Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 16 octobre 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission procède tout d'abord à l'audition de M. Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le Gouverneur, notre commission a souhaité vous entendre sur les perspectives ouvertes par le Conseil européen sur ce qu'il est convenu d'appeler - simplification abusive ! - l'union bancaire européenne. Ce dispositif vous paraît-il de nature à rompre le cercle vicieux qui lie dette souveraine et dette bancaire ? Comment envisagez-vous le devenir de la Banque de France dans ce nouveau dispositif européen intégré, dont le principal support sera la Banque centrale européenne, qui aura vocation à exercer ses compétences au-delà même de la zone euro - ce qui est particulièrement innovant ?

Un mot sur des situations singulières qui nous préoccupent. Où en est la restructuration de Dexia ? Quelle est votre appréciation des risques aujourd'hui, compte tenu de l'arrêt de la production de prêts aux collectivités locales ? Comment ce marché se renouvelle-t-il ? Comment voyez-vous l'intervention des différents acteurs ? Quelle est votre analyse sur le drame du Crédit immobilier de France (CIF), dont nous avons auditionné les protagonistes ? Comment en sortir ? Quid du financement de l'accession sociale à la propriété sans le CIF ?

La Banque de France est aussi une grande entreprise, en pleine réorganisation interne. Votre projet « La Banque de France à l'horizon 2020 » est inspiré des recommandations de la Cour des comptes. Il s'agit de poursuivre la réduction des implantations permanentes, déjà entamée, ainsi que la fermeture de caisses d'émission fiduciaire. Quelle est l'utilité économique de ces caisses aujourd'hui ? Votre plan prévoit également de faire passer le nombre d'agents de 6 300 à 4 200 d'ici 2020, après une première phase de réforme qui avait déjà conduit à réduire la voilure. Dans quelles conditions s'effectuera la restructuration de la Banque de France ?

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

Je vous remercie de m'avoir invité. Répondre aux questions des représentants de la nation, justifier devant vous les actions menées est la contrepartie indispensable de mon indépendance.

Je sais le Sénat attentif au projet de modernisation du réseau de la Banque de France, cher aux collectivités territoriales. Au niveau local, la Banque de France exerce trois métiers : elle gère la monnaie fiduciaire dans les caisses, vérifiant et triant les billets qui lui sont rapportés ; elle traite les dossiers de surendettement ; elle assure la cotation des entreprises. C'est à ce titre qu'elle a assuré la médiation du crédit au niveau local, durant la crise financière. Ces trois métiers obéissent à des logiques différentes et ne seront donc pas traités de la même façon dans la réforme.

La modernisation s'inscrit dans une conjoncture marquée par trois grandes évolutions : démographique d'abord, avec 5 000 départs à la retraite d'ici 2020 ; technologique ensuite, qu'il s'agisse des outils de tri de billets ou de nos relations avec les entreprises, les particuliers et les administrations : beaucoup de gens préféreront passer par Internet plutôt que de se déplacer. Une évolution territoriale enfin, avec des réalités économiques changeantes.

Cette modernisation a un objectif : améliorer les services rendus aux citoyens, à un coût moindre. Notre responsabilité est double : d'un côté, remplir nos missions avec un maximum d'efficacité, de l'autre, participer à l'effort national de rationalisation des dépenses publiques en devenant plus productifs.

Cette réforme devrait se faire en deux phases : une première entre 2013 et 2015 avec la fermeture de quelques services de caisse et de bureaux d'accueil et d'information, dont la fréquentation est très faible, et le développement d'outils nouveaux, notamment de notre outil Internet ; une seconde entre 2016 et 2020 pour finaliser le réseau des caisses et réaménager les succursales. Nous nous fixons un horizon de temps long afin de gérer les choses en douceur et de faciliter les mouvements de personnel, en donnant aux agents une visibilité sur leur avenir professionnel.

Le maillage départemental sera maintenu : il a prouvé toute sa pertinence. L'unité départementale est celle des commissions de surendettement, des fédérations professionnelles et celle où s'exerce la médiation du crédit.

La récente décision du Conseil des gouverneurs de la BCE sur les opérations monétaires sur titres est une réponse à l'urgence de briser le cercle infernal des projections irrationnelles qui parient sur un éclatement de la zone euro. Le coût des refinancements bancaires est influencé par ces variations anormales de taux, la transmission de nos impulsions de politique monétaire n'est plus uniforme dans toute la zone. L'efficacité de notre politique monétaire est mise à mal, au risque de rendre difficile la maîtrise de la stabilité des prix. Grâce à ce nouvel instrument, nous disposerons d'un frein crédible à l'augmentation injustifiée des taux d'intérêt, liée non au risque de crédit mais à la peur d'un éclatement de la zone euro, c'est-à-dire au risque de redénomination. Ces opérations s'accompagnent d'une conditionnalité stricte, garantissant que le pays concerné progresse vers un environnement économique plus robuste. Sa mise en oeuvre sera attentivement suivie.

Je suis très favorable à l'union bancaire européenne : c'est une façon de mettre fin structurellement au cercle vicieux qui unit le risque bancaire au risque souverain, et qui découle d'une lacune institutionnelle dans la construction européenne. La nécessité pour les Etats de renflouer certaines banques a rappelé que celles-ci étaient des acteurs systémiques, dont la disparition devait se faire de manière ordonnée, sans mettre en péril les dépôts ni casser la distribution du crédit. Or, dès lors que les banques peuvent recourir à l'État en cas de difficulté, leur solidité dépend de celle des États. C'est du moins l'interprétation des marchés. Le coût de refinancement des banques est donc aspiré par le coût de refinancement des États ; le coût du crédit privé suit celui des États. Quand la BCE fixe son taux d'intérêt à 0,75 %, la même banque peut proposer des taux de crédit allant du simple au triple à deux PME de même nature et de même solidité, situées de part et d'autre d'une frontière. Une telle segmentation du marché est impensable pour une banque centrale. À l'époque du deutsche mark, la Bundesbank n'aurait pas accepté de tels écarts entre deux Länder !

L'union bancaire repose sur trois piliers. D'abord, une supervision intégrée, un système de type fédéral coiffé par la BCE, les superviseurs nationaux - Banque de France, Autorité de contrôle prudentiel - étant chargés de la supervision sur le terrain, soit 95 % du travail effectif. Deuxième pilier, un mécanisme de résolution intégré ; à la Commission de proposer la création d'une autorité ad hoc. Enfin, un système unifié de garantie des dépôts, par exemple autour d'un fonds de réassurance.

S'agissant de Dexia, l'important est que le plan de résolution - mise en extinction progressive et reprise de DMA (Dexia Municipal Agency), l'entité de refinancement - soit finalisé, et que la Commission européenne autorise la garantie conjointe des trois États, à hauteur de 90 milliards d'euros. Dans l'intervalle, le financement de Dexia est assuré avec un recours à l'Eurosystème et à l'assistance de liquidité d'urgence de la Banque de France. Le dispositif devra être finalisé d'ici fin janvier ; au-delà, le financement sera plus problématique.

J'ai noté, ces derniers mois, un regain d'intérêt des réseaux bancaires classiques pour le financement des collectivités territoriales. La Banque postale a la ferme volonté de développer cette activité, ce qu'elle a commencé à faire sur ressources propres. Dès qu'elle pourra utiliser DMA, sa production augmentera et elle consentira des prêts à plus long terme. Le sujet est donc bien moins préoccupant qu'il ne l'était il y a quelques mois.

Le modèle économique du CIF n'est plus viable de manière autonome : la conjoncture économique, les évolutions réglementaires le rendent obsolète. Historiquement, le CIF pouvait se refinancer grâce à l'appétit des investisseurs internationaux pour des obligations foncières de qualité. Mais depuis un an, les agences de notation et les investisseurs ont pris conscience que les orientations du CIF conduisaient à une prise de risque jugée excessive, sur des quotités importantes : prêts à taux variables et de long terme, clientèle fragile, faible contrôle des prescripteurs. D'où une défiance croissante. Le modèle du CIF ne peut plus fonctionner : les taux de refinancement seraient trop élevés. Un adossement règlerait le problème, mais les groupes bancaires français manquent de dépôts - on sait que le ratio du montant des crédits sur celui des dépôts est particulièrement mauvais en France, de l'ordre de 133 %, en raison de l'importance de l'épargne réglementée, de l'assurance vie et des OPCVM. Même la Banque postale considère qu'un adossement serait un équilibre artificiel, qui entraînerait des risques sur sa notation et sur sa liquidité, des difficultés de prise en main de gestion et un risque social interne. Une autre solution aurait été une garantie sans mise en extinction. Mais c'est une aide d'État et la Commission européenne veille : si l'établissement poursuit son activité, la garantie doit être rémunérée à la valeur du marché pour éviter toute distorsion de concurrence.

