Au nom de quoi ? Au nom d'une conception philosophique ou religieuse du statut de l'embryon.
Ceux qui prônent l'interdiction estiment que l'embryon est un être en devenir, et qu'à ce titre la recherche sur les cellules souches embryonnaires porte atteinte à la dignité humaine. Toutefois, dans ce cas, il fallait interdire complètement ces recherches : pourquoi les avoir assorties de dérogations ? Il y a là une logique qui m'échappe !
Par ailleurs, si l'embryon est une personne humaine potentielle, la seule potentialité ne suffit pas à constituer une personne humaine. Comme le rappelle notre collègue Gilbert Barbier dans son rapport, « [le] potentiel de vie [de l'embryon] n'existe pas en soi […] [Il] dépend de la nature et du projet du couple qui l'a conçu ou pour lequel il a été conçu. »
Qui plus est, les embryons concernés par la recherche sont conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation et ne font plus l'objet d'un projet parental. Autrement dit, ils seront détruits.
À l'époque, on nous a également objecté qu'il existait une solution alternative plus respectueuse de l'embryon : les cellules souches pluripotentes induites, les IPS, découvertes par le professeur Yamanaka, qui vient d'ailleurs de recevoir le prix Nobel de médecine. Ces cellules souches sont obtenues à partir de cellules adultes génétiquement reprogrammées pour se comporter comme une cellule souche embryonnaire. Si ces travaux ont indéniablement constitué une extraordinaire avancée scientifique, il est encore nécessaire de travailler en parallèle sur ces deux types de cellules, qui sont complémentaires.
En 2004, le manque de recul dont nous disposions pouvait expliquer le choix d'un régime d'interdiction avec dérogation. À l'époque, c'était surtout le moyen pour le législateur de surmonter un dilemme moral.
En revanche, je ne comprends pas la position choisie il y a un peu plus d'un an, d'autant que la disposition adoptée est bien plus restrictive que celle de 2004.