Intervention de Roland Courteau

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 octobre 2012 : 1ère réunion
Transition vers un système énergétique sobre — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Roland CourteauRoland Courteau, rapporteur :

La proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, adoptée par l'Assemblée nationale, a fait beaucoup parler d'elle, parce qu'elle propose un système, très nouveau en France, de bonus-malus, c'est-à-dire de modulation de la facture d'énergie en fonction du niveau de la consommation. Elle traite aussi de la lutte contre la précarité énergétique, de la politique d'amélioration de la performance et prévoit des mesures relatives à la transition énergétique.

Le terme de bonus-malus retenu par l'Assemblée nationale, pour éviter la confusion avec les tarifs règlementés ou sociaux, indique qu'il s'agit d'un système dans lequel plus vous consommez au-delà d'une certaine limite, plus vous risquez de payer un malus. Les kilowattheures sont en effet plus ou moins chers selon la tranche de consommation dans laquelle on se trouve.

Les mécanismes sont variés. En Californie depuis la crise de l'énergie de 2001, alors que le prix des premières tranches est gelé, celui des dernières tranches est très élevé pour financer l'amélioration du système électrique. Au Québec, le chauffage n'est pas pris en compte. En Corée du Sud, le kilowattheure de la dernière tranche est onze fois plus cher que celui de la première.

Le mécanisme qui nous est proposé a, ne le cachons pas, suscité de nombreuses interrogations qui se sont exprimées, au cours des quelque trente-cinq auditions que j'ai menées. Certains ménages modestes ne risquent-ils pas de subir un malus alors qu'ils ne peuvent agir que très partiellement sur leur consommation ? Comment croiser les données de l'administration fiscale avec celles des fournisseurs ? Quel doit être le rythme de déploiement du dispositif et quel est son coût de gestion ? Quelle est la meilleure utilisation des sommes dégagées par le malus ?

Daniel Raoul et moi-même ayant souhaité approfondir la réflexion, avec les ministères de l'écologie et de l'économie, je vous présenterai la semaine prochaine une proposition de rédaction de l'article 1er aussi équilibrée que possible.

Outre le bonus-malus, ce texte comporte des mesures dont la mise en oeuvre présente un caractère d'urgence plus marqué. Le nombre d'impayés augmente, et la dette moyenne des personnes en difficulté a atteint 2 266 euros au premier semestre 2012, contre 1 900 euros en 2011. Afin d'enrayer ce phénomène, l'article 3 prévoit une extension des tarifs sociaux de l'électricité et du gaz aux clients de tous les fournisseurs ; les administrations seront aussi mobilisées pour mieux identifier les ayants droit. Je souhaite aussi que le gouvernement explore la piste du chèque énergie. Couvrant l'ensemble des besoins en énergie, il bénéficierait de la finesse de traitement des services sociaux. La question de son financement est majeure : avec un coût d'un milliard d'euros nécessaire pour être réellement efficace, ce dispositif ne peut reposer sur la seule contribution au service public de l'électricité (CSPE).

L'article 4 élargit les compétences du médiateur national de l'énergie aux litiges avec les distributeurs ou concernant des micro-entrepreneurs. Son action, largement reconnue, mérite d'être encouragée.

L'article 5 étend le collège de la CRE afin de mieux prendre en compte le mécanisme de bonus-malus. Puisque, pour l'heure, nous n'examinons pas ce dispositif figurant à l'article 1er, je vous propose de le supprimer, sachant que nous pourrons éventuellement revenir plus tard sur ses dispositions.

L'article 6 instaure un service public de la performance énergétique, que les citoyens devront identifier comme une aide personnalisée pour améliorer cette performance, c'est-à-dire consommer moins et mieux vivre dans son logement. Ce service public devra bénéficier de la finesse d'approche des acteurs locaux, tels que les espaces Info Énergie et les collectivités territoriales et de l'action d'organismes nationaux comme l'Agence nationale de l'habitat ou l'Ademe. Je vous proposerai d'étendre à l'ensemble des consommateurs le système d'alerte prévu par cet article en cas de malus élevé.

Les articles 7 et suivants abordent le mécanisme de capacité, proposé par nos collègues Bruno Sido et Serge Poignant et instauré par la loi NOME, dont les deux rapporteurs, Ladislas Poniatowski et Jean-Claude Lenoir, sont membres de notre commission. Le texte donne une priorité aux capacités d'effacement et adapte les règles relatives à la participation de certains acteurs au mécanisme de capacité. Une question stratégique se pose en outre : si un site est effacé, dans quelle mesure le fournisseur, qui n'a pas reçu paiement, doit-il recevoir un versement ou une rémunération de la part de l'opérateur d'effacement ? L'article 7 bis résulte de discussions entre les opérateurs et atteint un équilibre qui ne nécessite que quelques adaptations.