Le Gouvernement propose une autre solution : la mise en extinction de l'établissement, sous garantie de l'État, et une activité nouvelle par les autres établissements, notamment la Banque postale, qui vient de mettre en place une offre en faveur de l'accession sociale à la propriété. Certains portefeuilles peuvent intéresser d'autres établissements, comme le crédit aux agents de la SNCF ou d'EDF. Certaines agences pourraient être reprises par d'autres banques pour compléter leur maillage géographique. Il y aura certainement des reprises de personnels au fil de l'eau - je sais que le ministre des finances y travaille.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Rappelons d'abord que la Banque de France gagne de l'argent : 6 à 7 milliards d'euros de résultat cette année, contre 5 milliards l'an dernier. Tant mieux ! Mais la Cour des comptes estime que l'on peut faire plus, d'où ses recommandations, qui ont conduit au plan « Horizon 2020 », présenté au comité d'établissement le 21 septembre dernier. Je m'interroge sur le bien fondé des réorganisations envisagées. Nous craignons que les 2 000 suppressions de poste prévues d'ici 2020 ne frappent davantage les territoires que l'administration centrale. Il se dit, par exemple, que certaines antennes départementales gérant les dossiers de surendettement passeraient de 90 à 10 agents. Comment croire que la gestion des dossiers n'en sera pas rendue plus difficile ? Il y a Internet, nous répond-on...

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ces personnes surendettées, que nous recevons dans nos permanences, ne sauront faire face seules aux démarches administratives. Les travailleurs sociaux seront sollicités pour remplir les dossiers, accompagner les personnes surendettées, en lieu et place des agents de la Banque de France. Un tel transfert de charges sur les collectivités locales est difficilement acceptable. Pouvez-vous nous rassurer sur ce sujet ?

De même pour la présence auprès des entreprises : si la Banque de France n'avait pas assuré la médiation du crédit en 2008 et 2009, de très nombreux emplois auraient été détruits.

J'en viens à l'union bancaire. La création du mécanisme unique de supervision va-t-elle entraîner une réorganisation interne de la BCE et de la Banque de France ? Quel sera le rôle du gouverneur dans le cadre de cette supervision unique ? Etes-vous favorable à une séparation entre l'autorité de politique monétaire et l'autorité de supervision ? Je vois mal, dans le projet de la Commission européenne, quels sont les éléments concrets de nature à rompre le lien entre dette souveraine et dette bancaire. Des incertitudes planent sur le schéma retenu. Quid des autres volets de l'union bancaire, sur lesquels l'Allemagne, entre autres, semble très réticente ? L'union bancaire est censée reposer sur un trépied... Qu'arrivera-t-il si les deux autres « pieds » ne sont pas mis en place : la supervision prendrait un tour surréaliste !

Le programme « opérations monétaire sur titres » (OMT) de la BCE risque d'alourdir son bilan, comme celui de la Banque de France. Quelles en seront les conséquences en termes de gestion des risques pour la Banque de France ? Dans quelles conditions s'opère le relèvement des fonds propres ?

Est-il exact que le besoin de recapitalisation de Dexia représentera 5 à 10 milliards d'euros ? À quelle hauteur le contribuable français sera-t-il sollicité ?

S'agissant du CIF, le rôle de la Banque postale et les engagements demandés aux banques en faveur de l'accession sociale à la propriété ne nous rassurent guère. Quels seront les pouvoirs du superviseur et de la Banque de France ? Pourquoi n'a-t-on pas su prévenir la crise du CIF ? La situation appelait pourtant une attention et une anticipation accrues. Pourquoi les choses ont-elles évolué si vite et si mal ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Les secrétariats des commissions de surendettement rendent en effet des services de proximité. L'intervention de la Banque de France se justifie par la neutralité de cette institution tant vis-à-vis des établissements de crédit que des services sociaux : le succès de ces procédures doit beaucoup au fait que les agents de la Banque de France sont perçus comme des techniciens indépendants. Au moment où l'on évalue les résultats - positifs - de la récente loi sur le crédit à la consommation, il serait dommage de concentrer excessivement les secrétariats et de rompre des liens de proximité indispensables dans l'action sociale.

Deuxième question : les bilans des banques centrales pourront-ils s'accroître sans limite ? La BCE envisage le rachat illimité - mais conditionné - de certains titres. Peut-on dire que les banques centrales sont les seuls agents économiques qui, ne faisant l'objet d'aucune notation, peuvent par conséquent gérer leurs fonds propres et leurs engagements sans les contraintes qui s'appliquent aux autres ?

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

Notre plan de réorganisation interne vise à ramener nos effectifs à une fourchette de 4 200 à 4 600. La Cour des comptes a parfois semblé sortir ses chiffres d'un chapeau. Nous sommes prêts à poursuivre les réformes, nous pouvons réaliser des gains de productivité grâce aux évolutions technologiques. Selon l'activité concernée, peut-être serai-je conduit à remplacer deux départs sur trois, ou un sur deux, voire l'intégralité des départs, et non un sur trois, comme le préconise la Cour, afin que la Banque de France puisse continuer à remplir ses missions. L'objectif n'est pas de modifier les missions de la Banque de France ni l'efficacité avec laquelle nous les remplissons. Dans le traitement du surendettement, les assistantes sociales sont de toute façon sollicitées. Lorsque nous avons apporté un appui, une formation, chacun a gagné en temps et en efficacité. Nous garderons, dans chaque succursale départementale, une équipe pour le secrétariat de la commission de surendettement, et pour l'accueil des intéressés, qui déposent leur dossier dans les succursales ou les bureaux d'accueil et d'information. Nous ne fermerons que les bureaux dont la fréquentation est très faible. Les antennes économiques fermées seront remplacées par des bureaux d'accueil. Le directeur départemental sera le représentant de la Banque de France auprès des commissions de surendettement. Nous dégagerons des gains de productivité en regroupant les services de traitement des dossiers, le back-office. L'utilisation d'outils informatiques plus puissants permettra de concentrer la matière grise sur la partie des traitements qui requiert un jugement humain. Il n'y aura aucune baisse du service rendu, mais une uniformité de traitement hautement souhaitable et qui n'existe pas aujourd'hui.

Même chose pour les entreprises : le directeur départemental restera le directeur de la médiation pour les entreprises. En regroupant le traitement de certains dossiers, nous pourrons utiliser des outils informatiques plus sophistiqués et spécialiser les analystes par secteur, ce qui renforcera notre efficacité. Nous l'avons déjà fait pour l'analyse des groupes d'entreprises, au niveau régional. Il n'y aura aucune baisse de la qualité des prestations, au contraire.

S'agissant de la filière fiduciaire, notre réseau compte aujourd'hui 72 caisses, deux fois plus qu'en Allemagne. L'objectif est de passer à 32 caisses, avec deux ou trois centres automatisés très puissants. C'est la norme de l'Eurosystème et l'objectif poursuivi par l'Allemagne ou par l'Italie. Avec l'arrivée d'une nouvelle génération de machines de tri, capables de traiter 100 à 200 millions de billets, c'est une évolution incontournable - et identique partout dans le monde.

Oui, l'union bancaire entraînera une réorganisation, mais de faible ampleur. L'essentiel de la surveillance restera au niveau décentralisé. Les Etats-Unis disposent de deux grands systèmes de supervision, l'un pour les grandes banques, l'autre pour les petites. Les premières sont supervisées par la Fed, mais au niveau décentralisé ; le Board of governors, le comité central situé à Washington, contrôle, donne les instructions, organise les stress tests...

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

Les petites banques sont, elles, supervisées par l'Agence fédérale de garantie des dépôts, la FDIC, réorganisée après la crise des caisses d'épargne. Il existe toujours un superviseur par État, mais sous le contrôle de l'agence fédérale. Celle-ci traite certains dossiers, mais 95 % du travail se fait localement, sur le terrain. C'est ainsi que nous entendons organiser les choses. Peut-être faudra-t-il détacher 35 ou 40 personnes à Francfort, mais il en restera 700 ou 750 en France !

En cas de problème de crédibilité locale, comme sur les cajas espagnoles, la BCE organisera des inspections conjointes, associant ses inspecteurs - peu nombreux - et ceux de banques centrales d'autres États. Dans quatorze des dix-sept pays de la zone euro, le superviseur est soit la banque centrale, soit adossé à celle-ci. Nous savons travailler ensemble. L'organisation de la BCE prévoira un conseil de supervision, placé sous l'autorité du conseil des gouverneurs, mais qui prendra les décisions effectives de supervision, à l'instar du collège de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP).

Oui, l'union bancaire a besoin des deux autres volets. On commence par la supervision car il faut d'abord rassurer. La Commission européenne fera des propositions courant 2013 sur la résolution et la recapitalisation des banques en difficulté. Le Mécanisme européen de stabilité (MES) sera sans doute l'outil disponible le plus rapidement. Personnellement, je pense qu'il y aurait intérêt à créer un fonds de résolution et de recapitalisation, qui pourrait être financé par le MES. Aux gouvernements d'imaginer l'architecture institutionnelle, car il faudra avancer rapidement sur ce volet pour briser le lien entre dette souveraine et dette bancaire.

