Ainsi, la nouvelle rédaction de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique prévoit que les chercheurs doivent expressément apporter la preuve qu'il leur est impossible de parvenir autrement au résultat escompté.
En d'autres termes, les scientifiques devront explorer toutes les hypothèses alternatives, même les moins vraisemblables, pour obtenir une autorisation. Ce nouveau dispositif est particulièrement ambigu et, surtout, impossible à mettre en œuvre. §
Nous avons cautionné l'immobilisme souhaité par le gouvernement d'alors : ignorant les propositions suggérées par la plupart des instances consultatives et les chercheurs eux-mêmes, nous avons opté pour une révision a minima. Nous n'avons pas été à la hauteur des enjeux !
Pourtant depuis quelques années déjà, de nombreux rapports nous invitaient à modifier la législation pour faciliter le progrès de la science et de la médecine, tout en garantissant le respect des principes éthiques fondamentaux.
Ainsi, dans son bilan de l'application des lois de bioéthique remis au ministre chargé de la santé en octobre 2008, l'Agence de la biomédecine craignait que le régime d'interdiction ne bloque des projets fondamentaux permettant des avancées thérapeutiques et préconisait un régime d'autorisation pérenne.
Dans son rapport sur la révision des lois de bioéthique de mai 2009, le Conseil d'État proposait également de substituer au régime actuel d'interdiction assorti de dérogation, un régime permanent d'autorisation encadré par des conditions strictes.
C'est également la position de l'Académie nationale de médecine, qui estime depuis très longtemps qu'il serait inadéquat et même dangereux qu'une interdiction de principe soit maintenue au nom d'un antagonisme entre recherche et protection de la vie.
Plus récemment, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, l'OPECST, a rappelé qu'un tel régime était nuisible à la recherche en France et qu'il stigmatisait les chercheurs. Il a largement plaidé pour la levée du moratoire et la suppression de l'interdiction au profit d'un régime d'autorisation encadrée, plus adapté à la réalité scientifique et tout aussi protecteur de l'embryon.
Pourquoi avoir refusé de prendre en compte les avis de ces différentes instances ?
Le maintien d'un régime d'interdiction fragilise la position de la France au sein de la communauté internationale. Notre législation est, en effet, l'une des plus restrictives au monde. Elle handicape sérieusement les scientifiques et décourage les investisseurs étrangers. Pendant ce temps, dans plusieurs pays européens, aux États-Unis, au Japon, en Israël, au Canada, en Australie, la recherche progresse à grands pas. Face à cette concurrence, nous prenons beaucoup de retard et le risque est grand de ne jamais le rattraper.
Pourtant, sur le plan scientifique, il ne fait guère de doute que les recherches sur les cellules souches embryonnaires sont porteuses de grands espoirs. Ces cellules, dites « pluripotentes » proviennent de l'embryon humain au tout premier stade de son développement. Elles peuvent se répliquer indéfiniment et se différencier en plusieurs types de tissus. Au cours du développement, elles ont vocation à former tous les tissus de l'organisme. Contrairement aux cellules souches adultes, dont l'efficacité s'est révélée limitée, le potentiel thérapeutique des cellules souches embryonnaires est immense.
Un des enjeux majeurs de ces cellules est la thérapie cellulaire, que l'on appelle aussi médecine régénératrice. Cette perspective consiste à remplacer des cellules endommagées du fait d'une maladie ou d'un accident. Elle pourrait intervenir dans le traitement des grands brûlés, des leucémies ou des maladies génétiques et neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer ou de Parkinson. Il n'est pas exclu, à terme, que ces cellules puissent un jour se substituer à certaines greffes d'organes.
Les cellules souches embryonnaires devraient également permettre aux chercheurs de connaître des progrès majeurs dans la connaissance et le traitement des maladies génétiques et révolutionner la toxicologie prédictive.
La recherche doit progresser et faciliter le développement de nouvelles thérapeutiques. Nous ne devons pas empêcher les équipes scientifiques et les malades de mettre leurs espoirs dans cette voie nouvelle de la science. Ils ont déjà perdu beaucoup de temps et attendent un signal fort.
C'est l'objectif que cherche à atteindre notre proposition de loi. Nous voulons mettre un terme à l'insécurité juridique et à l'ambiguïté de la loi de 2011, fondée sur une décision absurde, et offrir une meilleure lisibilité de notre législation dans l'intérêt de tous. Je me félicite à ce titre de la position du Président de la République et de celle de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le sujet.
En matière de recherche sur l'embryon, on ne peut pas faire n'importe quoi. C'est là le sens même du mot « éthique ». C'est pourquoi la nouvelle rédaction que nous vous proposons pour l'article L. 2151-5 du code de la santé publique substitue au régime actuel d'interdiction assorti de dérogations, un régime d'autorisation particulièrement encadré. Pour être autorisées, les recherches devront remplir quatre conditions sans lesquelles il ne sera pas possible de mener de recherche. Je rappelle d'ailleurs qu'à partir du moment où d'autres recherches offriront des capacités similaires à celles que présentent des cellules souches embryonnaires, la recherche sur celles-ci sera interdite.
Je tiens enfin à saluer l'excellent travail de notre rapporteur Gilbert Barbier, que je remercie pour les améliorations qu'il a apportées.
Le texte que nous vous proposons d'adopter n'est en aucun cas la remise en cause de la dignité humaine. Il s'agit avant tout de donner à nos scientifiques la possibilité de faire progresser la recherche médicale et de sauver des vies. §