La commission des affaires européennes estime, dans un projet d'avis motivé adopté le 4 octobre, que la Commission européenne ne respecte pas le principe de subsidiarité quand elle propose de rendre obligatoire un contrôle annuel des automobiles de plus de quatre ans et d'étendre ce contrôle technique aux motos, aux trois roues et aux remorques légères. Si nous adoptons le projet d'avis motivé de nos collègues, il deviendra celui du Sénat tout entier.
La Commission européenne inclut ces mesures dans un paquet « Contrôle technique », qui renforce les contrôles techniques des véhicules utilitaires et l'immatriculation des véhicules. Son objectif est louable : réduire le nombre d'accidents sur les routes et les émissions de gaz à effet de serre, plus importantes sur les véhicules mal entretenus. La Commission avance même un chiffre slogan tout à fait mobilisateur : diminuer de moitié le nombre d'accidents de la route d'ici à 2020, alors qu'il y a encore chaque année 30 000 morts sur les routes des Vingt-Sept - tout responsable politique devrait applaudir. Dans son exposé des motifs, la Commission européenne souligne que les motocyclistes sont bien plus exposés que les automobilistes, que la mortalité à moto et à scooter est bien plus forte qu'en voiture, surtout pour les jeunes. Aussi estime-t-elle nécessaire de protéger les motocyclistes contre le risque que leur véhicule soit défectueux, ce qui serait une source d'accident. Encore faut-il qu'il y ait une corrélation entre les deux. C'est ici que le bât blesse car les rares études sérieuses qui ont été faites sur le sujet n'en établissent pas.
L'étude la plus approfondie sur les facteurs d'accident à moto a été publiée sous l'égide de l'Association des constructeurs européens de motocycles, avec le soutien de la Commission. Elle évalue à moins de 0,5 % la proportion d'accidents mortels liés à une défaillance technique du véhicule. Par conséquent, on ne peut affirmer que les pays européens où il y a un contrôle technique pour les motos, sont plus sûrs pour les motards. Très détaillée, cette étude démontre également que, dans 90 % des cas d'accident mortels impliquant un autre véhicule, le motard roulait à moins de 50 km/h ou, encore, que la mauvaise conception ou le mauvais entretien des routes aggravent les risques. En réalité, le tout premier facteur est humain : les erreurs de stratégie ou de calcul sont d'ailleurs beaucoup plus le fait des automobilistes que des motards eux-mêmes. Autre facteur important : la prise de risque, en particulier par les plus jeunes.
En d'autres termes, si les motards forment une population particulièrement vulnérable, on ne les protègera pas mieux en leur imposant un contrôle technique sans grande incidence sur le nombre d'accidents. D'ailleurs, l'Espagne, l'Italie, la Suède ou la Slovénie, qui ont introduit ces contrôles, ont même connu une augmentation du nombre de motards tués ces dernières années ; le cas de l'Italie est d'autant plus troublant que le nombre de motocycles en circulation y a baissé dans le même temps. En outre, l'Observatoire national de la sécurité routière française a estimé qu'il n'était pas opportun d'étendre le contrôle technique aux motos. Enfin, nos collègues rapportent que la Commission européenne se fonde sur des rapports réalisés par la société Dekra, l'un des leaders européens du contrôle technique, qui demande l'extension de ce contrôle aux motos, un marché évalué à 1,5 milliard d'euros.