S'agissant du calendrier d'examen de cette proposition de loi, il a été modifié en raison de la conférence des Nations Unies sur la biodiversité qui se tient la semaine prochaine en Inde. Accompagnée de parlementaires, j'y représenterai la France, ce qui rend nécessaire le report de la discussion d'un texte à laquelle je tiens à participer.
Je tiens en premier lieu à rappeler ici le soutien du Gouvernement à la proposition de loi de François Brottes et au principe d'une tarification progressive de l'énergie. Cela constitue un encouragement à une consommation sobre et efficace. Ce texte rejoint donc les grandes orientations du Gouvernement en matière de transition énergétique. Comme vous le savez, un débat national sur ce thème sera prochainement ouvert et débouchera sur un projet de loi de programmation dont les priorités correspondent aux engagements pris par le Président de la République qui portent sur le mix électrique et, plus largement, le mix énergétique. La conférence environnementale qui s'est réunie les 14 et 15 septembre 2012 a dégagé deux axes majeurs de notre politique : le développement massif des énergies renouvelables, ainsi que la priorité à l'efficacité et à la sobriété énergétiques. Parallèlement à la proposition de loi que vous allez examiner, est ainsi prévue la mise en place d'un plan de rénovation thermique des logements anciens. Nous visons la rénovation de 500 000 logements anciens par an. Il s'agit d'une politique vertueuse sur un plan écologique, mais aussi social, puisque cela allègera la facture énergétique des nombreux ménages dont les logements sont des « passoires thermiques ». Enfin, cet effort aura un impact très positif sur l'activité économique et sur l'emploi dans le bâtiment. J'aurai l'occasion avec Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, de présenter, d'ici à janvier prochain, les modalités de déploiement de ce service public de la rénovation thermique des logements anciens. Nous voulons aboutir à un guichet unique, recentrer toutes les aides existantes, notamment l'éco PTZ et la Convention intégrée de développement durable (CIDD), et renforcer les moyens de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) en fléchant vers elle les financements tirés du marché des émissions de CO2 et de la rente des quotas.
La principale innovation de la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre est d'instaurer un système de bonus-malus afin de rémunérer les « négawatts », c'est-à-dire les économies de consommation réalisées. Ce sera un signal incitatif pour nos concitoyens. Ce n'est certes pas une idée totalement nouvelle puisque, lors de l'examen du projet de loi renforçant les droits, l'information et la protection des consommateurs, en décembre 2011, le Sénat avait adopté, à l'initiative de son rapporteur, M. Alain Fauconnier, une disposition allant dans le sens d'une tarification progressive de l'énergie. Toutefois, le dispositif retenu par François Brottes est différent. Il évite de modifier le tarif règlementé en tant que tel et de revenir sur les dispositions de la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'énergie et les règles européennes en la matière. J'y insiste : le système de bonus-malus retenu peut fonctionner sans remettre en cause les règles de la tarification énergétique et, en particulier, la péréquation tarifaire. On aura simplement une ligne supplémentaire dans la facture de chaque usager, qui lui permettra de surveiller l'évolution et le niveau de sa consommation.
Le dispositif de la proposition de loi concerne dans leur ensemble les énergies de réseau. Je rappelle à cet égard que 80 % des logements sont aujourd'hui chauffés à l'électricité ou au gaz. Le bonus-malus sera calculé en fonction d'un volume de référence établi à partir de trois critères : le nombre d'occupants du logement, la zone climatique où il se situe et le mode de chauffage. L'Assemblée nationale a ajouté le critère de l'âge. Tous ces paramètres seront précisés par le pouvoir règlementaire. La collecte des données sera adossée à la procédure de déclaration d'impôt sur le revenu et toutes les précautions ont été prises afin d'assurer la protection des données et le respect de la vie privée. Comme je l'ai indiqué, le bonus-malus fera l'objet d'une mention distincte sur les factures. Enfin, je précise qu'il s'agit d'un dispositif universel qui s'appliquera également, mais de manière adaptée, aux personnes qui bénéficient des tarifs sociaux de l'énergie : j'y reviendrai. Afin de bien évaluer l'impact de cette réforme sur les consommateurs et de prendre le temps nécessaire à la collecte des données, il est prévu une entrée en application au début de l'année 2014.
