Intervention de Christian Noyer

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 octobre 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Christian Noyer gouverneur de la banque de france

Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France :

On a longtemps prétendu que la monnaie électronique ferait disparaître la monnaie fiduciaire. Si ce jour arrivait, alors les bénéfices de la Banque de France disparaîtraient eux aussi : elle ne paierait plus d'impôt sur les bénéfices et il vous faudrait trouver une compensation à cette perte de recettes. Notre revenu provient de la vente des billets aux banques, qui pour ce faire empruntent à la Banque de France et paient un intérêt.

J'en viens à l'activité de conseil. Nous savons manier des systèmes experts sophistiqués. Je ne sais ce qu'était le conseil aux entreprises dans les années soixante-dix, mais nous avons ces dernières années développé des outils d'aide à la décision et d'analyse destinés aux PME, très performants, fondés sur l'exploitation de nos bases de données. Nous n'avons pas modifié les seuils de cotation des entreprises, mais nous utilisons pour les plus petites des outils spécifiques et nous disposerons bientôt d'un système encore plus affiné. Nos produits rencontrent un succès mérité au-delà même des PME. La région Bretagne nous a confié une étude sur la réindustrialisation de certaines filières ; nous en avons réalisé une autre pour la fédération des industries aéronautiques et elle a été si satisfaite qu'elle en souhaite une actualisation régulière.

Puisque j'évoque la Bretagne, j'ajoute que dans cette région, le regroupement des forces dans un plus petit nombre de centres n'a pas nui à la production d'analyses de haut niveau et d'études sophistiquées. Et si nous avions conservé 225 lieux de traitement des entreprises, comme avant 2003, nous n'aurions pas été capables de prendre en charge la médiation du crédit dans la période récente. Vos remarques m'aideront à modifier ce qui doit l'être, mais sur l'articulation générale, je n'ai aucun doute.

Dans l'Union européenne, il y a un marché unique, il est normal que l'entité de régulation s'assure d'une mise en oeuvre unifiée des règlements européens touchant le système bancaire. Dès lors que le sous-ensemble zone euro disposerait d'une supervision bancaire de type fédéral, la tâche de l'Autorité bancaire européenne devrait être allégée, elle ne gèrerait plus les « stress tests » européens, par exemple. Et le jour où la zone euro couvrira toute l'Union européenne, il sera judicieux de tout regrouper à la BCE. Mais cela n'est pas possible aujourd'hui.

Sur la gouvernance de la supervision bancaire, dès lors qu'il fallait aller vite, pour contrer la crise, il n'était pas envisageable de négocier un nouveau traité. On a donc eu recours à un article du traité qui donne la possibilité de déléguer des responsabilités à la BCE, c'est ainsi le Conseil des gouverneurs qui aura la responsabilité suprême. Lui-même sub-déléguera au nouveau conseil de surveillance la totalité des décisions individuelles. Seuls des cas de principe seront soumis aux gouverneurs, jamais des dossiers précis. De la même façon, au niveau national, je préside le collège plénier de l'ACP, mais celui-ci ne se prononce que sur les questions de principe. Je ne préside pas les deux sous-collèges qui traitent les dossiers des banques et des assurances. Et cela fonctionne.

L'union bancaire recouvre uniquement les pays de la zone euro. C'est que le problème né du lien entre dette souveraine et dette bancaire se pose là seulement : les dépôts peuvent se déplacer instantanément quand un pays n'inspire plus confiance dans le contexte d'une monnaie unique. Peut-être pourrait-on envisager une instance d'observateurs pour les Etats non membres de la zone.

Je veux préciser à M. Delattre que si la supervision européenne ne devait viser que les grandes banques, la France devrait s'y opposer, car les problèmes n'auraient alors guère de chance de trouver une solution ! Les banques irlandaises, espagnoles ou allemandes qui ont été en difficulté n'étaient pas de grands groupes... Il y a des petits établissements de grande qualité, mais une supervision qui ne s'appliquerait pas à tout le système n'aurait aucun sens. En revanche, le degré d'implication de la BCE peut varier selon la taille des banques - sachant que les superviseurs nationaux doivent lui transmettre leurs modèles de surveillance.

Je suis convaincu que les établissements bancaires en général sont allés trop loin dans la concentration des décisions et nous leur demandons d'en redéfinir le partage. Des banques régionales peuvent avoir une gestion de très bonne qualité, mais les Landesbanken ne sont pas un exemple probant : ce sont elles qui ont connu, en Allemagne, les plus grosses difficultés, et l'État allemand a dû les recapitaliser.

Nous avons vendu 500 tonnes d'or de nos réserves. La Cour des comptes a estimé que le prix de vente était faible : c'est un jugement aisé, après-coup. Nous avons conservé des réserves suffisantes pour garantir tous les risques de change - la Bundesbank a conservé 4 000 tonnes, nous un peu moins de 3 000, mais elle assume 30 % des risques de la BCE, nous 20 %. Nous avons, plus que nos homologues, étalé les ventes dans le temps, et les cours de l'or remontant, nous nous en sommes mieux trouvés. Toutes les réserves ont été fusionnées, dont celles pour risques sur prêts de la France au FMI, qu'il ne faut pas oublier...

La Banque postale est déterminée à couvrir les besoins de la clientèle du CIF. Le relais sera pris par les autres banques également, notamment les Caisses d'épargne et le Crédit mutuel... à condition qu'un niveau de sécurité suffisant soit assuré.

Un dernier mot, à propos de Dexia : les banques à fin 2012 auront dépassé les engagements de volume pris auprès du ministère des finances, en matière de crédit aux collectivités territoriales. Cela ne signifie pas que le financement soit partout assuré. Nous mettons en place actuellement un système de surveillance de ces crédits beaucoup plus fin que dans le passé.

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