Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 11 octobre 2012 à 9h45
Traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire — Demande de renvoi à la commission

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Pourtant, pas un mot, pas une virgule, pas un paragraphe n’a été modifié dans le traité annexé à l’article unique. Le changement attendu par les Françaises et les Français se retrouve limité à « tenir la parole » de la France en ratifiant le texte. Sarkozy a coécrit le traité avec Merkel et semble donc nous avoir engagés à le respecter !

Mais que dire du volet de croissance qui figure dans les conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin dernier, un volet de croissance qui justifie que, bon gré mal gré, nous soyons amenés à ratifier le texte qui nous est proposé ?

Je cite ce passage, au demeurant en français dans le texte : les États membres s’attacheront « à promouvoir la croissance et la compétitivité, notamment en s’attaquant aux déséquilibres profonds et en allant plus loin dans les réformes structurelles afin de libérer le potentiel national de croissance, grâce, entre autres, à l’ouverture de la concurrence dans le secteur des entreprises de réseau, à la promotion de l’économie numérique, à l’exploitation du potentiel de l’économie verte, à la suppression des restrictions injustifiées appliquées aux prestataires de services et aux mesures visant à faciliter le démarrage d’une entreprise ».

Au traité budgétaire s’ajoute donc le retour des vieilles lunes libérales des bienfaits de l’ouverture à la concurrence sur les entreprises de réseau, sur les services – on peut dire que Bolkestein est de retour ! –, toutes dispositions dont les zones blanches de l’internet et les territoires enclavés entre deux autoroutes et deux lignes ferroviaires à grande vitesse sont la meilleure démonstration d’efficacité.

N’en déplaise à beaucoup, l’intervention publique dans l’économie n’a jamais constitué un obstacle au plein développement des potentiels de croissance. Bien au contraire pourrions-nous même dire au regard de la situation de quelques pays privés d’opérateurs publics performants en matière d’énergie, de télécommunications, et j’en passe !

Comprenez, mes chers collègues, que le traité de stabilité, pas plus que son appendice fièrement appelé « pacte pour la croissance et l’emploi », qui vise à aller plus loin dans la libéralisation des services et la flexibilité de l’emploi, une flexibilité d’ailleurs encouragée financièrement dans le cadre du pacte lui-même, ne peut décemment qu’appeler nombre d’observations de fond et de forme.

La discussion du projet de loi de ratification est le premier volet d’une tragicomédie en cinq actes qui va nous occuper une bonne partie de l’automne. Elle sera suivie par l’examen du projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, puis du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le tout, évidemment, avant l’épilogue prévisible que constitueront, au cours de l’année 2013, si l’on n’y prend garde, les lois de finances rectificatives ou de redressement occasionnées par le choc récessif des dispositions ici rapidement évoquées.

Comment attendre 0, 8 % de croissance en 2013 après cinq trimestres consécutifs à 0 % ?

Tragicomédie, disais-je, puisque l’on pourrait ainsi résumer le processus futur de confection de nos lois de finances.

Avant le TSCG, nous avions une phase de préparation du budget, marquée, dès avant l’été, par des lettres de cadrage, par des consultations menées avec les partenaires sociaux et les formations politiques, avant que le projet de loi de finances ne soit discuté, débattu, amendé et, finalement, promulgué au terme de la navette parlementaire. Et le Parlement disposait, tout au long de l’année, de pouvoirs de contrôle et d’investigation sur les engagements pris par l’État !

Dans les collectivités territoriales, les conseils municipaux débattaient des orientations budgétaires, puis votaient un budget dès le premier trimestre civil avant de procéder, au terme de la discussion du budget supplémentaire, aux quelques ajustements rendus nécessaires par la situation.

Bien évidemment, au moins depuis une bonne vingtaine d’années et la naissance de l’enveloppe normée des concours, les élus locaux s’inquiètent de connaître l’évolution des choses, notamment des moyens que leur apporteront les dotations de l’État.

Demain, ces équilibres fragiles de la démocratie locale – pour les collectivités territoriales –, de la démocratie sociale – déjà sérieusement entamée mais restant en partie présente dans la gestion de la sécurité sociale – et de la représentation nationale – vote du budget par le Parlement et contrôle de son exécution par celui-ci – vont voler en éclats parce qu’un aréopage d’experts, pompeusement dénommé Haut Conseil des finances publiques, aura déterminé, par avance et au regard de nos engagements internationaux, ce que la loi de finances comme les lois de financement devront comprendre. Il se prononcera également sur ce qu’il conviendra de faire si, d’aventure, la conjoncture économique est si déprimée qu’il importe de procéder à la construction de mesures de redressement des comptes.

Au demeurant, le Haut Conseil ne fera que jouer le rôle sourcilleux de gendarme veillant au respect des règles fixées par le traité européen. Ce collège de docteurs « ès austérité » aura aussi la liberté de partager la facture de redressement entre sous-ensembles du secteur public. On peut imaginer l’affaire !

Supposons que la France soit en décalage de 5 milliards d’euros par rapport à ce qui lui est demandé. Eh bien, j’imagine que le Haut Conseil, agissant par procuration, incitera l’État à trouver 3 milliards d’euros, la sécurité sociale 1, 5 milliard d’euros et les collectivités locales 500 millions d’euros… Voilà qui laissera au Parlement, comme aux assemblées élues dans nos territoires, une seule liberté, celle de fixer les conditions d’administration de la purge !

Je doute que si, d’aventure, la hausse des impôts générée par telle ou telle mesure est supérieure au décalage observé, l’excédent puisse être mobilisé pour répondre aux besoins collectifs. Non, ce sera toujours le même refrain : tout pour réduire le déficit ! Telle est la réalité !

De fait, la motion de renvoi à la commission paraît pleinement justifiée aux yeux du groupe CRC.

Comment peut-on se dispenser de l’avis de la commission des lois, alors même que les principes de libre administration des collectivités territoriales sont clairement remis en cause par la logique interne du traité ?

Comment peut-on se passer d’un avis de la commission des affaires sociales, à compter du moment où les équilibres financiers de la sécurité sociale pourront fort bien être mis en question au travers de mesures aussi populaires que la réduction de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie ou un éventuel report de l’âge de départ à la retraite ?

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