L’amendement n° 619 rectifié vise donc à supprimer les mots « traçabilité des productions » – pourtant, Dieu sait à quel point nous sommes attachés à d’autres traçabilités ! – et à modifier la rédaction du second alinéa du texte proposé par l’article 44 bis pour l’article L. 664-9 du code rural.
Assurer la traçabilité des productions par le biais de la politique génétique ne peut se faire qu’en généralisant le marquage génétique ou moléculaire des variétés dans le seul objectif d’étendre la protection de la propriété intellectuelle sur les semences aux « récoltes » et aux « produits issus de la récolte ».
Souvenons-nous de la proposition de loi relative aux obtentions végétales, que nous avons examinée au mois de février 2006. Dans ce texte, qui constituait une innovation française, nous n’avons pas franchi les frontières de la brevetabilité du vivant. Ne le faisons pas aujourd'hui !
La proposition qui nous est soumise est inacceptable pour plusieurs raisons.
D’abord, elle n’assure pas une traçabilité correcte, car les flux de gènes en cours de culture provoquent une évolution inévitable des caractères génétiques des variétés, du moins lorsqu’il y a encore des abeilles pour mélanger les gènes. Ces mêmes flux de gènes dans les champs ou dans les filières peuvent également provoquer la dissémination dans d’autres produits par les gènes marqueurs retenus. La contamination peut alors étendre la revendication des droits de propriété intellectuelle sur les semences à des produits contaminés qui, eux, ne sont pas issus des semences protégées et auxquels ils ne devraient pas s’appliquer.
Ensuite, et contrairement à ce que pourrait faire une réelle traçabilité documentaire, la traçabilité prévue à l’article 44 bis n’assure pas l’information dont les agriculteurs utilisateurs de semences et les consommateurs de denrées agricoles ont besoin sur l’origine réelle des produits ou des matières premières qui les constituent, ni sur les méthodes de sélection ou de production. Ainsi, il serait intéressant de connaître l’origine des ressources génétiques et de savoir si on utilise ou non la technique des hybrides F1, qui empêche l’agriculteur de réutiliser sa semence de ferme, si on procède à des manipulations génétiques non réglementées – je pense notamment à la mutagénèse provoquée, aux fusions cellulaires, ou à de la biotechnologie avec nanoparticules ou irradiations – ou si on emploie des substances éventuellement toxiques ou à fort impact environnemental…
Le II de cet amendement – j’attire votre attention sur ce point, car je ne voudrais pas avoir l’air de dissimuler une partie de nos propositions – vise à remplacer les mots « inscrites et commercialisées » par les mots « inscrites ou commercialisées ».
En effet, le concept de variété a aujourd’hui une définition juridique stricte, qui le réduit aux seules variétés homogènes et stables, celles-ci pouvant ainsi être inscrites au catalogue officiel. Mais les variétés traditionnelles, locales et paysannes, qui sont indispensables à la conservation et au renouvellement de la biodiversité, particulièrement en période de mutation climatique, ne répondent pas, pour la grande majorité d’entre elles, à une telle définition.
Les agriculteurs qui travaillent avec peu ou pas d’intrants chimiques de synthèse ont besoin de variétés diversifiées et variables, donc non homogènes et non stables, pour les adapter à la diversité des conditions de culture.