Intervention de David Assouline

Réunion du 22 février 2006 à 22h00
Volontariat associatif et engagement éducatif — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Je ne peux que vous faire part de notre incompréhension totale, et même d'un certain désarroi, car notre discussion en première lecture s'était déroulée, par moments, de manière relativement constructive.

Aujourd'hui, le Gouvernement ose présenter au Sénat un texte en net recul par rapport à la version qui était sortie de cet hémicycle, et en exigeant de surcroît un vote conforme.

Décidément, après le triste recours à l'alinéa 3 de l'article 49 pour faire « avaler » à l'Assemblée nationale le non moins triste projet de loi pour l'égalité des chances, le Gouvernement persiste et signe dans son mépris de la représentation nationale.

Tout à l'heure, nous avons assisté à un autre épisode de ce type. En effet, comme à Roland-Garros, certains jouent sur le court central, l'hémicycle dans lequel nous nous trouvons, tandis que d'autres jouent ailleurs, sur un court annexe, je veux dire en l'occurrence en salle Médicis, où se joue une question orale qui devait pourtant être débattue ici, en séance publique. C'est qu'il faut aller vite, quitte à avancer à marche forcée !

Mesdames, messieurs les sénateurs de droite, allez-vous continuer à jouer aux godillots, et même à accepter que votre travail, vos amendements soient détruits ? Vous qui défendez le bicamérisme, vous acceptez que, chaque jour un peu plus, le Gouvernement dise à la nation que cette chambre ne sert pas à grand-chose !

Pourquoi ce travail de sape de la part de votre majorité à l'Assemblée nationale ? Pourquoi y apporter votre soutien, monsieur le ministre ? Pourquoi détruire le résultat consensuel du travail effectué au Sénat en première lecture ?

Reprenons le texte tel qu'il est sorti du Palais-Bourbon : les députés, sur proposition de leur rapporteur, ont supprimé l'article introduit sur l'initiative de notre groupe permettant aux volontaires associatifs de bénéficier de l'aide juridictionnelle.

Les députés, toujours sur proposition de leur rapporteur et toujours avec votre accord, monsieur le ministre, sont revenus à la rédaction initiale de l'article 5, alors que le Sénat avait adopté un amendement de notre groupe précisant que l'ensemble des contrats de volontariat exécutés par une même personne était pris en compte pour la validation des acquis professionnels.

Dans le même état d'esprit de méfiance profonde de votre majorité à l'égard du monde associatif, l'Assemblée nationale a ajouté deux dispositions sur l'initiative de députés de l'UMP, sans que le Gouvernement s'y oppose : les articles 14 et 16. Ils ne figuraient pas dans votre texte initial et ne visent qu'à compliquer la vie des associations en faisant peser sur elles le soupçon de servir à abriter des pratiques peu scrupuleuses.

Faut-il redire que nos concitoyens s'investissent en masse dans la vie associative de manière désintéressée ? Est-il encore nécessaire de soupçonner les bénévoles de détourner le statut associatif à des fins lucratives ?

Voudriez-vous décourager le bénévolat que vous ne vous y prendriez pas autrement !

En tout état de cause, comment pouvez-vous justifier ces reculs ?

Sur notre initiative, le Sénat avait amélioré, même à la marge, le statut de volontaire associatif, cela justifiant notre abstention constructive sur l'ensemble d'un texte qui nous posait question.

En effet, monsieur le ministre, votre projet n'aurait pas suscité autant de scepticisme, ni même de méfiance de notre part, s'il n'adossait au dispositif instaurant le volontariat associatif, « par la bande », un titre II relatif à l'engagement éducatif, titre qui ne figurait pas dans l'avant-projet de loi présenté à l'automne 2004 au Conseil national de la vie associative.

Les centres de vacances - les colonies et les centres de loisirs sans hébergement -, gérés par des organismes sans but lucratif, appartiennent notamment aux grands réseaux d'éducation populaire, qu'ils s'appellent Ligue de l'enseignement, CEMEA, centre d'entraînement aux méthodes d'éducation active, Franca, Fédération nationale Léo Lagrange. Ils font un travail extraordinaire. Comme vous le savez tous, ils fonctionnent, en périodes non scolaires, avec un volant non négligeable - entre 20 % et 80 %, d'après nos interlocuteurs - de personnels d'animation et de direction occasionnels.

Depuis 1988, la convention collective nationale de l'animation prévoit que ces personnels sont employés sous un régime particulier, dérogatoire au droit commun du travail et aux autres dispositions conventionnelles traitant des personnels permanents du secteur. Sous ce régime, les animateurs et directeurs occasionnels de centres de vacances et de loisirs, ou CVL, sont rémunérés sur la base d'un forfait journalier de deux heures. Or la légalité de cette équivalence horaire est remise en cause par la loi Aubry II.

Le titre II du projet a donc pour objet de valider législativement une dérogation au code du travail.

Nous ne voulions pas, en première lecture, vous donner ce blanc-seing, et c'est pourquoi nous avions proposé un amendement prévoyant que les animateurs et directeurs occasionnels de CVL soient engagés comme volontaires, puisque le mouvement associatif nous assure que la mission de ceux-ci relève plus d'un engagement au service d'un projet éducatif - moins de 80 jours par an - que d'un travail salarié classique.

Dans cette hypothèse, le titre II n'avait plus d'utilité et « tombait ». Mais le Gouvernement a bien évidemment refusé cet amendement.

Aujourd'hui, à la veille de l'ouverture de la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, cette dérogation au code du travail paraît bien difficile à mettre sur le seul compte du souci du ministère de pérenniser l'activité des CVL, d'autant moins que, par un amendement gouvernemental approuvé par l'Assemblée nationale, ce dispositif est désormais ouvert au secteur marchand, les organisateurs de séjours linguistiques à but lucratif pouvant en bénéficier.

Outre que cet élargissement du champ d'application de l'engagement éducatif ouvre la voie à d'autres dérogations au code du travail dans d'autres secteurs, cette modification du texte initial de l'article 11 s'inscrit parfaitement dans la logique actuelle du Gouvernement qui tend à démanteler l'édifice législatif et réglementaire qui fonde notre droit du travail, et ce en commençant par introduire des exceptions touchant toujours les publics les plus fragiles, en particulier les jeunes.

Imaginons, chers collègues, la situation d'une jeune fille, ou d'un jeune homme, qui a dû financer une formation pour obtenir le BAFA ou le BAFD, brevets qui permettent de travailler au cours de l'été en centre de vacances ou de loisirs sous un régime dérogatoire au droit du travail, et qui se trouve, après ses études, contraint d'accepter d'être embauché quasiment sous le régime du contrat journalier, car le CPE est-il autre chose ?

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