Cela est bien normal lorsqu'on mesure l'importance de ces recherches sur l'avenir de la santé humaine et ce sur quoi elles portent.
Toutes les conditions sont réunies pour que, demain, aucun scientifique ne puisse se comporter comme un apprenti sorcier.
Je pense notamment, en disant cela, à la règle selon laquelle aucune recherche ne pourra être menée si celle-ci n'est pas pertinente et n'a pas de finalité médicale. Les recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, parce qu'elles portent en quelque sorte sur les prémices de la vie humaine, ne doivent avoir qu'un objectif, faire en sorte que les conclusions auxquelles elles aboutissent profitent à l'humanité tout entière, en apportant des réponses à des patients qui ne bénéficient aujourd'hui d'aucun traitement efficace. Je fais d'ailleurs toute confiance à l'Agence de la biomédecine.
Je pense également à la disposition qui prévoit que la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires doit être non pas une finalité en soit, mais une possibilité offerte à la science à un moment donné. Si, demain, des recherches identiques peuvent être menées sur d'autres modèles, notamment des animaux, alors cette recherche sera privilégiée à la recherche embryonnaire.
J'en viens enfin à une autre condition, qui me paraît être la plus fondamentale, celle de la limitation de la recherche aux seuls embryons surnuméraires et ne faisant plus l'objet d'un projet parental. Beaucoup l'ont déjà dit, à l'instar du généticien Axel Kahn, l'embryon est une potentialité de vie. Certains voient en lui la vie, quand j'y vois pour ma part ses prémices, une possibilité. Bien que ne partageant pas l'avis de mes collègues, je le respecte. D'ailleurs, nous pouvons tous convenir ici, malgré nos différences, que, compte tenu de la singularité de l'embryon, il faut le respecter.
Toutefois ce respect ne doit pas conduire à exclure la recherche. En effet, si le fait de conserver congelé un embryon surnuméraire pendant plusieurs semaines, voire des années, ne lui retire pas sa potentialité biologique de devenir un être humain, il faut encore, pour qu'il le devienne, qu'il fasse l'objet d'un projet parental, c'est-à-dire qu'un couple décide de faire en conscience d'une matière possiblement humaine un enfant. Or les recherches dont il est question ici porteront seulement sur des embryons qui ne font pas l'objet d'un projet parental, c'est-à-dire qui sont voués tôt ou tard à perdre toute potentialité humaine.
Mes chers collègues, cette proposition de loi me semble équilibrée : elle est le garant d'avancées scientifiques tout en maintenant un cadre éthique de nature à protéger les convictions de chacun. Elle pose le principe d'un régime d'autorisation qui, j'en suis convaincu à la lecture du dispositif juridique prévu, contient les conditions suffisantes pour éviter les errements redoutés par certains.
Ce texte permet également, et je sais que, au-delà de nos différences, nous y sommes tous particulièrement attachés, d'empêcher la marchandisation de l'embryon. La loi réaffirme le principe de l'interdiction de la fabrication d'embryons qui n'auraient pas initialement de finalité humaine. Seuls les embryons surnuméraires pourront être utilisés. Il sera donc interdit de fabriquer des embryons comme on fabrique des tissus humains ou des amas de cellules, précisément afin que l'embryon ne soit pas réduit à une structure « chosifiable ».
À cet égard, et parce nous, les membres du groupe CRC partageons pleinement la position de Lucien Sève, philosophe et ancien membre du Comité consultatif national d'éthique, qui affirmait : « La façon de traiter [l'embryon] engage […] inexorablement la façon de traiter l'humanité », nous considérons que, compte tenu des conditions et garanties qui sont posées dans cette proposition de loi, les conditions sont réunies pour permettre le développement d'une recherche profitable aux hommes et respectueuse de l'humanité. Aussi, nous voterons le présent texte. §