Etant donné les réticences de l'Allemagne sur la garantie des dépôts, on pourrait commencer par instaurer un système de réassurance commun, ce qui permettrait de maintenir la garantie des dépôts au niveau national tout en créant un début de solidarité. C'est la position que défendent la Commission et la BCE. Il faudra faire les trois piliers sans tarder.

Les opérations monétaires sur titres vont-elles alourdir les bilans des banques centrales ? Certes. Mais si nous parvenons à casser la défiance des marchés, leurs craintes d'un éclatement de la zone euro, alors nous n'aurons pas à intervenir massivement. Et les montants se dégonfleront dès que le marché interbancaire se remettra à fonctionner. Notre bilan n'a pas augmenté plus que celui de la Fed, et il a moins progressé que celui de la Banque d'Angleterre. Ce n'est pas de gaîté de coeur que nous nous substituons à l'intermédiation défaillante entre banques commerciales. Nous faisons de la gestion de crise.

Techniquement, nos bilans sont effectivement sans limites, puisque nous créons nos propres liquidités. C'est précisément là qu'est le risque. Une banque centrale ne fait pas faillite, mais elle peut provoquer la faillite de sa monnaie. C'est ce qui est arrivé au Zimbabwe, où la banque centrale finançait l'Etat à guichet ouvert. Nous veillons à respecter notre mandat, et nous stérilisons la monnaie créée à raison des interventions sur titres hier dans le cadre du SPM et demain dans celui de l'OMT. Il n'y a pas de recours à la planche à billets.

À propos de Dexia, vous me demandez un chiffre. Or tout dépend de la configuration future des taux d'intérêt sur les différents marchés, des rendements du portefeuille. Le risque de taux a été bien couvert, ce qui oblige l'établissement à débourser des appels de marge considérables. Dans le cas d'une approche prudente sur l'évolution des conditions de financement de Dexia et en calculant tous les besoins jusqu'en 2020, on aboutit à une recapitalisation qui pourrait être de 5 milliards d'euros. La France assurant 36 % de la garantie, cela représente pour elle une charge de 1,8 milliard.

Vos questions sur le CIF sont bien légitimes. Depuis cinq ou six ans, nous considérions que le modèle économique de cette institution n'était plus opérant. C'était aussi l'intuition du directeur général du Trésor, qui avait amicalement mais fermement demandé aux dirigeants d'explorer toutes les solutions d'adossement. Ceux-ci ont pris contact avec la totalité des grands réseaux de la place... mais ils ont fait en sorte que les négociations échouent toutes ! Au moins deux ou trois groupes étaient prêts à considérer l'adossement, mais les conditions étaient inacceptables - surtout en matière de gouvernance et de contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

J'avais posé au directeur général du Trésor une question qu'il avait habilement éludée : en cas d'adossement à la Banque postale, quel serait pour cette dernière le besoin en fonds propres supplémentaires ?

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

Difficile de répondre ! Une part substantielle des crédits est à taux variable, tout dépend donc des hypothèses que l'on fait sur la solvabilité des emprunteurs, qui sont modestes, en cas de remontée des taux d'intérêt - quelle remontée, quand, dans quelle proportion ? La Banque postale estime le risque de défaut trop difficile à calculer mais sans doute substantiel et pouvant générer des pertes qui seraient dans certaines configurations supérieures aux fonds propres. Elle redoute en outre que la gouvernance de cet établissement soit difficile à piloter, que son propre personnel ait une réaction de rejet, que sa propre notation pâtisse par ricochet de l'opération. Elle préfère donc s'engager à combler sur le terrain le vide laissé par le CIF, mais à partir de son propre réseau, de sa propre modélisation économique et en se passant des encours existants...

Nous avions pris la décision, au titre du pilier 2, d'exiger du CIF qu'il porte ses fonds propres à un niveau supérieur à celui du droit commun. Or l'établissement a attaqué cette décision devant le Conseil d'Etat, qui nous a donné tort. Ironie du sort, il s'est prononcé la veille de l'annonce de la dégradation probable de la note du CIF, qui l'a obligé à cesser ses activités. Pour l'avenir, il faudra veiller à sécuriser juridiquement le système afin de faire respecter nos demandes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Je suis sceptique sur la capacité de l'outil informatique à remplacer l'accueil par des agents. La suppression de succursales, de lieux d'accueil, de postes d'agents peut-il être sans conséquence pour le traitement des dossiers ? J'en doute. En Lorraine, vous avez fermé des succursales dans un certain nombre de bassins économiques : les effets néfastes sur les entreprises ne se sont pas fait attendre. Quant au surendettement des particuliers, il a encore augmenté de 8 % à 10 % : je crains que la phase amiable, une fois vos services ainsi modernisés, disparaisse. Ce sera directement le contentieux !

La caisse fiduciaire de Metz est la seule maintenue dans la région. Les transports de fonds vont se multiplier : quid de la sécurité ?

Vous prévoyez que la Banque de France se désengagera pour moitié du tri des billets au profit d'opérateurs privés. Cela a un coût. Le prix des retraits au distributeur ne va-t-il pas se renchérir ? Enfin, que pensez-vous de la création d'un fichier positif, c'est-à-dire un fichier des particuliers en difficulté ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je comprends les raisons qui ont conduit à confier la supervision bancaire à la BCE. Mais pourquoi conserver alors l'Autorité bancaire européenne ? Elle a fait son travail honnêtement, mais sans plus. Supprimons-la, au lieu de la maintenir sous respiration artificielle.

La gouvernance sera semble-t-il assurée par un conseil de surveillance, qui rapportera au Conseil des gouverneurs. La politique de surveillance rejoindrait alors la politique monétaire ; les garants de la politique monétaire européenne auraient à prendre des décisions concernant telle ou telle banque. Ne vaudrait-il pas mieux découpler les deux ?

Quant à la composition, le conseil de surveillance pourrait inclure, outre les superviseurs nationaux, des personnalités extérieures : c'est une option intéressante. Est-il normal, en revanche, qu'y siègent des superviseurs d'Etats non membres de la zone euro ? Je déplore, soit dit en passant, que la BCE ne surveille pas dix pays de l'Union européenne : il y aura de grosses fuites dans le système... Des pays demeurent hors zone euro : libre à eux, mais pourquoi leur offrir une place autour de la table ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Comment évolue, en tendance lourde, la masse monétaire fiduciaire, à une époque où se développent considérablement les paiements électroniques ?

À vous entendre, toutes les décisions de gestion, toutes les réorganisations vont engendrer des gains de productivité. Je vois là une pétition de principe. Comment se répartit actuellement le personnel entre les différentes missions ? Comment cette ventilation affectera-t-elle vos décisions à venir ? Quels investissements seront nécessaires, machines à trier les billets ou autre ? Nous avons besoin d'un peu plus d'informations pour être rassurés.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

La mise en place de l'union bancaire européenne est un sujet bien complexe. La BCE se voit confier un contrôle global, mais certains Etats-membres demandent des seuils : si bien que 100 % des banques françaises seraient contrôlées, mais seulement 10 % des allemandes. Ai-je bien compris ?

N'est-il pas temps de créer en France des banques régionales de pleine décision, je songe à la Banque publique d'investissement en cours de création, au lieu de tout faire remonter à Paris ? Les Landesbanken allemandes sont des partenaires majeurs des collectivités. Les économies régionales souffrent de l'éloignement des décideurs.

J'ai eu la chance de visiter les lieux où l'on serre les réserves-or du pays...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Une expérience à vivre ! Notre commission ayant été largement renouvelée, peut-être le gouverneur Noyer nous proposera-t-il à nouveau une telle visite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

L'importance des réserves-or pèse-t-elle dans la solvabilité du pays ?

On ne peut se contenter de dire que le modèle du CIF est dépassé : il faut en trouver un autre ! Aucune autre banque ne fera la même offre de crédit aux locataires qui accèdent à la propriété de leur logement social. Que deviendront la diversité, la mixité, si aucun banquier ne s'intéresse à ce segment ? Le CIF était un instrument important pour les maires.

