Comment peut-on se dispenser de l’avis de notre commission des affaires économiques, comme de celle du développement durable, alors qu’il est évident que tout effort de redressement des comptes publics passera par une mise en question de crédits affectés ou destinés à notre politique environnementale, à nos choix d’infrastructure ?
Ainsi, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, Aurélie Filippetti, ministre de la culture, a d’ores et déjà annoncé que certains projets d’équipements culturels marqueraient une pause. De même, on parle de la mise en suspens de la réalisation du canal Seine-Nord, liaison fluviale de première importance.
Au moment où l’on parle de redressement, de croissance, il est bien évident que si ces programmes sont interrompus, on est dans la décroissance, dans le sous-emploi !
L’interruption, voire la mise en question de Seine-Nord Europe, ce sont les économies budgétaires d’aujourd’hui qui nous coûtent le développement de l’économie de demain. Elles mettent en cause les infrastructures intermodales déjà en cours de réalisation, les emplois et l’activité qu’elles pourraient générer.
Dans le même ordre d’idées, mon amie Mireille Schurch, sénatrice de l’Allier, m’indiquait récemment que les nécessaires travaux de mise au gabarit de la route nationale 145, la trop tristement célèbre route Centre Europe Atlantique, seraient probablement remis en question.
À partir de ces exemples que d’aucuns qualifieront de simplistes, la question est posée : combien faudra-t-il encore de pertes en vies humaines pour arriver à la mise en sécurité de la N 145 et à une réflexion plus globale sur les alternatives à la route, notamment le développement indispensable du fret ferroviaire dans le cœur de notre pays par trop enclavé encore ?
Vous le voyez, ce débat sur le traité budgétaire n’est pas qu’une affaire d’indices statistiques. Le traité budgétaire a et aura, mes chers collègues, dans tous les cas de figure, une traduction concrète, au plus près des territoires que nous représentons et des citoyens qui nous confient l’honneur de parler ici en leur nom. Le projet de loi de finances pour 2013, pour ne donner qu’un exemple, transpire dans tous ses articles, dans son architecture générale, dans ses objectifs et finalités, la logique du traité.
Augmenter les impôts, contenir les créations d’emplois budgétaires, geler ou réduire la dépense publique, procéder, au besoin, aux transferts de compétences et de charges en direction des collectivités locales ou de la sécurité sociale, tout concourt et concourra – dans le cadre de la loi de programmation – à répondre aux objectifs du traité.
Je ne peux manquer de souligner ici que la mise en œuvre du traité budgétaire souffrira de plusieurs obstacles qui auraient mérité autre chose que la consultation parlementaire qui nous est proposée.
Ainsi, il va bien falloir, mes chers collègues, qu’Eurostat, sur la foi des éléments fournis par les différents signataires du traité, nous dise exactement ce qu’est le déficit structurel du budget de l’État et ce que serait son déficit conjoncturel. En disant cela, je rejoins M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances, qui s’est exprimé récemment sur le sujet en commission.
Si la définition du déficit structurel est arrêtée, qu’on nous la fournisse au plus tôt, monsieur le ministre, ne serait-ce que pour ceux qui l’auraient oubliée. Tous les pays de l’Union n’ont pas le même aménagement du territoire, la même structure économique, la même situation démographique, autant d’éléments constituants de la société propre à chaque nation. Les différences de taux d’activité féminine sont déjà, pour ne donner qu’un exemple, un aspect structurant des économies et sociétés des pays européens.
Un économiste comme Benoît Cœuré, ancien de l’INSEE, ancien directeur de l’Agence France Trésor et aujourd’hui membre du directoire de la BCE, avait lui-même conclu, dans une étude publiée en 1998, que la notion de déficit structurel ne pouvait être définie avec précision et qu’il convenait même de s’en garder. Tout simplement parce que les paramètres qui servent à le déterminer, notamment la distinction entre croissance du PIB et PIB potentiel, c’est-à-dire l’écart de PIB, sont d’un maniement complexe pour définir toute politique économique.
Les membres de mon groupe et moi-même sommes toutefois persuadés de quelque chose : quarante ans de dérégulation financière renforcée, quarante ans de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux grandes entreprises, quarante ans de prise en charge par les deniers publics des désordres du marché ont largement contribué à la situation actuelle.
L’armée industrielle de réserve que constituent 3 millions de chômeurs à temps plein et 2 autres millions à temps partiel montre clairement où est l’origine du déficit des comptes publics.