Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 11 octobre 2012 à 9h45
Traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire — Article unique

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Pour reprendre la formule de Joseph Stiglitz, qui n'est pas vraiment un économiste débutant, je dirai que les responsables politiques et financiers européens se sont contentés jusqu'à présent de « déplacer les fauteuils sur le pont du Titanic ». Ils continuent.

Les majorités politiques peuvent changer, la récession s'installer, le chômage exploser, les extrêmes droites prospérer partout en Europe, les pilotes du Titanic européen gardent le cap.

Après une loi constitutionnelle budgétaire en juillet 2011, la modification du traité de Lisbonne permettant la pérennisation d'un mécanisme dit de « stabilité financière » et la ratification du traité Merkel-Sarkozy qui le crée, en février 2012, nous sommes donc invités, cet après-midi, à autoriser la ratification du TSCG, en souscrivant aux conditions allemandes, avant de transformer, demain, les contraintes budgétaires qu'il implique en loi constitutionnelle.

Une fois ses fauteuils redisposés, le Titanic cessera-t-il pour autant de se diriger vers son iceberg ? Évidemment non !

Contrairement à ce que souffle la pensée unique, l'origine de la crise de l'euro n'est pas à trouver dans la prodigalité des gouvernements, même pas celui de la Grèce. La taille de cette économie, 8 % seulement du PIB de la zone euro, l'en rend bien incapable. À la veille de la crise, l'Espagne et l'Irlande présentaient des budgets excédentaires et un niveau d'endettement qui faisaient l'admiration des « experts ». Entre la création de l'euro et 2007, la dette des pays du GIPSI – Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Italie – en pourcentage du PIB a régulièrement baissé.

L'origine de la crise, Jean-Pierre Chevènement l'a évoqué ce matin, se trouve dans le déséquilibre des comptes entre l'Allemagne et la plupart des autres pays européens, particulièrement ceux du Sud. Elle est dans leur boom économique, boom dopé par l'immobilier et l'afflux de capitaux allemands et français. Des taux d'intérêts supérieurs à ceux pratiqués en Allemagne et en France, sans risque de dévaluation puisque l'on restait dans la zone euro, et des perspectives de développement jugées considérables par les « experts » : quelle aubaine !

Résultat : hausse des salaires et des revenus dans ces pays, baisse de leur compétitivité. Quasi inexistant à la création de l'euro, le déficit de leurs comptes avec l'Allemagne est ainsi devenu, de manière symétrique, le pendant exact de l'excédent allemand. Il faudra bien admettre un jour que les déficits intra-européens sont les excédents allemands et que toutes les balances intra-européennes ne peuvent être excédentaires en même temps. La prédication sur la compétitivité est donc parfaitement creuse.

La crise financière importée des États-Unis n'a finalement été que le déclencheur d'une catastrophe financière latente, qui a surpris des dirigeants européens quasiment désarmés pour y faire face. Désarmés parce que, pour sauver les banques, les États s'étaient considérablement endettés – voilà où sont passés les excédents ! Désarmés parce que les traités interdisaient à la BCE de financer directement des États réduits au statut d'entreprises ordinaires.

Si l'on veut sortir de la crise, c'est par là qu'il faut commencer. Plutôt que de bricoler un sous-FMI européen, ne disposant même pas des capacités d'une grande banque commerciale, il faut créer une vraie banque centrale européenne, une BCE capable de monétiser la dette souveraine et de relancer la machine économique. Or c'est le contraire que l'on s'obstine à faire, années après années.

Même emballé dans le papier de soie d'un plan de relance fait pour la galerie – il ne représentera que 0, 5 % du PIB européen sur trois ans et ce taux était déjà dans les tiroirs – le traité Merkel-Sarkozy reste un traité Merkel-Sarkozy. Une erreur reste une erreur, et l'organisation de la récession en Europe, une faute.

Ce n'est certainement pas suffisant pour que je change d'avis et vote aujourd'hui en faveur de ce à quoi je me suis toujours opposé hier. §

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