Il y a un an, on annonçait déjà le transfert imminent de DMA à la CDC et à la Banque postale. Aujourd'hui, les accords ne sont toujours pas en vue. Les banques financent plus qu'avant les collectivités, dites-vous. Pas partout ! Des communes, des hôpitaux, rencontrent des difficultés de financement. Or le patron de la Banque postale vise seulement la moitié de l'activité de Dexia. Il restera des zones blanches...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je souscris tout à fait aux évolutions imprimées à la Banque de France. En France, on accepte les réformes avec enthousiasme pourvu qu'elles aient lieu chez le voisin : je vous félicite de votre action résolue. La Cour des comptes, chiffre sorti du chapeau ou non, vous appelle à un effort supplémentaire de rationalisation, de modernisation. Je suis persuadé que vous travaillez dans cette direction, je ne m'inquiète pas, du reste les 5 000 départs en retraite vous faciliteront la tâche. Enfin, le maintien de 32 caisses me paraît excellent : ce réseau, à l'ère de l'informatique, est parfaitement suffisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Je voudrais insister sur les trois fonctions nationales de la Banque de France. Il y a le conseil aux entreprises. Il y a aussi l'expertise auprès des collectivités locales, et je regrette que la Banque n'ait plus la même présence que dans les années soixante-dix ou quatre-vingt. Le conseil aux particuliers, enfin : Mme Escoffier et Mme Dini ont rédigé un excellent rapport d'évaluation de la loi Lagarde sur l'endettement, qui montre que la loi n'est pas correctement appliquée. Il ne s'agit pas seulement d'analyse de dossiers, mais d'information et de contacts.

Le parallèle avec l'Allemagne ne vaut pas, car la configuration économique et urbaine est très différente d'un pays à l'autre. Je vous engage à expliquer en détail et sur le terrain les orientations que vous prenez, pour éviter de creuser encore le fossé entre la population et les décideurs que nous sommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Une question complémentaire : pourrait-on se passer complètement de monnaie fiduciaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je soutiens l'idée d'une organisation fortement décentralisée, pour la BPI par exemple. Vous avez un souci de rationalisation, je le comprends. Nous souhaitons, nous, une gestion au plus près des terroirs. Je ne suis guère rassuré par vos propos sur l'évolution du réseau. La forte diminution des effectifs n'est pas gage d'un professionnalisme accru.

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

L'évolution du réseau fiduciaire se décide bien sûr en concertation avec le ministère de l'Intérieur, sur le volet sécurité. Ainsi un audit de tous les transports et convois a été réalisé il y a quelques années par la gendarmerie nationale. Il est hors de question d'inventer les solutions dans notre coin !

M. Hervé a raison, la comparaison avec l'Allemagne ne saurait être poussée trop loin. Pour information, tout de même, nous conserverions un réseau de caisses équivalent à celui de notre voisin, où il circule deux fois plus de billets. Les critères d'étendue des territoires, d'organisation des transports de fonds, l'emporteront sur le volume de billets à traiter. Coût supplémentaire pour les clients qui utilisent les distributeurs ? Notre objectif, je le précise, n'est nullement de réduire de moitié le traitement des billets, ce sont les banques qui souhaitent nous en apporter moins, afin de réaliser des économies. Elles peuvent participer au tri des billets avec des machines spécialisées. Mais certains signes d'authenticité ne sont détectables que par la Banque de France ; il nous faut conserver au moins 50 % du traitement pour assurer que la circulation fiduciaire demeure de bonne qualité. Les banques, donc, développent leur propre recyclage, mais dans le respect de ce seuil. Et cela ne causera pas de facturation supplémentaire aux clients.

Une organisation des caisses plus resserrée entraînera des gains de productivité. L'automatisation diminuera considérablement les manipulations pénibles - source, soit dit en passant, de nombreuses pathologies musculo-squelettiques - et le gardiennage sera réduit. Mais un point d'équilibre est à trouver : il est de nature technique et non lié aux frontières départementales.

Quant aux activités tertiaires, l'une des raisons fondamentales, en dehors des départs à la retraite, qui nous pousse à étaler la réalisation du plan sur les années 2016 à 2020 réside dans le développement préalable d'outils informatiques. Toutes les entreprises modernes, efficaces, optimisent le work-flow, c'est-à-dire la circulation des dossiers dans leur circuit interne. Nous entendons concentrer le travail humain, non sur les traitements mécaniques, mais sur les tâches qui font appel à la matière grise. Cela est plus enrichissant mais requiert moins de collaborateurs. Vous savez que l'Etat nous rembourse le traitement des dossiers de surendettement : il nous demande que ce coût n'augmente pas. Or le nombre de dossiers, lui, ne cesse de croître. Nous n'avons pas d'autre choix que de dégager des gains de productivité.

Un rapport de l'Inspection générale des finances conclut que cinq centres de traitement suffisent pour tout le territoire français. J'ai pour ma part expliqué que le gain d'une réduction de 120 centres à une quarantaine est considérable, mais celui d'une réduction de 35 à 5, très faible. Mieux nous répartirons l'activité sur le territoire, mieux la Banque de France s'en portera. Je ne suis pas hostile à la délocalisation des services, comme à Poitiers, ou à Marne-la-Vallée. J'ai travaillé en ce sens depuis ma prise de fonction. Il n'y a pas lieu de rapatrier à Paris tout ce qui peut être fait dans les territoires. Les services centraux ont du reste contribué aux gains de productivité, notamment dans les fonctions support, je pense à la gestion des ressources humaines ou au traitement des achats.

- Présidence de M. Yvon Collin, vice-président. - 

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Quel est le taux de remplacement des agents dans les services centraux et dans le réseau ?

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

Nous réalisons tous les gains de productivité possibles, partout, en fonction des réalités et en conservant les moyens de nos missions. La moyenne d'âge dans les services centraux parisiens est inférieure à la moyenne nationale, le taux de départ n'est pas le même qu'en région. D'une région à l'autre, du reste, ce taux varie. Mais ne croyez pas que l'effort soit concentré sur le réseau.

Il demeure une marge d'amélioration de la productivité sur la fabrication des billets. Cette activité mobilisait 2 000 agents il y a quinze ans, 900 aujourd'hui. La production, dans le même temps, a été multipliée par deux et demi. Mais nous pouvons encore faire des gains.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Quand il n'y aura plus de monnaie fiduciaire, on fera vraiment des économies !

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

On a longtemps prétendu que la monnaie électronique ferait disparaître la monnaie fiduciaire. Si ce jour arrivait, alors les bénéfices de la Banque de France disparaîtraient eux aussi : elle ne paierait plus d'impôt sur les bénéfices et il vous faudrait trouver une compensation à cette perte de recettes. Notre revenu provient de la vente des billets aux banques, qui pour ce faire empruntent à la Banque de France et paient un intérêt.

J'en viens à l'activité de conseil. Nous savons manier des systèmes experts sophistiqués. Je ne sais ce qu'était le conseil aux entreprises dans les années soixante-dix, mais nous avons ces dernières années développé des outils d'aide à la décision et d'analyse destinés aux PME, très performants, fondés sur l'exploitation de nos bases de données. Nous n'avons pas modifié les seuils de cotation des entreprises, mais nous utilisons pour les plus petites des outils spécifiques et nous disposerons bientôt d'un système encore plus affiné. Nos produits rencontrent un succès mérité au-delà même des PME. La région Bretagne nous a confié une étude sur la réindustrialisation de certaines filières ; nous en avons réalisé une autre pour la fédération des industries aéronautiques et elle a été si satisfaite qu'elle en souhaite une actualisation régulière.

Puisque j'évoque la Bretagne, j'ajoute que dans cette région, le regroupement des forces dans un plus petit nombre de centres n'a pas nui à la production d'analyses de haut niveau et d'études sophistiquées. Et si nous avions conservé 225 lieux de traitement des entreprises, comme avant 2003, nous n'aurions pas été capables de prendre en charge la médiation du crédit dans la période récente. Vos remarques m'aideront à modifier ce qui doit l'être, mais sur l'articulation générale, je n'ai aucun doute.

Dans l'Union européenne, il y a un marché unique, il est normal que l'entité de régulation s'assure d'une mise en oeuvre unifiée des règlements européens touchant le système bancaire. Dès lors que le sous-ensemble zone euro disposerait d'une supervision bancaire de type fédéral, la tâche de l'Autorité bancaire européenne devrait être allégée, elle ne gèrerait plus les « stress tests » européens, par exemple. Et le jour où la zone euro couvrira toute l'Union européenne, il sera judicieux de tout regrouper à la BCE. Mais cela n'est pas possible aujourd'hui.

Sur la gouvernance de la supervision bancaire, dès lors qu'il fallait aller vite, pour contrer la crise, il n'était pas envisageable de négocier un nouveau traité. On a donc eu recours à un article du traité qui donne la possibilité de déléguer des responsabilités à la BCE, c'est ainsi le Conseil des gouverneurs qui aura la responsabilité suprême. Lui-même sub-déléguera au nouveau conseil de surveillance la totalité des décisions individuelles. Seuls des cas de principe seront soumis aux gouverneurs, jamais des dossiers précis. De la même façon, au niveau national, je préside le collège plénier de l'ACP, mais celui-ci ne se prononce que sur les questions de principe. Je ne préside pas les deux sous-collèges qui traitent les dossiers des banques et des assurances. Et cela fonctionne.

