Intervention de François Marc

Réunion du 10 octobre 2012 à 14h30
Traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de François MarcFrançois Marc, rapporteur général de la commission des finances :

Deuxième étape avec la décision du Conseil constitutionnel français du 9 août dernier : il en découle aussi que la règle n'a pas besoin d'être contraignante.

En résumé, on nous propose aujourd'hui de ratifier un traité relatif à la discipline budgétaire qui a été complété par des dispositions relatives à la croissance, qui s'accompagnera peut-être bientôt d'un volet sur la gouvernance, si les États donnent suite à la feuille de route que prépare le président du Conseil européen – vous en avez parlé, monsieur le ministre –, et qui contient une règle n'ayant pas besoin d'être contraignante.

Par conséquent, mes chers collègues, il est aujourd'hui incontestable que la donne a beaucoup évolué depuis le printemps ! §

J'en viens à ma deuxième question : en quoi consistent les règles du TSCG ?

D'abord, ces règles ne sont pas nouvelles, puisqu'elles figurent sous une forme identique, ou quasi identique dans le pacte de stabilité. Elles nous sont donc déjà applicables.

La règle numéro un, c'est la règle dite de « solde structurel ». Pour la respecter, les États doivent fixer un objectif de moyen terme, ou OMT – il faudra s'y habituer à l'avenir –, qui ne peut pas être supérieur à un déficit de 0, 5 point de PIB. Ils doivent aussi préciser la trajectoire de solde structurel qui sera suivie pour atteindre l'objectif. Le gouvernement actuel, à l'instar du précédent, retient l'équilibre structurel comme OMT.

Du point de vue économique, une règle exprimée en solde structurel est évidemment plus intelligente qu'une règle exprimée en solde effectif, puisqu'elle autorise le recours à un déficit conjoncturel pour faire face aux aléas liés au contexte économique, ce qui n'est pas permis par le dispositif actuellement en vigueur. C'est donc un nouvel élément fort utile.

À l'inverse, une règle de déficit effectif, comme la règle des 3 % du volet correctif du pacte de stabilité, obligerait à atteindre l'objectif de solde quelle que soit la conjoncture, donc à prendre des mesures restrictives même avec une croissance déjà faible ou fragile. C'est d'ailleurs la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Le dispositif qui s'applique aujourd'hui conduit à ajouter de la crise à la crise. Le système du solde structurel autorise un regard plus intelligent sur cette situation.

Si l'on se projette dans l'avenir, il faut se demander si la règle du TSCG a vocation à rester complémentaire à celle du pacte de stabilité, ou bien si elle porte en germe des évolutions dans la manière dont le pacte est appliqué.

En tout état de cause, et il ne faut pas se le cacher, atteindre l'équilibre structurel est une démarche exigeante ; cela implique de faire des choix importants en matière de périmètre et de contenu des missions des administrations publiques.

Lors de nos débats de cet après-midi, certains collègues s'interrogeaient sur les mesures structurelles qui seraient mises en œuvre dans les prochaines années. Il est clair que le nouveau dispositif permettra d'en adopter.

Mais, à l'inverse, il n'est pas conforme à la vérité d'imputer à la seule règle du solde structurel l'ampleur et les sacrifices qui sont consentis en France depuis trois ans.

Je rappelle les chiffres des efforts que nous réalisons pour revenir à 3 % : ce sont 40 milliards d'euros de réduction du solde structurel en 2013, qui viennent après 24 milliards d'euros en 2012 et 30 milliards d'euros en 2011.

De tels montants doivent être comparés à l'effort minimal qui est imposé chaque année par le TSCG : 0, 5 point de PIB. Par conséquent, dans le cas de la France, dès l'instant où nous aurons atteint le seuil de 3 %, l'effort nécessaire pour respecter cet engagement sera au maximum de 10 milliards d'euros par an.

En revanche, il n'est pas faux de dire que nous sommes en train d'organiser le pilotage de nos finances publiques autour d'une notion, convenons-en, assez subjective, celle du solde structurel. De quoi s'agit-il ? C'est une bonne question. Nous savons très bien que les interprétations sont diverses.

