Comment alors ne pas remercier les auteurs de cette proposition de loi et ceux qui, comme eux, s’étaient intéressés à cette situation, d’avoir voulu trouver des solutions de bon sens à des problèmes souvent inextricables ?
Mes remerciements s’adressent en particulier à Jacques Mézard, à qui je sais gré d’avoir cent fois sur le métier remis son ouvrage et de l’avoir déposé, dans une forme presque parfaite, sur le bureau de la commission des lois. L’expérience qui est la vôtre, monsieur le sénateur, dans ce domaine aussi, justifie à elle seule que vous vous soyez saisi de cet épineux problème. Le département du Cantal compte à lui seul 2 227 biens de section, sur un total de 26 792, selon le recensement de 1999, soit presque un dixième de tous les biens sectionaux concentrés majoritairement dans quelques départements : la Haute-Loire, le Puy-de-Dôme, l’Aveyron, la Creuse, la Lozère et le Lot.
Rien d’étonnant non plus à ce que les parlementaires et les élus de ces départements soient particulièrement sensibles aux problèmes soulevés.
Les problèmes sont nombreux. Ils concernent prioritairement les élus locaux, les communes, les conseils municipaux et ceux que l’on nomme jusqu’à présent les ayants droit – lorsqu’il y en a encore – et qui viennent directement impacter l’aménagement et le développement de l’espace rural. Cadre juridique complexe, imbroglio sans fin en matière de transfert des biens au profit des communes : autant de raisons qui rendaient souhaitable une révision législative.
La décision récente du Conseil constitutionnel que vous avez relevée, messieurs Mézard et Collombat, a été l’élément déterminant pour provoquer la nouvelle réflexion devenue aujourd'hui proposition de loi. « Tournant décisif », avez-vous dit à juste titre à son propos. En effet, aujourd'hui, les membres de la section de commune ne sont pas titulaires d’un droit de propriété sur les biens et droits de la section. Le droit de propriété garanti par la Déclaration de 1789 ne s’oppose pas à ce que le législateur, se fixant un objectif d’intérêt général, autorise le transfert gratuit de biens entre personnes publiques. Le transfert à titre gratuit des biens de section n’est autorisé que pour des motifs imputables aux membres de la section ou à leurs représentants.
Aussi la proposition de loi entend-elle permettre le transfert de biens sectionaux aux communes, soit la communalisation de ces biens, avec une indemnisation des ayants droit pour la perte de jouissance sur les biens concernés.
Actuellement, des dispositions de communalisation existent et permettent d’ores et déjà d’organiser ce transfert, sur demande du conseil municipal et de la commission syndicale ou, si la commission syndicale n’existe pas, sur demande du conseil municipal et de la moitié des électeurs de la section. Les ayants droit reçoivent une indemnité dès lors qu’ils en font la demande. On mesure la difficulté du dispositif, qui prévoit également la possibilité pour la commune d’obtenir le transfert des biens d’une section sans indemnisation des ayants droit lorsque les habitants de la section ne manifestent plus d’intérêt pour le fonctionnement de celle-ci. Or il existe aujourd'hui des ayants droit dont on ignore l’identité.
La présente proposition de loi permet de résoudre, ou du moins d’atténuer l’ensemble de ces problèmes.
Je ne manquerai pas de relever que, durant la précédente législature, M. Jarlier, sénateur du Cantal, avait également déposé une proposition de loi visant à assouplir la gestion des biens sectionaux. Cette proposition de loi visait essentiellement à renforcer les prérogatives des maires et de la commune en la matière. Elle prévoyait notamment d’accorder à la commune un droit d’initiative pour lancer une procédure de délimitation de la section, de renforcer les possibilités pour le conseil municipal de procéder à la vente des biens de section, et d’instaurer une procédure allégée pour communaliser les biens.
Je veux également souligner que plusieurs propositions d’évolution du régime juridique des biens de section ont été élaborées par un groupe de travail composé de représentants du ministère de l’intérieur, des préfectures de six départements – Aveyron, Cantal, Haute-Loire, Lozère, Puy-de-Dôme et Tarn –, du ministère de l’agriculture et de l’Office national des forêts, avec la collaboration d’un conseiller d’État. Le groupe de travail a émis plusieurs propositions, fondées notamment sur le rapport, déjà évoqué, qu’a remis M. Lemoine, inspecteur général de l’administration, en 2003, sur les travaux de l’association des maires du Cantal et sur l’expérience des préfectures concernées. Ces propositions visaient essentiellement à équilibrer les prérogatives entre les différentes autorités compétentes, en favorisant notamment la création d’une commission ad hoc pour gérer la section ou en confiant au préfet le soin de faciliter la communalisation dans un but d’intérêt général.
La proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui est la synthèse de ces différents travaux, auxquels votre commission des lois a souhaité ajouter des éléments de modernisation, de rationalisation et de simplification du fonctionnement des sections de commune. La nouvelle définition de la section de commune, entendue comme une personne morale de droit public jouissant du droit de propriété des biens, opère une clarification, comme M. le rapporteur l’a expliqué. Il en va de même de la suppression de la distinction, difficile à établir, entre électeurs et ayants droit, au profit de la seule notion de membres de la section, qui désigne « les habitants ayant leur domicile réel et fixe » sur le territoire de la section.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des autres dispositions, que nous évoquerons au cours du débat. Je n’ignore pas le travail fin accompli par la commission des lois sur ces sujets.
Je salue le résultat équilibré de toutes ces réflexions. Cette proposition de loi doit permettre, demain, le transfert de biens sectionaux aux communes par la communalisation de ces biens, dans un objectif d’intérêt général, avec une indemnisation des ayants droit pour la perte de jouissance des biens concernés, tout en renforçant les garanties encadrant ce transfert. S’y ajoute l’interdiction de la création de nouvelles sections de commune – comme cela a déjà été souligné, il s’agit d’un point important.
Je ne peux que formuler un vœu : que cette proposition de loi apporte les meilleures réponses à tous ceux, élus ou ayants droit, qui ont été confrontés à des procédures complexes ayant entravé le développement de leurs territoires. Je forme le vœu que, loin de cet abracadabra évoqué par M. le rapporteur, les biens de section deviennent un jour la section dorée, celle qui s’apparente au Beau, à l’harmonie, à la divine proportion.