L'union bancaire recouvre uniquement les pays de la zone euro. C'est que le problème né du lien entre dette souveraine et dette bancaire se pose là seulement : les dépôts peuvent se déplacer instantanément quand un pays n'inspire plus confiance dans le contexte d'une monnaie unique. Peut-être pourrait-on envisager une instance d'observateurs pour les Etats non membres de la zone.

Je veux préciser à M. Delattre que si la supervision européenne ne devait viser que les grandes banques, la France devrait s'y opposer, car les problèmes n'auraient alors guère de chance de trouver une solution ! Les banques irlandaises, espagnoles ou allemandes qui ont été en difficulté n'étaient pas de grands groupes... Il y a des petits établissements de grande qualité, mais une supervision qui ne s'appliquerait pas à tout le système n'aurait aucun sens. En revanche, le degré d'implication de la BCE peut varier selon la taille des banques - sachant que les superviseurs nationaux doivent lui transmettre leurs modèles de surveillance.

Je suis convaincu que les établissements bancaires en général sont allés trop loin dans la concentration des décisions et nous leur demandons d'en redéfinir le partage. Des banques régionales peuvent avoir une gestion de très bonne qualité, mais les Landesbanken ne sont pas un exemple probant : ce sont elles qui ont connu, en Allemagne, les plus grosses difficultés, et l'État allemand a dû les recapitaliser.

Nous avons vendu 500 tonnes d'or de nos réserves. La Cour des comptes a estimé que le prix de vente était faible : c'est un jugement aisé, après-coup. Nous avons conservé des réserves suffisantes pour garantir tous les risques de change - la Bundesbank a conservé 4 000 tonnes, nous un peu moins de 3 000, mais elle assume 30 % des risques de la BCE, nous 20 %. Nous avons, plus que nos homologues, étalé les ventes dans le temps, et les cours de l'or remontant, nous nous en sommes mieux trouvés. Toutes les réserves ont été fusionnées, dont celles pour risques sur prêts de la France au FMI, qu'il ne faut pas oublier...

La Banque postale est déterminée à couvrir les besoins de la clientèle du CIF. Le relais sera pris par les autres banques également, notamment les Caisses d'épargne et le Crédit mutuel... à condition qu'un niveau de sécurité suffisant soit assuré.

Un dernier mot, à propos de Dexia : les banques à fin 2012 auront dépassé les engagements de volume pris auprès du ministère des finances, en matière de crédit aux collectivités territoriales. Cela ne signifie pas que le financement soit partout assuré. Nous mettons en place actuellement un système de surveillance de ces crédits beaucoup plus fin que dans le passé.

Puis la commission entend la communication de MM. Georges Patient et Eric Doligé, rapporteurs spéciaux, sur la défiscalisation du logement social en outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

La situation du logement en outre-mer est l'objet récurrent de travaux parlementaires, qui ont pour principal point commun d'aboutir à des constats alarmants. La mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer, dont Georges Patient était vice-président et moi-même rapporteur, rappelait ainsi, en juillet 2009, que « la question du logement présent[ait] une gravité et une acuité particulières outre-mer ».

Cette crise touche en particulier le logement social. Je rappelle que les besoins sont considérables : d'après l'institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM), en 2008, près de 166 000 personnes étaient en attente d'un logement dans les quatre départements d'outre-mer, soit près de 10 % de la population totale. Rapporté à la population métropolitaine, ce chiffre représenterait près de 6 millions de personnes.

Cette situation s'explique par le dynamisme de la demande. D'une part, la croissance démographique est beaucoup plus forte en outre-mer qu'en France métropolitaine. D'autre part, la proportion de ménages à faibles ressources y est très forte. Le pourcentage de population éligible au logement social va ainsi de 75 % à la Réunion à 80 % en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane.

Face à cette croissance de la demande, l'offre n'a pas suivi.

En effet, la construction de logements sociaux se heurte à des difficultés particulières, propres à ces territoires. Tout d'abord, les matières premières y sont plus chères qu'en métropole, et par conséquent le coût de la construction y est plus élevé. Par ailleurs, les collectivités locales y manquent de ressources. Enfin, la ressource foncière y est rare et difficile à mobiliser.

Ainsi, en 2008, notre ancien collègue Henri Torre, alors rapporteur spécial de la mission outre-mer, observait une baisse de 22 % de la production de logements locatifs sociaux entre 2005 et 2007.

La commission des finances avait souligné à plusieurs reprises que la construction de ce type d'habitat se heurtait également à une inadaptation du dispositif d'aide fiscale ciblé en faveur du logement intermédiaire et libre, créant un véritable effet d'éviction au détriment du logement social.

Dès 2006, Henri Torre s'inquiétait des effets pervers du dispositif mis en place par la loi dite « Girardin ». Il demandait donc un recentrage du dispositif de défiscalisation sur le logement social, appel réitéré dans un autre rapport en 2008.

La mise en place d'un dispositif de défiscalisation spécifique au logement social dans la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM), ainsi que l'extinction progressive de la défiscalisation dans le secteur libre et intermédiaire, allait donc dans le sens préconisé, depuis plusieurs années, par la commission des finances.

Plus de trois ans après l'adoption définitive de la loi, nous avons souhaité, avec Georges Patient, mettre en oeuvre une mission de contrôle, afin d'évaluer l'efficacité de ce dispositif, son apport au financement du logement social en outre-mer, ses résultats en termes de logements construits et son coût pour les finances publiques.

Rappelons tout d'abord les grandes lignes du mécanisme mis en place, en 2009, par le précédent Gouvernement.

Ce dispositif prévoit qu'un contribuable qui investit dans la construction de logements sociaux outre-mer, sous certaines conditions, peut déduire 50 % du prix de revient de son impôt sur le revenu. Les logements ainsi financés sont loués pour une durée d'au moins cinq ans à un organisme de logement social, qui les sous-loue dans le respect de plafonds de ressources et de loyer.

Cet investissement n'est pas un investissement patrimonial : à la fin de la période de location, les logements sont cédés à l'organisme de logement social. Une part de la réduction d'impôt dont a bénéficié le contribuable, qui ne peut être inférieure à 65 %, doit être rétrocédée à l'organisme de logement social, sous forme d'une diminution des loyers versés et du prix de cession.

La réduction d'impôt ouverte au titre de ce dispositif entre, à hauteur de 35 %, dans le cadre des plafonnements des « niches fiscales », que ce soit pour le plafonnement global - pour l'instant fixé à 18 000 euros et 4 % du revenu imposable - ou pour le plafonnement propre aux « niches fiscales » outre-mer - actuellement fixé à 40 000 euros ou 15 % du revenu imposable.

Les programmes ainsi financés comportent uniquement des logements sociaux, respectant au minimum les plafonds des « prêts locatifs sociaux » (PLS). 30 % au moins de ces logements doivent respecter des plafonds de ressources et de loyer plus bas encore, correspondant, dans les départements d'outre-mer, à des « logements locatifs sociaux » (LLS) et à des « logements locatifs très sociaux » (LLTS).

Le montage d'un programme peut cumuler plusieurs sources publiques de financement.

Il peut faire l'objet d'une subvention budgétaire à partir des crédits de la LBU (« ligne budgétaire unique »). Il peut bénéficier de fonds apportés par la défiscalisation, que ce soit en vertu du dispositif qui nous intéresse, ou à partir de l'aide fiscale assise sur l'impôt sur les sociétés, qui n'est pas exclusivement réservée au logement social et n'a pas été modifiée par la LODEOM. Enfin, il peut se voir octroyer un prêt bonifié par la Caisse des dépôts et consignations.

Le projet fait l'objet d'un agrément au niveau local, par la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL), après un examen technique du dossier. Selon le montant du projet, il doit également être agréé par l'administration fiscale. Enfin, le ministère de l'outre-mer donne un avis.

Au terme de cette mission de contrôle, nous pouvons dire que ce dispositif a su séduire les contribuables-investisseurs.

Cela s'explique notamment par la « rentabilité » qui leur est offerte. Les auditions que nous avons menées nous ont conduit à l'estimer entre 15 % et 18 % de l'investissement, nette d'impôt.

À cette rémunération, s'ajoute le caractère très sûr de cet investissement. En effet, le risque que le bailleur social ne mène pas à son terme le projet est extrêmement faible et celui de ne pas trouver de locataire également.

Les cabinets en défiscalisation que nous avons rencontrés nous ont d'ailleurs confirmé qu'ils n'avaient pas de difficulté à trouver des contribuables.

Concernant le profil des bénéficiaires du dispositif, ils sont métropolitains en très grande majorité - entre 95 % et 97 % -, et se situent parmi les contribuables les plus aisés : 90 % d'entre eux appartiennent au dernier décile de revenu fiscal.