Lorsque nous débattrons du projet de loi organique, il faudra nous demander comment limiter les incertitudes sur ce point. On peut considérer qu'il entrera dans les missions de la haute autorité de nous apporter un éclairage à cet égard.

Pour finir sur la présentation de la règle de solde, je voudrais insister sur le fait que le traité laisse une marge d'appréciation aux autorités nationales et que tout ne sera pas automatique.

Je commence justement par le mécanisme de correction dit « automatique ». J'observe que le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 crée un mécanisme permettant de s'écarter de la trajectoire pendant trois années consécutives. On a vu plus rigide !

Je note également que la Commission européenne insiste sur le fait qu'il ne « faut pas porter atteinte aux prérogatives politiques des autorités budgétaires ».

Reste la question des circonstances exceptionnelles, pendant lesquelles il serait possible de s'écarter de la trajectoire. Aucun texte n'en donne une définition précise. Il reviendra au Haut conseil des finances publiques que nous allons créer de forger sa doctrine. Nous débattrons d'ailleurs afin de déterminer quelle marge de manœuvre il faudra lui laisser pour qu'il ne porte pas « atteinte aux prérogatives politiques des autorités budgétaires », selon l'expression de la Commission européenne.

En résumé, la règle de solde structurel est plus souple qu'auparavant et économiquement plus pertinente que la règle de solde effectif du pacte de stabilité.

J'évoque rapidement une deuxième règle, qui figure également déjà dans le pacte de stabilité : la règle de dette. Les États devront réduire de un vingtième par an l'écart entre leur ratio dette sur PIB et le seuil de 60 %. M. le ministre en a parlé à l'instant ; je serai donc très bref.

Cette règle, on l'a vu, donne lieu dans la presse à beaucoup d'interprétations alarmistes et erronées. Certains y voient l'obligation de dégager des excédents budgétaires pour réduire le stock de dette. Il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de réduire le ratio dette sur PIB. Par conséquent, compte tenu de la croissance du PIB, il est possible – cela s'est produit, et même assez fréquemment, dans le passé – que le ratio diminue alors même que le stock de dette continue d'augmenter. Si la France s'en tient à la programmation proposée par le Gouvernement, elle respectera sans peine la règle de dette. Que les choses soient claires sur ce point ! Il faut que les ambiguïtés soient levées. Nous nous sommes expliqués sur le sujet hier en commission des finances, et les précisions figurent dans le rapport.

Au terme du deuxième grand axe de mon intervention, je pense avoir démontré que les règles que nous nous apprêtons à approuver – je rappelle qu'elles existent déjà dans le droit communautaire, sous une version plus rigide – ne plongeront pas l'Europe dans une austérité accentuée. Elles pourraient même contribuer à améliorer sinon la rédaction, du moins la pratique du pacte de stabilité. Je rejoins en cela ce qui a été indiqué par M. le ministre.

J'en viens à ma troisième grande question : que se passerait-il si la France ne ratifiait pas le TSCG ? §

D'un point de vue juridique, le traité entrerait en vigueur, mais sans la France. En effet, il suffit que douze États de la zone euro l'aient ratifié pour qu'il s'applique à ces seuls pays. En l'occurrence, le chiffre des douze États est déjà atteint.

D'un point de vue politique, la France perdrait beaucoup de sa crédibilité. En effet, comme nous le savons, la BCE s'est engagée dans une politique de soutien aux États sur le fondement d'engagements clairs de ces derniers à mettre de l'ordre dans leurs finances publiques. Le rejet du traité par la France romprait le fragile équilibre ainsi trouvé.

Surtout, nos partenaires, qui ont accepté d'échafauder avant l'été le « pacte de croissance et d'emploi », à la demande insistante de la France notamment, afin d'équilibrer discipline budgétaire et politique de croissance, se sentiraient floués si l'un des deux piliers était aujourd'hui démoli.

Enfin, d'un point de vue économique, il est craindre qu'un rejet par la France d'un traité contenant des règles plus souples que celles du pacte de stabilité ne soit perçu de l'extérieur comme le refus de toute discipline budgétaire.

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