Intervention de Dominique de Crombrugghe

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 octobre 2012 : 1ère réunion
Avenir de la politique de coopération française au développement — Table ronde

Dominique de Crombrugghe, évaluateur spécial de la Coopération belge au développement :

C'est un honneur de m'exprimer devant votre commission. J'exposerai un cas concret tout d'abord : la coopération belge a subi un traumatisme dans les années quatre-vingt dix lorsque la presse a révélé un scandale de collusion et de corruption, lié à la réalisation de certains investissements dans les pays en développement, dits « les éléphants blancs ». Le parlement a constitué alors une commission spéciale, dont les conclusions ont été déterminantes pour l'avenir de la politique de coopération belge. En 1999, la Belgique a voté une loi sur la coopération, en cours de révision. Les crédits consacrés au développement étant moins importants qu'en France, il est important de les concentrer, la loi a le mérite de contraindre les ministres à cet effort... La loi définit un cadre, des pays, des secteurs et des thèmes transversaux prioritaires. Le défaut de cette loi est de ne concerner que la coopération gouvernementale, sans prendre en compte la coopération multilatérale, ni le rôle des acteurs non gouvernementaux. Elle a été conçue à une époque où la coopération était encore conçue comme un exercice national.

Une agence de coopération et de développement a été créée. A la différence de l'AFD, il ne s'agit pas d'une banque mais d'une agence d'exécution de la politique gouvernementale conçue par le gouvernement.

En outre, un service d'évaluation indépendant a été créé, doté d'une compétence générale pour évaluer l'ensemble de l'APD, quel que soit l'acteur exécutant. Il rédige chaque année un rapport pour le parlement, dont je présente les conclusions devant les commissions compétentes. Un ministre de la coopération de plein exercice, au sein du ministère des affaires étrangères, est chargé de gérer les crédits - qui tous ont été regroupés dans un seul chapitre budgétaire, d'où une grande lisibilité.

En Belgique en outre nous n'avons jamais distingué comme en France la politique d'influence, menée par le ministère des affaires étrangères, et la politique de solidarité, menée par le ministère de la coopération.

Lorsque la commission européenne, la France, le Danemark, le Luxembourg et la Belgique ont évalué ensemble leur politique de développement au Niger, une « note de contexte » a été commandée à un cabinet franco-nigérien. Les Nigériens ont évoqué le besoin éthique de coopération des pays occidentaux. « Nous savons que vous nous enverrez toujours de l'aide, quelle que soit la situation, car vous en avez structurellement besoin » disent-ils. « Nous avons surtout besoin du flux d'aide et moins de coopération », ajoutent-ils. Les conditions d'affectation les dérangent, ils préfèreraient disposer librement de ce qui serait une forme d'aide budgétaire. Selon eux, le meilleur projet est le développement du téléphone mobile satellitaire - une personne ayant besoin d'argent peut joindre son fils au loin, à Abidjan par exemple. Ce n'est pas un projet d'aide au développement et pourtant c'est utile. Enfin, les Nigériens ne comprenaient pas l'intérêt des Belges à aider le Niger, faute d'intérêts sur place.

Le grand changement depuis les années quatre-vingt dix est que la coopération ne se conçoit plus comme une politique nationale, mais s'inscrit dans une politique multinationale de coopération, dont la France est un des acteurs.

Le développement ? Je ne sais pas définir le sens de ce mot : s'agit-il de prospérité matérielle des habitants des pays en développement, ou bien ce terme inclut-il d'autres dimensions ? Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, le développement n'est calculé qu'à l'aide de critères purement matériels, qui n'intègrent aucune dimension qualitative ou éthique.

Une anecdote enfin : le mot qui, dans telle langue d'Afrique de l'Ouest, désigne la coopération signifie, traduit littéralement, « le rêve de l'homme blanc ».

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