S'agissant enfin de la rémunération des cabinets de défiscalisation, nous estimons, malgré une divergence d'appréciation avec ces mêmes cabinets, qu'elle se situe dans une fourchette comprise entre 12 % à 16 % de la réduction d'impôt.

Nous avons cherché à savoir dans quelle mesure la réforme avait bénéficié au logement social.

Comme nous l'avons vu précédemment, la loi prévoit que 65 % au moins du montant de la réduction d'impôt soient rétrocédés à l'organisme de logement social. Ce taux de rétrocession revêt un caractère fondamental, dans la mesure où il détermine quelle part de la dépense fiscale bénéficie effectivement au logement social.

Nous avons constaté que, dans les faits, il est sensiblement plus élevé que les 65 % prévus par la loi. Au terme des auditions que nous avons menées, en nous basant sur les différentes estimations de la Délégation générale à l'outre-mer et du bureau des agréments à Bercy, nous pouvons estimer qu'il se situe entre 72 % et 75 %.

Cette différence s'explique par le caractère concurrentiel du « marché de la défiscalisation » : pour remporter les appels d'offre lancés par les organismes de logement social, les cabinets en défiscalisation doivent proposer un taux de rétrocession plus élevé. Celui-ci permet donc d'accroître la part de la dépense fiscale qui bénéfice au logement social. Au total, on peut estimer que le dispositif qui nous intéresse permet d'apporter près de 150 millions d'euros au secteur chaque année.

Nous avons également voulu vérifier que cet apport de la défiscalisation venait bien s'ajouter aux crédits de la LBU, de façon à augmenter en proportion le nombre de logements financés.

Ceci nous a conduits à dresser deux constats.

D'une part, la possibilité de cumuler les deux modes de financement peut faire courir le risque que l'administration, au lieu de compléter les crédits budgétaires par l'apport de la défiscalisation, substitue cette dernière à l'utilisation de la LBU, afin d'économiser les crédits budgétaires.

Cette inquiétude s'était déjà exprimée au Sénat lors des débats sur la LODEOM. Un amendement avait alors été adopté pour inscrire dans la loi que la LBU demeurait le socle du financement du logement social outre-mer, principe que la ministre chargée de l'outre-mer a encore confirmé lors de l'examen du PLF pour 2011.

Pourtant, dans une circulaire de 2010, celle-ci indiquait expressément que le recours à la défiscalisation devait conduire à une modération de la subvention, voire à une absence totale de subvention.

Nos auditions sur le terrain n'ont fait que confirmer ces propos, bien qu'il faille souligner qu'une nouvelle circulaire de février 2011 a rappelé aux préfets que la LBU devait demeurer le socle du financement du logement social outre-mer.

Nous nous inquiétons malgré tout du risque de sous utilisation des crédits de la LBU, en contradiction avec l'esprit de la LODEOM et les engagements du Gouvernement précédent.

Nous rappelons à ce titre que nous avions déjà donné l'alerte, dans le rapport sur la loi de règlement pour 2011, sur le taux relativement bas d'exécution des crédits de la LBU. Celui-ci s'élevait à 67 % en ce qui concerne les autorisations d'engagement.

Nous souhaitons donc que le nouveau Gouvernement renouvèle l'engagement de son prédécesseur et nous serons particulièrement attentifs, dans le cadre de nos fonctions de rapporteurs spéciaux de la mission « outre-mer », au taux d'exécution de la LBU.

D'autre part, la possibilité de cumuler les deux modes de financement ouvre la faculté de diminuer le loyer de sortie pour l'organisme de logement social, en permettant d'accroître la part de financement public dans un même projet.

Cette possibilité résulte de la grande liberté des DEAL dans la fixation de la subvention LBU. Nos auditions ont ainsi montré qu'elles tendaient à se donner un objectif de loyer de sortie inférieur aux plafonds fixés par la loi, afin que l'offre de logement corresponde davantage à la demande réelle.

Nous soutenons cette volonté de modérer les loyers de sortie, mais nous considérons néanmoins qu'il faudrait clarifier les règles du cumul entre la LBU et l'aide fiscale, si besoin en fixant des niveaux de contribution selon des critères précis, définis à l'avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Sur le plan des résultats obtenus, l'examen des données chiffrées qui nous ont été transmises par la délégation générale à l'outre mer révèle une relance effective de la construction de logement social outre-mer.

En 2011, le nombre de logements sociaux financés dans les DOM a dépassé de 70 % la moyenne des années 2006 à 2009. La progression a été très forte en 2010, première année de pleine application du dispositif, et se poursuit en 2011, en atteignant respectivement 32 % et 16 %.

Cette augmentation est bien imputable à la défiscalisation. Si l'on prend l'année 2011, 90 % des logements financés ont eu recours, au moins partiellement, à la défiscalisation et un tiers à la défiscalisation seule.

L'augmentation des logements livrés ne suit pas encore la même évolution, mais cela peut s'expliquer par les délais de construction, compris entre deux et trois ans. En revanche, le nombre de logements mis en chantier a considérablement augmenté. Il a progressé de 40 % chaque année en 2010 et 2011.

S'agissant du coût du dispositif pour les finances publiques, il a atteint 68 millions d'euros en 2011. Pour 2012, le PLF avait estimé son coût à 80 millions d'euros, mais ce montant nous semble largement sous-évalué. Nous avons estimé qu'il se situait plutôt autour de 260 millions d'euros. Le PLF pour 2013 indique d'ailleurs, pour l'année 2012, un montant de 210 millions d'euros en exécution, ce qui nous paraît plus proche de la réalité.

Par ailleurs, nous avons souhaité savoir si l'on observait un report de l'ancien dispositif « Giradin » vers le nouveau.

En termes de dépense fiscale, l'ancien dispositif se situe encore à 265 millions d'euros, mais devrait connaître une diminution de 90 millions d'euros en 2013 par rapport à 2012. Cela ne suffit pas pour autant à conclure à un report d'un dispositif à l'autre, car la comparaison des deux en termes de dépense fiscale n'est pas forcément pertinente. En effet, le champ des deux dispositifs n'est pas strictement identique et la réduction d'impôt dans l'ancien dispositif s'étale sur cinq ans, contre un an dans le nouveau.

En termes de report des contribuables, il nous a été tout aussi difficile de nous prononcer sur son effectivité, dans la mesure où seule une étude des déclarations des bénéficiaires permettrait d'apporter une vraie réponse à cette question.

Nous n'avons pas occulté les différentes critiques à l'égard de ce dispositif, qui appellent à sa budgétisation par majoration, à due concurrence, de la LBU.

Le choix de la défiscalisation entraine en effet un surcoût, puisqu'il faut rémunérer le contribuable-investisseur ainsi que le monteur du projet. Ce surcoût a été estimé à 30 % dans le rapport du comité Guillaume « d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales ». La budgétisation garantirait également que la dépense fiscale bénéficie intégralement à l'outre-mer et au logement social. Enfin, elle assurerait une maîtrise de son coût pour les finances publiques, s'agissant de crédits budgétaires limitatifs.

Cependant, au terme de notre travail de contrôle, nous estimons que le dispositif de défiscalisation doit être maintenu, pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, ce dispositif concerne un secteur prioritaire. La Cour des comptes a pu parfois regretter que les dépenses fiscales outre-mer n'aient pas toujours eu pour objet les investissements les plus utiles.

Or, en l'occurrence, elle a elle-même souligné que le dispositif qui nous intéresse est une priorité de la politique outre-mer, partagée de façon extrêmement large.

Il ne nous semble donc pas opportun de prendre le risque de porter un coup très dur au logement social outre-mer, alors que le dispositif a montré qu'il portait ses fruits en termes de logements engagés.

D'autre part, ce dispositif est l'une des aides fiscales les plus efficaces. Le comité Guillaume a attribué à ce dispositif le score de 2, sachant que les dépenses fiscales étudiées se voyaient attribuer une note comprise entre 0 et 3. Il fait ainsi partie du tiers des dépenses fiscales étudiées les plus efficaces, qualifiées de « pleinement ou relativement efficientes ».

A cet égard, on peut ajouter que cette « niche fiscale » se distingue d'autres dispositifs par le faible risque de fraude qu'elle comporte. En effet, la quasi-totalité des projets font l'objet d'un agrément et les organismes de logement social sont soumis à des contrôles qui limitent le risque de fausses factures.

Par ailleurs, la suppression du dispositif ne garantirait pas une diminution de la dépense fiscale. Dès lors que les investissements outre-mer restent soumis à des plafonds globaux encore élevés, il existe en effet une masse de fonds à défiscaliser, en quelque sorte incompressible, qui ne dépend pas des dispositifs mis en place ou supprimés. Elle s'oriente vers le dispositif qui lui semble le plus « rentable », à des fins d'optimisation fiscale. La suppression du dispositif ne pourrait entrainer alors qu'un mouvement de report sur d'autres aides fiscales, sans diminuer le coût global pour les finances publiques. De même, l'abaissement du plafond ne garantirait pas une diminution de la dépense, la base de contribuables ayant recours à la défiscalisation pouvant s'élargir.