La proposition de loi de François Brottes comprend une deuxième grande priorité : l'extension du champ des bénéficiaires des tarifs sociaux. Huit millions de Français se trouvent aujourd'hui en situation de précarité énergétique et pourtant seulement un million et demi de foyers bénéficient du tarif social de l'électricité et moins d'un demi million, du tarif social du gaz. Le texte crée donc les bases juridiques qui permettront au Gouvernement, par la voie règlementaire, d'étendre le bénéfice de ces tarifs sociaux à huit millions de personnes. C'est une mesure de justice sociale très attendue. Dans le même ordre d'idées, le texte prévoit la mise en place d'une trêve hivernale dans les coupures de gaz et d'électricité, ce qui rejoint un amendement voté à l'initiative de Mme Evelyne Didier, également lors de l'examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, en décembre 2011.
La proposition de loi procède également à un certain nombre d'adaptations juridiques concernant les pouvoirs du Médiateur de la République et la composition de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Les consommateurs y seront dorénavant représentés. On relève aussi des dispositions importantes en matière d'efficacité énergétique, notamment en vue de favoriser l'effacement diffus et de créer les bases juridiques d'un mécanisme de capacité nécessaire pour gérer une pointe énergétique en hausse de 25 % au cours des dernières années.
Je passe sur un certain nombre de dispositions techniques qui font suite à des questions prioritaires de constitutionnalité et qui touchent aux pouvoirs de la CRE pour en venir aux mesures d'urgence dans le domaine des énergies renouvelables. Les dispositions de la proposition de loi concernent l'éolien, conformément aux annonces du Premier ministre lors de la conférence environnementale. Je ferai trois remarques :
- nous avons aujourd'hui 180 entreprises et 11 000 emplois menacés dans ce secteur. Ils attendent des mesures de simplification administrative. Je précise bien qu'il s'agit de simplification administrative et aucunement de dérèglementation. Les dispositions envisagées mettent simplement fin à un empilement administratif. Il subsistera un outil de planification stratégique à travers les schémas régionaux éoliens et la procédure relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) sera également maintenue pour garantir une étude d'impact et une enquête publique avant toute implantation, de sorte qu'élus locaux et citoyens seront toujours consultés ;
- il faut rapidement apporter une réponse au problème du raccordement des éoliennes off-shore. Des difficultés sur certains territoires pouvaient entraîner des dépenses supplémentaires considérables liées à la nécessité de faire un détour pour procéder au raccordement en souterrain, du fait des contraintes de la loi littorale. Je rappelle d'ailleurs qu'il existe autour de l'éolien off-shore des enjeux industriels substantiels pour notre pays ;
- enfin, se pose la question de l'implantation des éoliennes dans les territoires et départements d'outre-mer. On y produit essentiellement de l'énergie en utilisant des hydrocarbures, alors que l'électricité obtenue à partir de l'éolien est 2,5 fois moins chère, mais cette implantation est rendue très difficile en raison des règles d'urbanisme en vigueur. C'est d'autant plus regrettable que la seule entreprise capable de fabriquer des éoliennes adaptées aux zones tropicales est française.
Je terminerai cette rapide présentation de la proposition de loi en indiquant qu'elle donne une base juridique pour permettre aux collectivités organisatrices des services d'eau et d'assainissement d'expérimenter une tarification progressive et sociale de l'eau, dans le respect de l'autonomie des collectivités territoriales.
Voilà les informations que je souhaitais rappeler en préalable à notre discussion. Je tiens de nouveau à vous exprimer mon regret de ne pouvoir être présente pendant la discussion du texte en commission, le 17 octobre, étant donné que c'est précisément le jour où je serai à Iderabad. Nous trouverons cependant une solution pour que le Gouvernement puisse participer aux travaux de la commission, si vous le souhaitez.