent de référence à toutes les institutions internationales. Les normes de Bâle III et la directive Solvabilité II y font notamment référence.
Avec les trois lettres A, B et C, les agences font trembler la planète finance tout entière. Or une erreur d’appréciation peut contribuer à déstabiliser l’économie d’une région du monde. Les intérêts supérieurs d’une nation peuvent être mis en jeu et le pouvoir politique ne peut donc, selon moi, se désintéresser de cette question. Il doit tout entreprendre pour sauvegarder les intérêts fondamentaux du pays.
C’est la raison pour laquelle il faut recadrer la notation financière et la remettre à la place qui doit être la sienne, en redonnant aux agences leur véritable caractère de prestataire de services et non pas d’organisme habilité à certifier les notes.
Comment y parvenir ?
Le pouvoir actuel des agences de notation n’est pas sain – j’avais écrit ce terme dans mon discours avant même que le rapporteur ne le prononce à la tribune !