Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 11 octobre 2012 à 9h45
Traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire — Exception d'irrecevabilité

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

« Il n’y a qu’une route vers le bonheur, que cela soit présent à ton esprit dès l’aurore, jour et nuit : c’est de renoncer aux choses qui ne dépendent pas de notre volonté. » Ainsi parlait Épictète !

Hier, le Premier ministre nous a présenté de la même façon notre destin dans l’Europe : en renonçant à ce qui nous reste de liberté financière, celle de décider de notre budget, nous ne nous soumettons ni aux marchés, ni à un quelconque traité, et encore moins à l’Allemagne ; nous affirmons au contraire notre liberté !

Si j’ai bien compris le Premier ministre et divers orateurs de cette matinée, nous serons d’autant plus souverains que nous abdiquerons notre souveraineté volontairement, puisque ce qui arrive ne dépend pas de nous : cela a été scellé à Maastricht. La servitude volontaire est donc la seule liberté possible pour les Européens. C’est stoïque, beau comme l’antique, mais c’est faux !

C’est faux, car l’état de l’Europe ne doit rien à un décret des dieux, mais tout au bricolage des hommes, un bricolage malheureux qui, en nous libérant de l’angoisse du taux de change, nous a livrés à celle du spread. Ce n’est pas bien mieux ! Ce bricolage a régulièrement valu à la zone euro un taux de croissance inférieur à celui des autres pays développés et un taux de chômage supérieur.

C’est faux, car la règle d’or budgétaire n’est pas non plus un décret divin ; c’est un axiome d’une théorie économique archaïque et un choix politique, celui des rentiers contre les actifs et, fatalement, les jeunes.

C’est aussi le choix de l’Europe « postdémocratique », comme l’a éloquemment démontré Jean-Pierre Chevènement tout à l’heure. En démocratie, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum », aux termes de l’article 3 de notre Constitution.

En « postdémocratie », la souveraineté nationale est remise entre les mains de cours des comptes, de hauts conseils des finances publiques – que sais-je encore ! –, tous « indépendants » : des électeurs, évidemment, à défaut de l’être de l’idéologie dominante et de ceux qui les nomment. La souveraineté est remise entre les mains d’une Commission et d’une Cour de justice de l’Union européenne tout aussi indépendantes et démocratiques…

La démocratie, c’est le règlement des affaires publiques par le débat public, argument contre argument. La « postdémocratie », c’est leur règlement à dire d’« experts », à coup d’arguments d’autorité et de lessivage médiatique des cerveaux rendus disponibles.

Un déficit budgétaire maximal de 3 %, ça « sonne économiste », « c’est un bon chiffre », un chiffre qui fait « penser à la Trinité », lâchait récemment – vous l’avez tous lu dans la presse – le fabricant du produit !

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