Intervention de Jézabel Couppey-Soubeyran

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 octobre 2012 : 1ère réunion
Table ronde sur l'union bancaire

Jézabel Couppey-Soubeyran, conseiller scientifique au Conseil d'analyse économique :

Il est nécessaire d'instaurer une Union bancaire, ou plus précisément un système européen de supervision. L'Europe s'est trop concentrée sur la stabilité monétaire et pas assez sur la stabilité financière. Or la crise a montré le danger d'une séparation entre la surveillance monétaire et la surveillance financière. Par exemple, au début des années 2000, la BCE, superviseur monétaire, a pu maintenir des taux d'intérêt très bas car elle avait les yeux rivés sur l'inflation, qui n'augmentait pas, sans prendre en considération les évolutions sur les marchés financiers. C'est pourquoi il est urgent d'abandonner la séparation entre les deux objectifs de stabilité monétaire d'une part et de stabilité financière d'autre part. Certes, des conflits peuvent exister, mais ils ne se manifestent qu'en période de crise, lorsque les banques centrales, de toute façon, sont contraintes d'intervenir comme prêteurs en dernier ressort.

Chaque objectif doit avoir son instrument. Il ne s'agit pas de remettre en cause le taux d'intérêt comme instrument de l'objectif de stabilité monétaire, mais l'objectif de stabilité financière doit avoir également son ou ses instruments propres. Au début des années 2000, il aurait fallu agir sur le front de la stabilité financière, mais un relèvement du taux d'intérêt aurait semblé incongru au vu du taux d'inflation et de la conjoncture économique.

Le problème se situe dans le niveau d'implication des banques centrales dans l'objectif de stabilité financière. La banque centrale n'est pas, par nature, un bon superviseur micro-prudentiel. Certes, il arrive qu'elle endosse ce rôle, notamment dans les pays en développement ou les pays du Sud de l'Europe, dont les moyens humains et budgétaires sont limités. Mais, lorsqu'elle exerce ce rôle de superviseur micro-prudentiel, la banque centrale a un champ, sauf exception, limité au seul secteur bancaire. Le dispositif reste donc sectoriel alors que les activités financières s'étendent au-delà du seul secteur bancaire.

Dès lors, la proposition de la Commission européenne consiste à confier à la banque centrale une mission qui, d'une part, n'est pas dans sa culture et que, d'autre part, elle ne peut exercer que de façon sectorielle, donc limitée. Elle le fait cependant, car la BCE est la seule institution européenne crédible en matière bancaire. On peut regretter, à cet égard, que l'on déconstruise ce que l'on avait commencé à mettre en place depuis 2010 à travers les autorités européennes, l'Autorité bancaire européenne, l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles et l'Autorité européenne des marchés financiers. L'ABE n'a eu ni le temps ni les moyens de trouver sa place institutionnelle. Elle n'en a pas eu le temps, dans la mesure où elle aurait dû être instaurée dès la création de l'Eurosystème. Elle n'en a pas eu les moyens, dans la mesure où elle a fonctionné en 2011 avec un budget de seulement 20 millions d'euros, soit huit fois moins que le budget de l'ACP française, qui est, certes, multisectorielle.

Toutefois, je considère que la banque centrale doit s'impliquer dans la stabilité financière. D'une part, elle doit être proche du superviseur micro-prudentiel, avec qui elle doit entretenir des échanges d'information quotidiens. D'autre part et surtout, la banque centrale doit endosser le rôle de superviseur macro-prudentiel. A cet égard, on peut craindre qu'en confiant la supervision micro-prudentielle à la BCE, on ne retarde ou n'ajourne sa mission de surveillance macro-prudentielle qui aujourd'hui, malgré la création du Comité européen du risque systémique (CERS), est dépourvue de moyens et d'objectifs.

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