Cela vaut pour l’ensemble des déficits. Telle est la situation qu’a trouvée ce gouvernement voilà quatre mois, après dix ans d’exercice de la responsabilité gouvernementale par la majorité que vous souteniez à l’époque. La dette a augmenté dans des conditions considérables, vous le savez.
Par conséquent, si humilité il doit y avoir, elle doit consister, pour ceux qui ont laissé cette situation, à ne pas demander des comptes à ceux qui viennent de leur succéder.
Je ne prétends pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ferons mieux. Je vous dis simplement, en toute franchise et sans aucune agressivité, qu’il faut nous laisser le temps d’agir dès lors que chacun sait ce que, vous, vous avez fait.
Les dispositions que nous nous apprêtons à prendre visent à permettre le redressement fiscal dans la justice. Il est normal que les plus aisés, dans un contexte de crise profonde, soient appelés davantage à contribution que ceux qui n’ont rien, à partir du moment où cet effort contributif est accompagné d’un effort de rétablissement de nos comptes au travers d’économies budgétaires.
Qu’il me soit permis de le signaler, ce que nous allons proposer à la délibération de la représentation nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2013 traduit un effort de redressement des comptes plus rude que tout ce qui a pu être présenté auparavant. Comment pouvez-vous dire alors que nous n’avons pas la volonté de rétablir les comptes quand nous posons de tels actes ?
Bien entendu, il faut offrir des perspectives, fixer des objectifs, nourrir une ambition, laquelle doit reposer sur une vision. À mon sens, quand on est proeuropéen, on ne doit pas privilégier le « saut institutionnel » dans le cadre de ce traité : ce serait commettre une grave erreur.
Ce qui compte, c’est le projet pour l’Europe. Je veux vous le redire, celui que nous défendons n’est pas le vôtre. Nous, nous ne visons pas la discipline budgétaire et seulement celle-ci. Nous ne considérons pas le TSCG comme la pierre angulaire de la politique européenne. Nous ne sommes pas prêts à accompagner l’Europe dans des logiques sans cesse plus punitives et plus disciplinaires, sans qu’il y ait aucune perspective qui permette de réenchanter la construction européenne et de donner des objectifs aux peuples.
Si vous votez ce traité en pensant que nous allons mener la politique que vous vous apprêtiez à conduire, vous vous trompez. Je n’aurai pas l’audace de vous conseiller de ne pas le voter, mais sachez que nous prendrons d’autres initiatives pour renforcer la croissance, la solidarité, la mutualisation de la dette, l’intervention de la Banque centrale européenne, l’évolution institutionnelle. Nous le ferons parce qu’il y aura une parole forte de la France, pour défendre un projet de solidarité, où se mêlent politique industrielle, politique sociale, volonté de mutualiser la dette, dès lors que la discipline budgétaire est communément acceptée et mise en œuvre.
Ce projet, ce n’est ni le projet allemand, ni le projet danois, ni le projet espagnol, c’est le projet de l’Europe, auquel nous devons contribuer en étant nous-mêmes.
L’Europe n’a jamais été aussi forte que lorsque les pays se sont parlé librement, franchement, à partir de leurs positions respectives. C’est une vraie différence entre votre positionnement et le nôtre. Nous, nous ne considérons pas que l’axe franco-allemand soit d’autant plus solide que nous précédons les souhaits des Allemands à notre égard, sans même nous être employés à leur dire ce que nous-mêmes attendons d’eux.
Nous avons le droit d’avoir une position différente de nos partenaires. Ce n’est pas grave. Eux-mêmes ont, sur bien des sujets, une position différente de la nôtre. Ce qui compte, à la fin, c’est que soient bâtis des compromis solides.
Or, historiquement, que ce soit sous Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt, François Mitterrand et Helmut Kohl, ou Jacques Chirac et Gerhard Schröder, dès lors que nos deux pays ont accepté de se parler franchement, y compris de leurs désaccords, et que le compromis s’est construit sur autre chose que l’ambiguïté, la relation franco-allemande n’a jamais été aussi forte.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, n’ayez aucune crainte, nous ne mènerons pas votre politique ! Nous avons la nôtre : elle repose sur une vision, une ambition, une volonté.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où se conclut le débat sur cette motion de procédure et que s’ouvre celui sur la suivante, je voulais simplement vous dire que nous aurons, dans les semaines, les mois, les années à venir, d’autres occasions de débattre des questions européennes. À nous de conserver cette qualité d’échanges, ce respect mutuel, pour faire en sorte que l’Europe que nous voulons, qui est très différente de celle qui nous a été laissée, puisse vivre demain !