Intervention de Pierre Hérisson

Réunion du 15 octobre 2012 à 14h30
Ressortissants de nationalités roumaine et bulgare — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Pierre HérissonPierre Hérisson :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution relative aux ressortissants de nationalités roumaine et bulgare, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, me permet de m’exprimer à cette tribune à un double titre : tout d’abord, au nom, avec mon Pierre Charon, du groupe de l’UMP ; ensuite, comme représentant pour la France depuis 2011 au CAHROM, le comité ad hoc d’experts sur les questions roms au sein du Conseil de l’Europe.

Ce comité, dont on parle malheureusement trop peu à l’échelle nationale, se réunit plusieurs fois par an à Strasbourg et a siégé plus récemment à Istanbul et en Macédoine.

Si les problématiques relatives aux populations roms doivent être abordées sous le prisme de la dignité humaine, il importe avant tout pour nous de répondre à une question précise qui touche au véritable fond du problème : quel avenir pour ces personnes sur le territoire européen dans les conditions actuelles ?

Y répondre ne peut se faire qu’à une seule condition : être à la hauteur du mandat qui est le nôtre, ce qui implique de dépassionner le débat, de l’appréhender loin de la démagogie ambiante et de préciser avec la plus grande rigueur le cadre des problématiques qu’il recouvre.

Il convient dans un premier temps de préciser les termes.

Madame Archimbaud, les populations de nationalités bulgare et roumaine dont vous faites état dans votre proposition de résolution sont communément appelées « Roms ». Dans leurs pays respectifs, elles appartiennent à une minorité ethnique d’origine et y sont constitutionnellement reconnues comme telle. Ce n’est pas le cas en France : notre République, une et indivisible, ne reconnaît pas dans sa Constitution l’existence de minorités ethniques. Dans notre pays, ces populations sont bien souvent considérées comme des gens du voyage. C’est un amalgame qu’il faut absolument éviter, d’autant que les gens du voyage sont citoyens de la République française et bénéficient d’un véritable statut. J’ai d’ailleurs récemment déposé une proposition de loi relative au statut juridique des gens du voyage et à la sauvegarde de leur mode de vie.

Cette précision indispensable établie, je tiens à attirer votre attention sur un constat simple : les Roms passent quotidiennement nos frontières et s’installent là où ils le peuvent, pas toujours là où ils le souhaitent. Ils vivent dans des campements de fortune, faute d’autres solutions. Il s’agit d’un péril humanitaire et social ; sur ce point, nous sommes tous d’accord. Alors, arrêtons de céder aux sirènes de la « bien-pensance » ambiante, selon laquelle il y aurait les vilains persécuteurs de Roms, d’un côté, et les bien-pensants, de l’autre !

Ce sujet complexe, qui mérite plus qu’une seule heure de débat, exige surtout que les élus appréhendent la réalité sans parti pris. Aucun des élus des collectivités que nous sommes et que nous représentons ne peut nier que l’un des premiers problèmes tient au fait que les Roms occupent des campements illégaux. Ce n’est pas le cas des gens du voyage, pour qui les collectivités s’organisent et aménagent des aires de stationnement, respectant en cela une législation contraignante, même s’il reste encore beaucoup à faire sur ce point.

Madame Archimbaud, si elle a le mérite de permettre à la Haute Assemblée de débattre de ce sujet, votre proposition de résolution laisse accroire que les discriminations en France envers les Roms seraient d’ordre ethnique. Je ne peux souscrire à cette allégation. De même, vous n’abordez ce problème que sous le prisme de l’expulsion et de la reconduite à la frontière. Or ce problème comporte deux aspects : la circulation des Roms et l’illégalité de leurs installations, et ce alors même que ces personnes peuvent circuler librement dans l’espace européen, vous l’avez rappelé tout à l’heure.

Sur ce point, chers collègues, à vous qui avez tant critiqué la politique de la majorité précédente, je tiens à faire observer que, depuis le 6 mai dernier, les expulsions des terrains et les reconduites à la frontière n’ont pas cessé. Voilà qui démontre bien – je le dis sans esprit polémique – la difficulté à régler ce problème.

Cet été, plus de 1 500 Roms ont été évacués à travers la France, dont 550 en moins de deux mois dans l’agglomération lyonnaise, même si, il faut le souligner, 95 personnes ont été régularisées sur l’initiative du préfet de région. Le 9 août décollaient deux charters de l’aéroport Saint-Exupéry en direction de Bucarest, avec à leur bord pas moins de 240 Roms.

Dans votre proposition de résolution, madame Archimbaud, vous demandez la levée anticipée des mesures transitoires, qui limitent l’accès au marché de l’emploi de ces ressortissants roumains et bulgares ; c’est bien de cela qu’il s’agit. Avec tout le respect que je vous dois, je vous pose la question : vraiment, est-ce bien réaliste ?

La libre circulation des biens et des personnes, mais aussi des travailleurs, s’inscrit comme l’un des principes fondamentaux de l’Union européenne. Pourtant, la France, tout comme neuf autres États membres, applique des restrictions à l’égard des travailleurs de Roumanie et de Bulgarie. Cette dérogation temporaire prendra fin le 1er janvier 2014, c'est-à-dire dans moins de quinze mois.

Cette période transitoire n’est pas un caprice : elle est nécessaire. Ne pas la considérer comme une période propice à la réflexion risquerait d’aggraver la situation au lieu de la résoudre. En en demandant la levée, vous revenez sur un mécanisme européen adopté et appliqué par nos partenaires.

Sur ce point, il ne s’agit pas de Roms de Bulgarie ou de Roumanie. Il s’agit d’un mécanisme applicable à de futurs ressortissants européens qui pourront d’ailleurs s’inscrire sur les listes électorales pour les élections locales dès 2014. C’est bien là un sujet à propos duquel votre majorité est très active, de la même manière qu’elle participe à la création d’amalgames au détriment des ressortissants étrangers en situation régulière !

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