Intervention de Jérôme Cahuzac

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 2 octobre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Programmation des finances publiques - Audition de M. Pierre Moscovici ministre de l'économie et des finances et M. Jérôme Cahuzac ministre délégué chargé du budget

Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget :

Le budget de l'année 2013 a été particulièrement difficile à élaborer, en raison des nombreuses contraintes qu'il a fallu surmonter. Comme l'a constamment rappelé le président de la République, il s'agit en premier lieu de respecter la parole de la France en présentant un budget qui affirme une baisse du déficit de 4,5 % à 3 % du PIB sur la période 2012-2013, ce qui représente un effort de 30 milliards d'euros. Que certains fassent semblant de découvrir qu'un effort de 30 milliards était nécessaire m'a paru surprenant, tant il est vrai qu'il s'inscrit dans la trajectoire des finances publiques présentée à la Commission européenne il y a deux ans !

Dans ce cadre, le choix que nous avons fait est celui d'un partage entre des mesures d'économies, pour un tiers, et des efforts de nature fiscale, pour deux tiers, ces derniers étant partagés équitablement entre les ménages et les entreprises. C'est un choix raisonné : à court terme, la baisse des dépenses publiques est plus récessive que l'augmentation de la fiscalité. Or, si l'objectif des 3 % témoigne de notre volonté de tenir les engagements pris, il s'agit tout autant de préserver la croissance, dont l'hypothèse retenue pour l'année prochaine se situe autour de 0,8 %. Pour préserver la croissance en 2013, il fallait faire des économies, mais aussi être prudent, encore qu'il me parait difficile d'aller plus loin dans cette voie : depuis notre entrée en fonctions, ce sont 250 millions d'euros d'économies qui ont été trouvés chaque jour. Dans l'histoire politique contemporaine, aucun gouvernement n'a fait autant. Ces économies sont en outre équitablement réparties entre le fonctionnement et l'investissement, entre la défense nationale et les dépenses d'intervention. Ces 10 milliards d'euros sont de surcroît nets des mesures nouvelles, qui concernent essentiellement l'éducation nationale, la sécurité, la justice et l'emploi. Au total, nous réalisons près de 2,8 milliards d'économie de fonctionnement, soit un effort de 5 % consenti par toutes les administrations en moyenne.

Un effort est également demandé aux opérateurs. Ce sont aujourd'hui plus de mille entités, qui représentent une charge budgétaire de 40 milliards d'euros dont 10 milliards de taxes affectées. Ces cinq dernières années, leurs frais de fonctionnement ont augmenté de près de 6 % lorsque ceux de l'Etat diminuaient dans les mêmes proportions ; ils ont dépassé de 13 % le plafond des équivalent temps plein lorsque le « 1 sur 2 » s'appliquait dans les administrations d'Etat. Ces entités semblent ainsi s'être affranchies des services de l'Etat, au point de considérer que les taxes affectées leur appartiennent. Il y a sans conteste un effort à faire en la matière, en fixant un plafond de taxes affectées aux opérateurs, chantier sur lequel l'aide du Parlement serait précieuse à l'action que mène l'exécutif.

Concernant le budget de la défense, l'effort représente près de 2,2 milliards d'euros. Il s'agit d'un budget de transition, et non de rupture. S'il ne respecte pas l'ensemble des prescriptions dégagées par le Livre blanc, il s'inscrit totalement dans le respect des lois de programmation, ne signe l'arrêt d'aucun programme militaire d'investissement, et permettra en outre un accueil digne à nos troupes rapatriées d'Afghanistan.

Les économies d'intervention de l'Etat représentent 2 milliards d'euros. Quant aux dépenses d'investissement, dans lesquelles vous savez qu'il est difficile de sabrer, elles concernent essentiellement les transports, la culture et la justice, autant de ministères qui ont compris la nécessité de décaler certains projets d'investissement. Le périmètre d'économies exclut ainsi les prélèvements sur recettes, ainsi que les charges de pensions et de dette.

On arrive au coeur de l'action de l'Etat : hors prélèvements sur recettes, charges de la dette et pensions, le financement de ces missions s'élève à 199,1 milliards d'euros. Ce budget accuse une diminution en valeur absolue de 700 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2012, mais avec une économie de 10 milliards par rapport à la tendance. L'effort est donc important sur les crédits des ministères, certains contribuant plus que d'autres. Ces économies étaient nécessaires parce que l'Etat doit être efficient. Elles l'étaient aussi parce que nos concitoyens ne doivent pas avoir le sentiment qu'on demande tout à la fiscalité.

Peut-on faire davantage ? On peut en douter si l'on se rapporte à l'évolution récente et future des finances publiques : entre 2002 et 2007, la dépense publique a progressé de 2,3 %. Entre 2007 et 2011, elle a été de 1,7 %. Nous prévoyons, entre 2012 et 2017 une augmentation de 0,7 % toutes administrations confondues. Je le répète : un tel effort partagé et solidaire n'a jamais été consenti par l'Etat, la protection sociale ou les collectivités locales. Faire davantage restera suggéré par certains. Je leur rappellerai dès lors que 20 milliards d'euros représentent la moitié du budget de la seule Éducation nationale, ou 500 000 postes de la fonction publique d'Etat. C'est parce que nous maintiendrons la norme « zéro valeur » des dépenses hors charge de la dette publique et pensions que ces économies vont monter en puissance et que la fiscalité pourra être stabilisée d'ici la fin de la mandature, conformément aux engagements du président de la République.

J'en viens aux mesures fiscales. Elles touchent autant les ménages que les entreprises. Notre préoccupation était double : d'une part, ne pas inciter à des comportements pouvant nuire à la croissance et, d'autre part, susciter un sentiment aigu de justice. Ainsi, le nombre de ménages sollicités représente moins de la moitié du dernier décile de la distribution des revenus. Mieux encore, les effets produits par le maintien du gel du barème de l'impôt sur le revenu sont corrigés par un mécanisme de décote à l'entrée de la première tranche et entre la première et la deuxième tranche, grâce auquel près de 7,4 millions de foyers ne paieront pas d'impôts supplémentaires par rapport à 2012. L'effort est difficile à partir de 15 000 euros par mois, il est rude à partir de 40 000 euros par mois, mais ce sont ces ménages à qui un effort est demandé. Ces dispositions ne diminueront pas la capacité de consommation de ces ménages, qui contribue à la croissance française à hauteur des deux tiers.

Les mesures fiscales concernant les entreprises ont été guidées par le même souci de préserver leurs capacités d'investissement. Elles concernent donc essentiellement les grands groupes. Pour l'essentiel, il s'agit d'abord de la fin de la déductibilité intégrale de l'impôt sur les sociétés des intérêts d'emprunt : 15 % en 2013, puis 25 % à terme, ne pourront plus être déduits de l'assiette de cet impôt. C'est une mesure forte, dont le rendement s'élèvera à 4 milliards d'euros l'année prochaine. L'autre mesure symbolique est une correction de la niche « Copé »...

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