Intervention de Geneviève Fioraso

Réunion du 15 octobre 2012 à 22h45
Recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Geneviève Fioraso  :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, madame la sénatrice Françoise Laborde, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse d'être parmi vous ce soir pour discuter de cette proposition de loi relative à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines.

Nous sommes aujourd'hui à un tournant important, non seulement pour la recherche et la communauté scientifique, mais aussi pour les patients et l'ensemble des citoyens.

Il nous revient de traiter ce sujet avec le sérieux, la rigueur et toute la probité intellectuelle et morale qu'il mérite. Aussi, permettez-moi, après la présentation de la proposition de loi et de votre rapport, de replacer ce texte dans une perspective historique et scientifique.

J'aborderai tout d'abord le contexte historique.

Les avancées de la recherche dans la seconde moitié du XXe siècle ont rendu possible avec la fécondation in vitro, la FIV, développée dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation, l'AMP, pour pallier la stérilité d'un couple, de produire un embryon commençant à se développer, pendant quelques jours, dans un tube à essai, in vitro, en dehors du corps de sa mère, et avant son implantation dans le corps de sa mère.

Cette dissociation, à la fois dans l'espace et dans le temps, allait conduire, en 1978, en Grande-Bretagne, à la naissance de Louise Brown, puis, en 1982, en France, à la naissance d'Amandine. Ce sont les interrogations qui ont suivi ce bouleversement dû aux avancées de l'AMP dans notre pays qui ont conduit, au début de l'année 1983, à la création du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

La deuxième avancée est la capacité « technique » de suspendre le cours du développement in vitro au bout de quelques jours par le processus de congélation, ou cryopréservation, faisant aussi disparaître toute notion de limite de temps a priori entre le moment de la fécondation et le moment du début de la grossesse.

Il existe trois cas où ces embryons créés in vitro par AMP ne seront pas transférés dans le corps de la mère.

Il en sera ainsi lorsqu'une anomalie majeure ou une interruption du développement d'un embryon est manifeste in vitro avant l'implantation. Il en sera également ainsi lorsqu'un embryon se révèle porteur, au cours du diagnostic préimplantatoire, le DPI, de la séquence génétique dont la recherche a motivé la réalisation du DPI.

Dans ces deux cas, l'embryon humain est détruit.

Le troisième cas, très différent, qui conduit à ne pas transférer des embryons créés in vitro est la décision de les conserver par cryopréservation, en vue d'un transfert ultérieur. Toutefois si, ultérieurement, ces embryons cessent d'être inscrits dans le projet parental du couple qui a été à l'origine de leur création, se pose la question de l'arrêt de leur conservation, autrement dit la question de leur destruction.

C'est dans cette situation, c'est-à-dire en cas d'abandon du projet parental ou si le projet ne peut être satisfait pour des raisons médicales liées à l'embryon produit in vitro, que la question de la mise à la disposition de cet embryon pour la recherche est possible. La proposition de loi que nous discutons ce soir s'inscrit totalement dans ce contexte. De plus, la mise à la disposition de l'embryon pour la recherche n'est possible qu'après information du couple et obtention du consentement de celui-ci.

Venons-en au contexte scientifique.

L'embryon humain apparaît tout d'abord sous la forme d'une seule cellule, née de la fusion de deux cellules, un ovocyte et un spermatozoïde. Puis, cette cellule va donner naissance à de nouvelles cellules, et chacune des premières générations de cellules dites « totipotentes », qui constituent l'embryon, vont conserver une capacité, si on les isole de leurs voisines, de donner, à elles seules, naissance à un nouvel embryon. À mesure qu'elles vont donner naissance à de nouvelles cellules, elles vont perdre cette potentialité, et une frontière apparaîtra entre l'embryon en tant que tel et chacune des cellules qui le composent.

C'est en 1998, vingt ans après la naissance de Louise Brown, que sera posée de manière toute nouvelle la question de la possibilité et de l'intérêt scientifique de réaliser des recherches sur des cellules souches issues d'embryons humains qui seraient autrement destinés à être détruits.

Des travaux de recherche indiquaient alors que les cellules souches embryonnaires humaines pouvaient être isolées et cultivées in vitro, se renouveler in vitro, et donner naissance in vitro, en fonction de l'environnement qu'on leur fournit, à la quasi-totalité, voire à la totalité, des plus de deux cents familles différentes de cellules qui composent le corps humain adulte.

Ainsi, de manière schématique, une cellule souche est une cellule dotée à la fois d'une grande capacité de renouvellement d'elle-même et d'une grande plasticité, c'est-à-dire une capacité de donner naissance à des cellules différentes.

Pourquoi alors la question de la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires reste-t-elle d'actualité et pourquoi devient-il urgent de passer d'un régime d'interdiction avec dérogation à une disposition d'autorisation encadrée ?

Tout d'abord, la proposition de loi que nous examinons ce soir a pour objet de modifier une disposition de la loi de bioéthique de 2011 et vise à autoriser, sous certaines conditions, la recherche sur l'embryon et les cellules souches.

Cette disposition concerne essentiellement la recherche et ne remet pas en cause la philosophie générale de la loi de bioéthique. Il n'est pas dans l'intention du Gouvernement d'aborder ici de manière plus générale les autres dispositions de la loi précitée, ce qui pourrait justifier un débat public auquel le Gouvernement n'aurait évidemment pas l'intention de s'opposer.

Toutefois, le changement prévu dans cette proposition de loi est significatif quant à ses implications pour la recherche et ses retombées potentielles, sur lesquelles je reviendrai. En ce sens, le Gouvernement souhaite que le débat puisse avoir lieu de manière approfondie, et le temps nécessaire devra y être consacré.

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