Enfin, ce dispositif est pilotable. Si le risque de dérapage venait à se concrétiser, l'administration fiscale pourrait bloquer les agréments lorsqu'un certain montant, fixé à l'avance, serait atteint dans l'année.

Pour toutes ces raisons, nous considérons que cette aide fiscale doit être maintenue, sous réserve de quelques ajustements.

Au terme du travail de contrôle que nous avons effectué, nous insistons sur la nécessite de garantir une meilleure adéquation entre l'offre et la demande de logements.

En effet, si la demande en logement social est extrêmement forte, il faut souligner que celle-ci tend à avoir un profil « particulièrement social ». Ainsi, dans l'ouest guyanais, 90 % des demandeurs de logement social relèvent du LLTS. Plusieurs de nos interlocuteurs ont attiré notre attention sur le risque que la demande de logements en PLS soit rapidement satisfaite.

En permettant d'accroître la part des financements publics dans un projet, et de diminuer ainsi le loyer de sortie, la défiscalisation apporte une partie de la réponse, mais ne suffit pas. Nous proposons donc d'augmenter la part de logements LLS et LLTS de chaque programme, actuellement fixée à 30 % au moins. Cette exigence pourrait également concerner les logements financés par la défiscalisation à l'impôt sur les sociétés.

Nous avons en outre constaté sur le terrain le manque d'informations sur ce sujet. Nous proposons donc de mettre en oeuvre, dans chaque collectivité, un état des lieux du logement et de la demande de logement, en concertation avec les acteurs locaux. Il permettra entre autres de fixer une échéance claire de résorption de la demande de logements sociaux.

Nous rappelons enfin la difficulté à mobiliser la ressource foncière, qui est un problème ancien en outre-mer, en raison des caractéristiques géographiques de ces territoires, mais également des difficultés des collectivités, du fait de leurs faibles ressources, à viabiliser les terrains. Elle est aggravée enfin par le problème de l'indivision. Tout cela complique pour les pouvoirs publics la constitution de réserves foncières.

En réponse à ce problème, nous insistons sur la nécessité de rendre enfin effectif le Groupement d'intérêts publics « Indivision », prévu par la LODEOM et qui, plus de trois ans après l'adoption de la loi, n'a toujours pas été mis en place.

Par ailleurs, nous appelons les collectivités qui ne l'ont pas encore fait à se doter d'établissements publics fonciers. L'exemple guyanais, notamment, a montré que cet outil permettait d'atteindre de bons résultats.

Pour conclure, nous suggérons de « flécher » les crédits de la LBU qui ne seraient pas consommés, grâce à l'apport de la défiscalisation, vers les fonds régionaux d'aménagement foncier urbain, qui permettent de financer les opérations de viabilisation et d'accroître ainsi la ressource foncière.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je regrette que lorsqu'il s'agit des niches fiscales en général, nous soyons tous plus ou moins favorables au principe de leur suppression, mais que dès lors que l'on évoque concrètement la suppression d'un dispositif, on trouve toujours quelqu'un pour le défendre.

Sur le fond, je n'ai pas bien saisi les différents chiffres cités par nos rapporteurs spéciaux. Il m'a semblé que 150 millions étaient défiscalisés chaque année ? Quant au coût pour l'Etat, vous avez évoqué plusieurs montants, dont celui de 210 millions : qu'en est-il exactement ?

Je me demande si nous n'arriverions pas au même résultat en supprimant cette niche fiscale et en budgétisant le coût qu'elle représente au profit de la LBU, en s'assurant que cette dernière soit totalement utilisée.

D'autre part, nos rapporteurs spéciaux nous ont expliqué que s'ils n'étaient pas utilisés sur ce dispositif, les fonds à défiscaliser se reporteraient sur d'autres niches. Il me semble pourtant que le projet de loi de finances va abaisser le plafonnement des niches fiscales. Je ne vois donc pas où pourraient se reporter ces fonds.

Enfin, concernant la vie chère, pourrait-on avoir des éléments sur les prix des loyers outre-mer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Ce sujet est délicat car, comme l'ont rappelé nos rapporteurs spéciaux, 10 % de la population des départements d'outre-mer est en attente d'un logement social. En ce qui concerne le coût pour les finances publiques, pourriez-vous nous repréciser les chiffres ?

J'ajoute que je suis tout à fait d'accord avec la proposition de Georges Patient et Eric Doligé sur les établissements publics fonciers. Le cas guyanais pourrait être étendu à l'ensemble de ces territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Je m'étais rendu en outre-mer à l'époque où existaient des dispositifs de défiscalisation liés aux investissements hôteliers. Ces niches fiscales étaient très mal perçues localement. Qu'en est-il du dispositif relatif au logement social ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

En ce qui concerne les différents montants, le chiffre de 80 millions correspond à ce qui avait été prévu en loi de finances initiale pour l'année 2012, tandis que le chiffre de 210 millions correspond à ce que devrait effectivement être le coût du dispositif, toujours pour l'année 2012. C'est tout le problème des dépenses fiscales, dont le montant est difficile à prévoir. Quant aux 150 millions, ils correspondent à la part de ces 210 millions qui a effectivement bénéficié au logement social. On a rappelé tout à l'heure que le taux de rétrocession était légèrement supérieur à 70 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Il y a 150 millions d'euros qui bénéficient au logement social, mais le coût pour les finances publiques est de 210 millions ? Ce n'est pas une bonne opération...

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Avant la réforme de 2009, ces fonds finançaient le logement libre et intermédiaire. La LODEOM a permis de recentrer la dépense fiscale sur le logement social. On a redynamisé le secteur et l'on voit que le dispositif porte ses fruits. L'opportunité de budgétiser cette aide fiscale se pose - et nous nous la sommes posée - mais nous y avons répondu par la négative.

S'agissant du montant des loyers, je peux vous indiquer que les plafonds, pour le PLS, vont de 9,39 euros à 14,40 euros par mètre carré, selon le territoire. En ce qui concerne les logements LLS, ils vont de 6,26 euros à 9,60 euros par mètre carré.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

A-t-on la certitude que ces logements seront occupés par des personnes qui en ont réellement besoin ?

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Les pièces justificatives requises pour une demande de logement social sont les mêmes qu'en France métropolitaine, il n'y donc pas d'inquiétude à avoir sur ce point.

En réponse à la question de Pierre Jarlier, je voulais préciser qu'effectivement, la défiscalisation a pu être décriée, y compris dans ces territoires. Mais les abus qu'il y a pu y avoir ont été corrigés.

Et aujourd'hui, l'Etat ne dispose pas d'autres moyens pour relancer le logement social en outre-mer, étant donné la situation économique dans laquelle nous nous trouvons. C'est pour cela que le Gouvernement, au moins pour cette année, n'a pas proposé de modifier ce mécanisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Pour finir, je tiens à vous faire part d'un élément qui m'a particulièrement surpris. Il nous a été relaté que des travailleurs portugais venaient travailler en Martinique, à des salaires extrêmement bas, concurrençant ainsi les entreprises de BTP locales. Ce genre de difficulté, que l'on pourrait penser réservée à la métropole, touche également l'outre-mer.

A l'issue de ce débat, la commission, à l'unanimité, donne acte de leur communication à MM. Georges Patient et Eric Doligé, rapporteurs spéciaux, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

La commission entend enfin la communication de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, sur l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Nous avons l'habitude des débats politiques et politiciens sur les questions d'immigration et d'intégration. Il faudrait dépassionner ce débat et se concentrer sur la question de fond qui est de savoir comment donner les moyens aux immigrés de s'intégrer, c'est-à-dire de participer à la société française et à son développement.

La France a mis sur pied divers organismes successifs pour promouvoir cette intégration. Il a été décidé, il y a cinq ans, de les fusionner pour créer un organisme public unique, l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). L'OFII dispose d'un vrai rôle de définition des politiques d'intégration pour les étrangers dans les cinq premières années de leur présence en France. A ce titre, il fournit diverses prestations pour l'insertion des immigrés : des formations linguistiques pour ceux d'entre eux qui ne parlent pas le français, des formations civiques pour apprendre les valeurs de la République, un bilan de compétences professionnelles pour valoriser les expériences et les qualifications professionnelles, ou encore une visite médicale pour tous les étrangers. Par ailleurs, l'OFII assure d'autres missions au-delà de l'intégration, en particulier la gestion du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile ainsi que la politique d'aides au retour. En apparence, l'OFII est une structure efficace et qui ne représente pas un coût important pour l'État, puisque la grande majorité de son budget de 172 millions d'euros est financée par des taxes acquittées par les étrangers eux-mêmes. Pourtant, pour l'ensemble de ses missions, l'OFII dispose de seulement 850 agents. Certes, il passe des conventions avec des prestataires privés qui organisent les différentes formations. Mais la structure reste très légère, avec un budget contraint et un plafond d'emplois qui s'est réduit d'année en année.

