Intervention de Manuel Valls

Réunion du 16 octobre 2012 à 15h45
Lutte contre le terrorisme — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Manuel Valls, ministre :

Nous souhaitons que ce projet de loi soit un texte de mobilisation : mobilisation de la représentation nationale, bien évidemment, mais surtout mobilisation de toute la société française contre ceux qui cherchent ou chercheraient à lui imposer une volonté qui n'est pas la sienne et qui ne sera jamais la sienne.

Ce projet de loi se veut pragmatique. Il s'appuie sur deux volets : un volet préventif, qui permettra notamment à notre système de renseignement de mieux détecter, identifier, appréhender la menace ; un volet répressif, qui permettra de sanctionner plus efficacement les activités terroristes.

Le volet préventif, contenu dans l'article 1er, consiste en la prorogation des dispositions temporaires de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, dispositions qui, au fil du temps, ont fait la preuve de leur utilité pour les services spécialisés et les magistrats chargés de l'antiterrorisme.

Les contrôles d'identité préventifs dans des gares routières ou ferroviaires et sur des portions de ligne, notamment dans les trains à grande vitesse transfrontaliers, doivent être favorisés.

Les dispositions permettant de ne pas enfermer l'action de contrôle des services de police dans un délai trop court sont source d'efficacité opérationnelle ; elles doivent donc être maintenues. Elles ont notamment permis l'augmentation, je veux le souligner, du nombre de patrouilles mixtes à bord des trains internationaux sur les liaisons ferroviaires avec l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la Suisse et l'Italie. Cela a représenté une avancée très positive, car certaines lignes ferroviaires, par leur caractère symbolique, ont pu constituer ou constituent des cibles d'action pour certains réseaux terroristes.

L'accès préventif des services de renseignement aux données techniques recueillies dans les communications électroniques ou lors de la consultation de sites internet est un autre outil fondamental. Il permet notamment de vérifier ou de recouper de manière continue, y compris dans l'urgence, les informations recueillies à titre préventif. C'est au demeurant ce qui constitue le lot quotidien dans toute activité de renseignement. Ainsi sont accumulés et étayés, ou au contraire écartés, les soupçons portant sur des personnes ou des réseaux potentiellement dangereux.

Cette activité s'effectue sous le contrôle préalable d'une personnalité qualifiée directement subordonnée à une autorité administrative indépendante. Notre modèle garantit la fluidité et la judiciarisation des informations accumulées dès que les faits détectés justifient l'ouverture d'un cadre d'enquête.

L'analyse des données de connexion a ainsi permis, au cours des derniers mois, d'identifier les administrateurs d'un site islamiste dont l'objectif était notamment le recrutement de candidats au djihad. Sur la base des informations recueillies, une procédure judiciaire a pu être ouverte, et le principal administrateur du site a été arrêté et écroué.

Internet, les réseaux sociaux et Twitter sont devenus des lieux de propagation de la haine, des lieux où les propos les plus odieux se diffusent et où les projets les plus ignobles peuvent se préparer. Dans ce domaine, il nous faut être particulièrement mobilisés et savoir apporter les réponses, précises et solides sur le plan juridique, qui conviennent.

Le Gouvernement propose de proroger une dernière fois les dispositions de l'article 6 de la loi du 23 janvier 2006. Je sais que c'est un point auquel vous êtes attentifs. Ce sera la dernière fois, car il me semble désormais opportun de mettre à profit ce nouveau délai pour repenser – le Parlement sera évidemment étroitement associé à la réflexion – l'articulation de ces dispositions avec celles de la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques et faire converger les unes et les autres. Plusieurs amendements ont été déposés à cet effet.

Cette évolution s'inscrira également à la suite du Livre blanc. Celui-ci définira les priorités stratégiques et opérationnelles propres à assurer la sécurité des Français. C'est dans ce cadre renouvelé qu'il faut mener une réflexion sereine et approfondie.

L'accès à certains traitements automatisés administratifs – cartes nationales d'identité, passeports ou encore permis de conduire – permet aux services spécialisés de procéder à de multiples vérifications et de contrôler, par exemple, si un titre d'identité saisi est vrai ou faux. Il permet également, dans une démarche d'anticipation, de suivre les déplacements internationaux de personnes, notamment ceux d'individus suspectés d'islamisme radical. D'une manière plus générale, ces consultations de fichiers participent de l'activité permanente de documentation des services habilités.

Pour être efficace, notre droit doit être clair. C'est pourquoi j'avais proposé la ratification qui aurait permis que le code de la sécurité intérieure acquière valeur législative. La commission des lois du Sénat a estimé qu'elle avait besoin de davantage de temps pour examiner ce code. Je l'entends parfaitement. Le code de la sécurité intérieure fera toutefois l'objet d'un amendement à l'Assemblée nationale.

Le volet préventif vise donc à renforcer, dans la continuité, l'efficacité de la lutte antiterroriste. Il est complété d'un volet répressif.

La législation française en matière de lutte contre le terrorisme est particulièrement complète. Elle comporte toutefois une insuffisance à laquelle seule la loi peut remédier. Il s'agit de poursuivre et de condamner les personnes qui participent à l'étranger à un acte terroriste ou à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste mais qui n'ont commis aucun acte délictueux en France.

Concrètement, cette évolution permettra de poursuivre pénalement – et nous en avons vu toute la nécessité – les ressortissants français qui se rendraient à l'étranger pour y suivre des travaux d'endoctrinement ou pour intégrer des camps d'entraînement. Ces ressortissants français pourront être poursuivis, j'y insiste, alors même qu'ils n'auront pas encore commis d'actes répréhensibles sur le territoire français. C'est une avancée importante, sinon décisive. La neutralisation judiciaire des djihadistes revenant ou tentant de revenir sur notre sol est en effet, j'en suis convaincu, un impératif. Il y a une continuité territoriale de la menace ; il faut donc une continuité territoriale des poursuites.

En matière de répression, ce projet de loi prévoit enfin, à son article 3, d'améliorer nos procédures d'expulsion visant les ressortissants étrangers tenant des discours radicaux ou soutenant le terrorisme. Je veux le répéter pour que les choses soient claires : ceux qui se trouvent sur le territoire de la République avec l'intention de lui nuire doivent être expulsés sans ménagements.

La menace est là. Elle est diverse. Nous devons, comme chaque fois par le passé, la regarder en face, lucidement, avec détermination, sans jamais céder à la crainte : il n'y a pas de raisons de le faire. Les différents gouvernements et les différentes majorités qui ont été confrontés au terrorisme ont agi avec la même détermination. Les Françaises et les Français doivent savoir que tout est mis en œuvre pour garantir leur sécurité. Elle est, naturellement, la priorité du Président de la République et celle du Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en vous présentant, aujourd'hui, ce projet de loi, je vous invite à donner à la France, à la République, une entière capacité d'action. Elle est nécessaire pour la défense de ce qu'est notre pays, pour la défense des fondements mêmes de ce que nous sommes, pour la défense, tout simplement, de la démocratie. §

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