Je voudrais me concentrer sur le mécanisme de surveillance unique (MSU) actuellement en négociation au Conseil et au Parlement. Nous considérons que cette proposition constitue une contribution importante à la résolution de la crise de la zone euro. Nous estimons que la supervision nationale a montré ses limites et nous avons besoin d'une supervision supranationale pour rétablir la confiance dans la solidité du système bancaire de la zone euro. Nous devons la rétablir entre les banques, entre les banques et les investisseurs ou encore entre autorités nationales et entre Etats membres.
Depuis quelques années, on observe une défiance forte à l'égard des superviseurs nationaux et une tendance à la désintégration du marché financier européen. Pour contrer ce repli national, il nous paraît indispensable d'adapter la gouvernance du contrôle du système bancaire aux objectifs qui sont les nôtres, à savoir la consolidation de la zone euro.
Nous pensons que l'établissement d'un superviseur unique, au moins au sein de la zone euro, est nécessaire pour préparer les prochaines étapes de l'Union bancaire. Elle commence avec la supervision unique - c'est ainsi que l'a présenté le sommet de la zone euro du 29 juin - mais, évidemment, il faudra aller au-delà. Avec le MSU, nous espérons rétablir la confiance entre autorités nationales. Une fois cette étape achevée, il sera possible de finaliser l'Union bancaire avec, d'une part, la recapitalisation directe des banques par le MES, et, d'autre part, avec la mise en place d'arrangements communs dans le domaine de la résolution bancaire. Ce faisant, nous espérons contribuer à l'achèvement de l'UEM. Un autre pendant de cet effort consiste à aller vers davantage d'intégration dans le domaine budgétaire.
Je voudrais expliciter quelques éléments dans la proposition de la Commission. Tout d'abord, nous ne proposons pas de faire basculer la supervision des banques du niveau national vers le niveau européen. Nous entendons créer un système intégré dans lequel la BCE et les autorités nationales coopèreront afin d'assurer une meilleure supervision au sein de la zone euro. Ce n'est pas un basculement de souveraineté : il s'agit de permettre aux superviseurs nationaux, représentés au niveau de la BCE, d'exprimer leur souveraineté de façon différente, à la fois plus européenne et plus collégiale. Les modalités de cette articulation entre les tâches relevant de la BCE et du niveau national doivent encore être précisées. Cette notion de système intégré, dans lequel le centre et la périphérie coopèrent étroitement afin de bien superviser le système bancaire, nous semble tout à fait clef.
Dans ce cadre, il nous paraît également essentiel que la BCE ait la compétence exclusive pour superviser toutes les banques de la zone euro. Nous entendons éviter un système dual dans lequel la BCE aurait une compétence exclusive pour seulement quelques très grandes banques. Un tel système serait, selon nous, un facteur d'instabilité et, au surplus, il est très difficile de définir ex ante ce qui est systémique de ce qui ne l'est pas.
Nous avons décidé de confier la responsabilité de la supervision à la BCE. Il y avait d'autres possibilités telle que l'ABE, établie à Londres, qui a fait un excellent travail depuis le début de l'année 2011. Nous aurions pu envisager la création d'un nouvel organisme ad hoc. Nous avons retenu la BCE, car tel semblait le souhait des chefs d'Etats et de gouvernements, mais aussi car nous entendons nous reposer sur sa force, sa crédibilité et son expertise. C'est le modèle le plus efficace permettant de mettre rapidement sur pied le MSU dont nous avons besoin.
Nous reconnaissons toutefois que, en confiant cette responsabilité à la BCE, nous nous sommes donné un certain nombre de contraintes. En effet, le traité établit le fonctionnement de la BCE, et, en particulier, elle ne peut prendre des décisions juridiquement contraignantes qu'à l'intérieur de la zone euro et l'organe de décision principal de la BCE est le Conseil des gouverneurs. Il devra donc être à la fois responsable de la conduite de la supervision et de la politique monétaire.
La proposition essaye de trouver des solutions à ces deux contraintes. S'agissant du champ d'application géographique, nous souhaitons le champ le plus large possible. L'Union bancaire est indispensable pour la zone euro mais elle est aussi très nécessaire pour le Marché intérieur dans son ensemble. Les pays hors zone euro pourront s'intégrer au MSU. Toutefois, compte tenu du traité, il ne sera pas possible qu'ils disposent d'un droit de vote au Conseil des gouverneurs. Nous continuons de travailler à ce sujet.
Nous connaissons les conflits d'intérêts pouvant exister entre supervision et politique monétaire. Nous proposons donc la création d'un conseil de supervision qui devra assumer l'essentiel des tâches attribuées à la BCE dans le domaine de la supervision afin de dégager le plus possible le Conseil des gouverneurs de cette responsabilité. Pour autant, la responsabilité ultime des décisions devront être prises par le Conseil des gouverneurs tant qu'aucune modification du traité ne sera intervenue.
Dans les négociations en cours, la première priorité de la Commission est de tenir le calendrier fixé par les chefs d'Etats et de gouvernements en juin, à savoir l'adoption de cette proposition d'ici la fin de l'année. Nous pensons que c'est possible. Les sujets ne sont pas très compliqués, nous avons besoin de volonté politique, qui a déjà été démontrée par le sommet de la zone euro. Nous devons poursuivre sur cette route.
Il est vital que le système commence à opérer dès janvier 2013. Ce serait un très mauvais signal si nous étions encore, en mars 2013, en train de négocier ce texte, repoussant à une date plus tardive son entrée en vigueur. Il faut tenir le calendrier afin de démontrer que les autorités politiques sont déterminées à sortir la zone euro de sa crise.
Nous sommes conscients que la BCE s'organise avec les autorités nationales. Elle ne doit pas et ne peut pas tout faire à partir de Francfort. Il est possible que des banques de taille petite ou moyenne soient laissées à la responsabilité première des autorités nationales. Pour nous, il est toutefois très important que la responsabilité ultime reste dans les mains de la BCE.
Enfin, notre troisième priorité est la préservation du marché intérieur. Il est difficile d'organiser une supervision intégrée sous l'égide de la BCE pour les 27 Etats de l'Union européenne et nous le regrettons. Certains pays, de toutes façons, ne souhaitent pas y participer. En tout état de cause, il est primordial que cette supervision intégrée ne crée pas un fossé, au sein du marché intérieur, entre pays dans et hors de la zone euro. C'est pourquoi, il est très important de maintenir l'ABE, qui devra peut-être être renforcée. Elle doit absolument aboutir sur l'établissement d'un corps de règles unique qui s'appliqueront à tous les pays et à toutes les banques de l'Union européenne. Il est donc vital de conclure rapidement les négociations en cours que ce soit en matière prudentielle, de résolution ou de protection des déposants.