L'article 8 nous ramène aux réalités sociales les plus difficiles et les plus immédiates. La coupure d'électricité, de gaz et de chaleur serait prohibée l'hiver, comme les expulsions de logement. Cette mesure de justice et de prudence évitera des drames, car nombre de mauvais payeurs n'ont tout simplement pas d'autre choix. Les réponses doivent être apportées au cas par cas, dans le dialogue avec le fournisseur et les services sociaux : la coupure en plein hiver n'est pas forcément la solution. Le 21 décembre 2011, le Sénat avait adopté cette mesure, ainsi que le principe d'une tarification progressive, dans le cadre du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, qui n'est pas allé jusqu'à son terme. Notre rapporteur était alors Alain Fauconnier.

Michel Teston nous présentera les conclusions de la commission du développement durable dont il est rapporteur pour avis sur les articles 13 et 14.

Enfin, je me réjouis que l'Assemblée nationale ait résolu les questions du raccordement des éoliennes en mer au continent et de l'implantation des éoliennes dans les départements d'outre-mer. Elle a aussi supprimé - point qui fait débat - la règle des cinq mâts réservant l'obligation d'achat aux unités de production de cinq mâts au moins. Tant que le prix de l'électricité éolienne est supérieur à celui du marché, elle revient à interdire la réalisation de projets de moins de cinq éoliennes.

Certains craignent que la suppression des zones de développement de l'éolien (ZDE) ne se traduise par une perte de contrôle des collectivités sur les projets réalisés sur leur territoire. Or les ZDE ont une portée juridique assez faible. Leur principal intérêt est de donner aux orientations définies par les schémas régionaux de l'éolien un minimum de force, puisque les projets doivent respecter la définition des zones favorables donnée par ces schémas et que pour bénéficier de l'obligation de rachat, les porteurs de projet doivent à leur tour respecter la délimitation opérée par les ZDE. La suppression des ZDE, brisant la chaîne reliant les schémas régionaux de l'éolien aux projets d'implantation, pourrait priver ces schémas régionaux de toute portée prescriptive.

Ce n'est pas souhaitable, car les communes sont directement impliquées dans l'élaboration de ces schémas régionaux dans la mesure où le préfet de région et le président du conseil régional leur soumettent le projet de schéma pour avis et où elles disposent de deux mois pour formuler leurs observations. Cette procédure garantit une bonne information des communes et leur donne l'occasion de pouvoir faire connaître leurs oppositions éventuelles.

Je vous proposerai un amendement faisant en sorte que les schémas régionaux éoliens ne restent pas lettre morte. Il obligera les autorisations (ICPE) à tenir compte des zones favorables qu'ils ont identifiées. Ces schémas régionaux deviendront ainsi des documents de référence dans l'instruction des autorisations ICPE, et le préfet pourra s'appuyer sur eux pour justifier ses décisions d'autorisation ou de refus. En même temps, il pourra s'en écarter s'il estime tel ou tel projet d'implantation d'un réel intérêt local. Un rappel que nous allons devoir marteler : les ZDE ne peuvent, par elles-mêmes, interdire la réalisation d'un projet ; cela relève des autorisations administratives accordées dans le cadre de la procédure relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ICPE et de celles octroyées sous la forme de permis de construire. Aucune de ces deux autorisations ne prenant en compte les ZDE, n'affaiblissons pas ces procédures comme le proposent certains amendements.

Comme la ministre l'a indiqué devant notre commission la semaine dernière, la régulation des projets éoliens par les communes ne passe pas par les ZDE, mais par leur intervention dans la procédure ICPE et par les règles qu'elles édictent dans les documents d'urbanisme. La procédure ICPE implique en effet une étude d'impact, une enquête publique, une consultation des communes concernées, y compris les communes limitrophes et, enfin, une consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, dans sa formation spécialisée sites et paysages.

Le préfet ne délivre les permis de construire des éoliennes qu'après consultation des communes. Surtout, sa compétence est liée : il ne peut qu'appliquer les règles d'urbanisme décidées par les communes.

Au total, entre le permis de construire, l'autorisation ICPE et le schéma régional à la portée juridique renforcée par l'amendement que je propose, se dessine un dispositif bien encadré, où les intérêts des communes sont pris en compte et garantis. Bien entendu, nous devrons veiller à ce que la question des éoliennes soit traitée dans toutes ses dimensions, des besoins de raccordement aux réseaux, à la préservation des paysages sans oublier la lutte contre les nuisances.

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