Dès lors, les politiques mises en oeuvre ne sont pas à la hauteur de leurs objectifs. S'agissant de l'intégration, les formations linguistiques en fournissent un premier exemple. Ces formations ne visent qu'un niveau A1 du cadre européen de référence, qui correspond à la fin de maternelle. De plus, il n'y a pas de sanction véritable puisque seul le manque d'assiduité aux cours est contrôlé et sanctionné. Le niveau pourrait être relevé à condition d'y mettre les moyens suffisants ; par ailleurs, pourraient être mis à contribution les étrangers lorsqu'ils sont eux-mêmes demandeurs d'une formation complémentaire, dont ils ont conscience de l'utilité pour leur insertion sociale et professionnelle.

De même, la formation civique correspond à une seule journée d'information. Il s'agit d'une présentation très rapide de l'ensemble de l'histoire de France, de ses valeurs, de ses institutions - dont le Sénat - et de ses règles de citoyenneté en quelques heures seulement, que les étrangers reçoivent passivement, sans débat, quand bien même les formateurs sont de grande qualité. La formation n'est éventuellement intéressante que pour celui qui dispose déjà de certaines connaissances. Pour celui qui ne connaît pas la France, la formation est d'autant plus inutile qu'il ne lui est remis, à la fin, aucun livret ou brochure bilingue à rapporter chez lui. A titre de comparaison, la formation civique allemande comprend soixante heures, contre six seulement en France !

Le troisième volet de l'intégration, contenu dans le contrat d'accueil et d'intégration, est le bilan de compétences professionnelles, qui est réalisé immédiatement à l'arrivée de l'étranger sur le territoire français. Il s'avère que certains immigrés ont, à leur arrivée en France, une fausse idée du marché du travail français. Or, il n'y a pas de nouvelle convocation des étrangers plusieurs mois après leur arrivée, ce qui permettrait pourtant de refaire le point sur les attentes et les perspectives professionnelles des intéressés.

Au total, sur sa mission d'intégration, on constate que l'OFII est une structure utile, dotée d'un personnel très dévoué et d'outils, notamment le contrat d'accueil et d'intégration (CAI), qui sont une véritable avancée, mais cette structure reste encore « virtuelle », faute des ambitions et des moyens nécessaires. Dans ce contexte, le CAI est utile pour les étrangers qui n'ont pas de problème, c'est-à-dire ceux les étrangers francophones éduqués ; mais pour les autres, le manque de moyens de l'OFII limite les possibilités d'intégration.

Enfin, l'OFII a la charge de l'organisation de la visite médicale, atout de la procédure française, qui est effectuée par tous les étrangers à leur arrivée sur le territoire. Cette visite comprend déjà des tests standards ainsi qu'une radiologie pulmonaire pour la tuberculose. Cependant, elle ne comprend pas de dépistage pour le VIH et d'autres infections. Par ailleurs, on constate des doublons, pour les publics étudiants et salariés, avec respectivement la médecine universitaire et la médecine du travail.

Ce constat global me conduit à formuler plusieurs propositions. La première est de relever le niveau de langue requis, au moins à A2 puis à B1, et de l'assortir d'une véritable sanction en termes de connaissances requises. Je signale que le niveau requis en Allemagne est B1. S'agissant de la formation civique, il convient qu'elle soit plus longue, sans nécessairement la porter à soixante heures comme en Allemagne, qu'elle s'étale sur plusieurs journées espacées et qu'elle s'accompagne de la distribution de livrets d'information bilingues. La visite médicale, quant à elle, devrait à la fois être rationnalisée quant à ses bénéficiaires et élargie quant au champ des examens pratiqués, étant donné les risques auxquels sont exposées certaines populations étrangères, notamment issues d'Afrique subsaharienne. Enfin, j'attire votre attention sur le fait qu'il existe des formations linguistiques et des visites médicales à l'étranger, dans le pays d'origine, réalisées avant l'arrivée en France. C'est une bonne initiative, qui manque, elle aussi, de sanction, puisque la seule assiduité, et non l'acquisition du niveau requis, emporte des conséquences quant à la délivrance du visa.

L'ensemble de ces recommandations ont un coût, mais elles rapprocheraient l'OFII des moyens nécessaires à une vraie intégration et des moyens mis en oeuvre dans d'autres pays européens.

Même si l'intégration constitue le coeur de son action, l'OFII assure par ailleurs d'autres missions. Il s'agit notamment de la répartition des places en centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), pour laquelle l'OFII n'a pas qu'une fonction de gestionnaire. Il s'agit également de la politique d'aides au retour, qui sont de deux types : aide au retour volontaire, jusqu'à 5 000 euros pour une famille, et aide au retour humanitaire, essentiellement pour les populations Roms de Bulgarie et de Roumanie, qui est d'un montant forfaitaire de 300 euros par adulte. Le nombre relativement faible de bénéficiaires, de l'ordre de 15 000 en tout en 2011, montre que le système manque d'efficience et, surtout, de progressivité, d'adaptation en fonction du pays de retour.

Au total, un budget de 172 millions d'euros, dont 20 millions maximum à la charge de l'État, 100 000 CAI signés par an, 15 000 retours aidés, 21 000 places en CADA à gérer, et seulement 850 personnes au sein de l'OFII, pourtant volontaires et passionnées, mais qui n'ont pas d'orientation claire quant aux objectifs dans lesquels elles doivent inscrire leur action. L'OFII est une structure bien gérée, mais qui a besoin que ses missions soient redéfinies, notamment sur l'intégration et le retour.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Avec mon collègue Richard Yung, nous avions fait remarquer, l'an passé, que les taxes acquittées par les étrangers sont très lourdes, et ont été augmentées ces dernières années. Étant donné le constat que vous dressez, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que les prestations d'intégration devraient être considérées comme une véritable mission de service public, à la charge de l'État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Je me permets une question provocante : que se passerait-il si l'OFII n'existait pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Pouvez-nous préciser où sont affectés territorialement les 850 agents de l'office ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Pour répondre à la question de Yann Gaillard, l'OFII est une absolue nécessité, car il permet d'aménager une voie d'accès à la société française, d'organiser des formations et de rappeler certains droits, devoirs ou valeurs, par exemple concernant les droits des femmes. Même si la procédure et les formations ne sont pas optimales dans leur configuration actuelle, les étrangers seraient, sans un tel organisme, livrés à eux-mêmes à leur arrivée sur le territoire français.

S'agissant de la mission de service public, je suis d'accord pour dire que la puissance publique doit être présente, d'autant plus que la collectivité a elle-même un intérêt à la bonne intégration, linguistique, sociale et professionnelle, des étrangers. La formation initiale de base doit rester une mission de service public, car c'est un investissement utile. En revanche, une participation financière, dans le cadre d'une sorte de « contrat plus », pourrait être davantage sollicitée auprès des étrangers pour les formations complémentaires dont ils sont eux-mêmes demandeurs.

S'agissant des agents de l'OFII, ils sont environ 150 au siège parisien et 40 dans chacune des directions territoriales réparties sur tout le territoire. Enfin, l'OFII a également des représentations à l'étranger, avec environ cinq agents dans chaque représentation, dans quelques pays où cela se justifie, au Maroc, en Tunisie ou au Sénégal - mais également au Québec, car certains des étrangers qui passent par l'OFII sont des Canadiens ou des Russes très diplômés !

Les étrangers qui ont des problèmes d'intégration dans la société française, du point de vue de la langue ou des valeurs, sont ceux qui vont poser des problèmes à la société française. C'est pourquoi la politique d'intégration doit être plus ambitieuse. A cet égard, notre système gagnerait à se comparer à d'autres pays, par exemple l'Allemagne, qui sont à la fois plus fermes mais plus performants en termes d'intégration. Au vu des moyens dont dispose l'OFII, nous n'avons pas encore fait le vrai choix entre le simple accueil et la véritable politique d'intégration.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

L'OFII doit préparer à l'apprentissage de la langue française ; mais lors du renouvellement des titres de séjour en préfectures, l'on fait passer des tests de langue difficiles que les étrangers sont incapables de réussir.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Tout à fait. C'est la raison pour laquelle je dis que le choix n'a pas été fait de façon claire : les consignes nationales de l'OFII se heurtent à celles des préfectures. Le système n'est ni complet ni cohérent, malgré la qualité et la bonne volonté du travail fourni par les agents de l'OFII.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Nous avons compris que nous sommes encore au milieu du chemin et que les actions fournies par l'office devraient être renforcées, notamment en termes qualitatifs.

A l'issue de ce débat, la commission, à l'unanimité, donne acte de sa communication à M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.