Monsieur le ministre, au nom de tous mes collègues, je vous souhaite la bienvenue dans cette commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, pour le début de l'examen budgétaire, dans une configuration politique inédite sous la Vè République.
En dépit de ces changements, vous trouverez « face à vous » ou « à vos côtés », ce sera en fonction des dossiers, une commission sénatoriale fidèle à ses traditions, en particulier la formation du consensus national, la cohésion de ses membres et le caractère bipartisan de ses travaux. Je devrais dire, en fait, « transpartisan », car il ne s'agit pas d'un accord entre les groupes PS et UMP, mais davantage d'un état d'esprit affectant tous les sénateurs quelle que soit leur appartenance politique. Ce caractère transpartisan donc, vous le savez, se retrouve notamment dans le principe des binômes majorité-opposition pour les rapports budgétaires ou d'information, mais aussi dans des prises de positions publiques, je pense en particulier aux drones ou à la fusion EADS-BAE, qui reflètent fidèlement cet état d'esprit qui préside aux travaux de notre commission.
Je comprends, à la lecture des informations déjà rendues publiques sur le budget de la défense pour 2013 que vous venez nous présenter, que l'essentiel a été préservé, mais vous allez-nous en dire plus, et surtout qu'il s'agit d'un budget d'attente. Attente du résultat des travaux du Livre blanc et c'est une excellente chose, puisque nous avions demandé à l'été que les choix définitifs en matière budgétaire puissent s'inscrire dans la suite d'une révision de l'analyse stratégique et non pas qu'ils la précèdent. Il faudra veiller néanmoins à ce que la loi de programmation des finances publiques ne préempte pas nos décisions.
Ce budget est également un budget d'attente de la loi de programmation militaire (LPM) qui sera élaborée dans la foulée et dont j'ai compris que votre objectif était qu'elle soit adoptée par le Parlement au plus tard en juillet 2013. Je devrais dire, du reste, en juin et non pas en juillet, car je ne suis pas un adepte des sessions extraordinaires et je voudrais rappeler que nous avons instauré la « session unique » précisément pour ne plus avoir à multiplier les sessions extraordinaires et les séances de nuit.
Je voudrais vous livrer trois réflexions introductives.
La première est que, si on peut être rassuré par le budget 2013, on ne peut être qu'inquiets des perspectives budgétaires qui circulent au sein de la commission du Livre blanc. Il semblerait que l'équation budgétaire envisagée repose sur une réduction des crédits de la mission défense de 10 % sur l'exercice, ce qui porterait l'effort français aux environs de 1,3 % du PIB à la fin de la programmation. Autant vous le dire tout de suite : cette équation n'est pas acceptable. Nous sommes bien conscients de la nécessité de réduire nos dépenses publiques et de faire des efforts budgétaires. Mais la défense n'est pas, ne peut pas être, ne peut plus être une variable d'ajustement. Il en va de la cohérence de nos forces armées, de notre souveraineté et surtout de notre liberté. On ne rappellera jamais assez que de notre sécurité dépend la bonne marche de l'ensemble des autres secteurs d'activité. Je reviens de New York et l'observatoire mondial qu'est l'ONU permet de mesurer à quel point l'influence et le rayonnement de notre pays repose, bien sûr, sur notre diplomatie, mais aussi sur notre puissance militaire et notre contribution au maintien de la paix. Diminuer nos moyens militaires, c'est diminuer notre place dans le monde, c'est perdre en crédibilité internationale.
La seconde est que, si je me permets de faire état publiquement de ces chiffres, c'est que le lendemain même où ces hypothèses ont été évoquées, sous le sceau de la confidentialité, les chiffres sortaient sur les blogs. Donc je veux bien qu'on impose aux parlementaires des règles d'étanchéité, mais ces règles doivent s'appliquer à tous.
Troisièmement, je voudrais que vous nous parliez également de la fusion avortée entre EADS et BAE. Nous sommes quelques uns ici à y voir un échec terrible pour la défense européenne et au-delà pour l'Europe tout court. Tous ceux qui se réjouissent de cet échec feraient bien de méditer le fait que sans séries de commande suffisamment importantes, il n'y aura tout simplement plus de commandes et donc tout simplement plus d'industrie aéronautique de défense européenne dans vingt ans. Ce n'est pas une question de romantisme pro-européen. C'est une simple question de mathématique et ce que nous avons pu constater avec dépit dans l'affaire des drones MALE pourrait n'être qu'un prélude sur ce qui va se passer sur les segments plus technologiques, comme les UCAV ou l'aviation de combat.
La presse semble dire que le gouvernement allemand porte la plus grande responsabilité de cet échec. Est-ce vrai ? Nous aimerions bien comprendre les motivations qui ont poussé les uns et les autres à ce blocage afin qu'il ne remette pas en cause l'ensemble de notre coopération militaire avec ce pays.
Monsieur le ministre, je vous donne la parole pour nous présenter votre budget pour 2013 avant de permettre à nos rapporteurs d'intervenir.