Intervention de Christian Noyer

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 octobre 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Christian Noyer gouverneur de la banque de france

Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France :

Les petites banques sont, elles, supervisées par l'Agence fédérale de garantie des dépôts, la FDIC, réorganisée après la crise des caisses d'épargne. Il existe toujours un superviseur par État, mais sous le contrôle de l'agence fédérale. Celle-ci traite certains dossiers, mais 95 % du travail se fait localement, sur le terrain. C'est ainsi que nous entendons organiser les choses. Peut-être faudra-t-il détacher 35 ou 40 personnes à Francfort, mais il en restera 700 ou 750 en France !

En cas de problème de crédibilité locale, comme sur les cajas espagnoles, la BCE organisera des inspections conjointes, associant ses inspecteurs - peu nombreux - et ceux de banques centrales d'autres États. Dans quatorze des dix-sept pays de la zone euro, le superviseur est soit la banque centrale, soit adossé à celle-ci. Nous savons travailler ensemble. L'organisation de la BCE prévoira un conseil de supervision, placé sous l'autorité du conseil des gouverneurs, mais qui prendra les décisions effectives de supervision, à l'instar du collège de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP).

Oui, l'union bancaire a besoin des deux autres volets. On commence par la supervision car il faut d'abord rassurer. La Commission européenne fera des propositions courant 2013 sur la résolution et la recapitalisation des banques en difficulté. Le Mécanisme européen de stabilité (MES) sera sans doute l'outil disponible le plus rapidement. Personnellement, je pense qu'il y aurait intérêt à créer un fonds de résolution et de recapitalisation, qui pourrait être financé par le MES. Aux gouvernements d'imaginer l'architecture institutionnelle, car il faudra avancer rapidement sur ce volet pour briser le lien entre dette souveraine et dette bancaire.

Etant donné les réticences de l'Allemagne sur la garantie des dépôts, on pourrait commencer par instaurer un système de réassurance commun, ce qui permettrait de maintenir la garantie des dépôts au niveau national tout en créant un début de solidarité. C'est la position que défendent la Commission et la BCE. Il faudra faire les trois piliers sans tarder.

Les opérations monétaires sur titres vont-elles alourdir les bilans des banques centrales ? Certes. Mais si nous parvenons à casser la défiance des marchés, leurs craintes d'un éclatement de la zone euro, alors nous n'aurons pas à intervenir massivement. Et les montants se dégonfleront dès que le marché interbancaire se remettra à fonctionner. Notre bilan n'a pas augmenté plus que celui de la Fed, et il a moins progressé que celui de la Banque d'Angleterre. Ce n'est pas de gaîté de coeur que nous nous substituons à l'intermédiation défaillante entre banques commerciales. Nous faisons de la gestion de crise.

Techniquement, nos bilans sont effectivement sans limites, puisque nous créons nos propres liquidités. C'est précisément là qu'est le risque. Une banque centrale ne fait pas faillite, mais elle peut provoquer la faillite de sa monnaie. C'est ce qui est arrivé au Zimbabwe, où la banque centrale finançait l'Etat à guichet ouvert. Nous veillons à respecter notre mandat, et nous stérilisons la monnaie créée à raison des interventions sur titres hier dans le cadre du SPM et demain dans celui de l'OMT. Il n'y a pas de recours à la planche à billets.

À propos de Dexia, vous me demandez un chiffre. Or tout dépend de la configuration future des taux d'intérêt sur les différents marchés, des rendements du portefeuille. Le risque de taux a été bien couvert, ce qui oblige l'établissement à débourser des appels de marge considérables. Dans le cas d'une approche prudente sur l'évolution des conditions de financement de Dexia et en calculant tous les besoins jusqu'en 2020, on aboutit à une recapitalisation qui pourrait être de 5 milliards d'euros. La France assurant 36 % de la garantie, cela représente pour elle une charge de 1,8 milliard.

Vos questions sur le CIF sont bien légitimes. Depuis cinq ou six ans, nous considérions que le modèle économique de cette institution n'était plus opérant. C'était aussi l'intuition du directeur général du Trésor, qui avait amicalement mais fermement demandé aux dirigeants d'explorer toutes les solutions d'adossement. Ceux-ci ont pris contact avec la totalité des grands réseaux de la place... mais ils ont fait en sorte que les négociations échouent toutes ! Au moins deux ou trois groupes étaient prêts à considérer l'adossement, mais les conditions étaient inacceptables - surtout en matière de gouvernance et de contrôle.

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