Sur le plan des résultats obtenus, l'examen des données chiffrées qui nous ont été transmises par la délégation générale à l'outre mer révèle une relance effective de la construction de logement social outre-mer.
En 2011, le nombre de logements sociaux financés dans les DOM a dépassé de 70 % la moyenne des années 2006 à 2009. La progression a été très forte en 2010, première année de pleine application du dispositif, et se poursuit en 2011, en atteignant respectivement 32 % et 16 %.
Cette augmentation est bien imputable à la défiscalisation. Si l'on prend l'année 2011, 90 % des logements financés ont eu recours, au moins partiellement, à la défiscalisation et un tiers à la défiscalisation seule.
L'augmentation des logements livrés ne suit pas encore la même évolution, mais cela peut s'expliquer par les délais de construction, compris entre deux et trois ans. En revanche, le nombre de logements mis en chantier a considérablement augmenté. Il a progressé de 40 % chaque année en 2010 et 2011.
S'agissant du coût du dispositif pour les finances publiques, il a atteint 68 millions d'euros en 2011. Pour 2012, le PLF avait estimé son coût à 80 millions d'euros, mais ce montant nous semble largement sous-évalué. Nous avons estimé qu'il se situait plutôt autour de 260 millions d'euros. Le PLF pour 2013 indique d'ailleurs, pour l'année 2012, un montant de 210 millions d'euros en exécution, ce qui nous paraît plus proche de la réalité.
Par ailleurs, nous avons souhaité savoir si l'on observait un report de l'ancien dispositif « Giradin » vers le nouveau.
En termes de dépense fiscale, l'ancien dispositif se situe encore à 265 millions d'euros, mais devrait connaître une diminution de 90 millions d'euros en 2013 par rapport à 2012. Cela ne suffit pas pour autant à conclure à un report d'un dispositif à l'autre, car la comparaison des deux en termes de dépense fiscale n'est pas forcément pertinente. En effet, le champ des deux dispositifs n'est pas strictement identique et la réduction d'impôt dans l'ancien dispositif s'étale sur cinq ans, contre un an dans le nouveau.
En termes de report des contribuables, il nous a été tout aussi difficile de nous prononcer sur son effectivité, dans la mesure où seule une étude des déclarations des bénéficiaires permettrait d'apporter une vraie réponse à cette question.
Nous n'avons pas occulté les différentes critiques à l'égard de ce dispositif, qui appellent à sa budgétisation par majoration, à due concurrence, de la LBU.
Le choix de la défiscalisation entraine en effet un surcoût, puisqu'il faut rémunérer le contribuable-investisseur ainsi que le monteur du projet. Ce surcoût a été estimé à 30 % dans le rapport du comité Guillaume « d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales ». La budgétisation garantirait également que la dépense fiscale bénéficie intégralement à l'outre-mer et au logement social. Enfin, elle assurerait une maîtrise de son coût pour les finances publiques, s'agissant de crédits budgétaires limitatifs.
Cependant, au terme de notre travail de contrôle, nous estimons que le dispositif de défiscalisation doit être maintenu, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, ce dispositif concerne un secteur prioritaire. La Cour des comptes a pu parfois regretter que les dépenses fiscales outre-mer n'aient pas toujours eu pour objet les investissements les plus utiles.
Or, en l'occurrence, elle a elle-même souligné que le dispositif qui nous intéresse est une priorité de la politique outre-mer, partagée de façon extrêmement large.
Il ne nous semble donc pas opportun de prendre le risque de porter un coup très dur au logement social outre-mer, alors que le dispositif a montré qu'il portait ses fruits en termes de logements engagés.
D'autre part, ce dispositif est l'une des aides fiscales les plus efficaces. Le comité Guillaume a attribué à ce dispositif le score de 2, sachant que les dépenses fiscales étudiées se voyaient attribuer une note comprise entre 0 et 3. Il fait ainsi partie du tiers des dépenses fiscales étudiées les plus efficaces, qualifiées de « pleinement ou relativement efficientes ».
A cet égard, on peut ajouter que cette « niche fiscale » se distingue d'autres dispositifs par le faible risque de fraude qu'elle comporte. En effet, la quasi-totalité des projets font l'objet d'un agrément et les organismes de logement social sont soumis à des contrôles qui limitent le risque de fausses factures.
Par ailleurs, la suppression du dispositif ne garantirait pas une diminution de la dépense fiscale. Dès lors que les investissements outre-mer restent soumis à des plafonds globaux encore élevés, il existe en effet une masse de fonds à défiscaliser, en quelque sorte incompressible, qui ne dépend pas des dispositifs mis en place ou supprimés. Elle s'oriente vers le dispositif qui lui semble le plus « rentable », à des fins d'optimisation fiscale. La suppression du dispositif ne pourrait entrainer alors qu'un mouvement de report sur d'autres aides fiscales, sans diminuer le coût global pour les finances publiques. De même, l'abaissement du plafond ne garantirait pas une diminution de la dépense, la base de contribuables ayant recours à la défiscalisation pouvant s'élargir.
Enfin, ce dispositif est pilotable. Si le risque de dérapage venait à se concrétiser, l'administration fiscale pourrait bloquer les agréments lorsqu'un certain montant, fixé à l'avance, serait atteint dans l'année.
Pour toutes ces raisons, nous considérons que cette aide fiscale doit être maintenue, sous réserve de quelques ajustements.
Au terme du travail de contrôle que nous avons effectué, nous insistons sur la nécessite de garantir une meilleure adéquation entre l'offre et la demande de logements.
En effet, si la demande en logement social est extrêmement forte, il faut souligner que celle-ci tend à avoir un profil « particulièrement social ». Ainsi, dans l'ouest guyanais, 90 % des demandeurs de logement social relèvent du LLTS. Plusieurs de nos interlocuteurs ont attiré notre attention sur le risque que la demande de logements en PLS soit rapidement satisfaite.
En permettant d'accroître la part des financements publics dans un projet, et de diminuer ainsi le loyer de sortie, la défiscalisation apporte une partie de la réponse, mais ne suffit pas. Nous proposons donc d'augmenter la part de logements LLS et LLTS de chaque programme, actuellement fixée à 30 % au moins. Cette exigence pourrait également concerner les logements financés par la défiscalisation à l'impôt sur les sociétés.
Nous avons en outre constaté sur le terrain le manque d'informations sur ce sujet. Nous proposons donc de mettre en oeuvre, dans chaque collectivité, un état des lieux du logement et de la demande de logement, en concertation avec les acteurs locaux. Il permettra entre autres de fixer une échéance claire de résorption de la demande de logements sociaux.
Nous rappelons enfin la difficulté à mobiliser la ressource foncière, qui est un problème ancien en outre-mer, en raison des caractéristiques géographiques de ces territoires, mais également des difficultés des collectivités, du fait de leurs faibles ressources, à viabiliser les terrains. Elle est aggravée enfin par le problème de l'indivision. Tout cela complique pour les pouvoirs publics la constitution de réserves foncières.
En réponse à ce problème, nous insistons sur la nécessité de rendre enfin effectif le Groupement d'intérêts publics « Indivision », prévu par la LODEOM et qui, plus de trois ans après l'adoption de la loi, n'a toujours pas été mis en place.
Par ailleurs, nous appelons les collectivités qui ne l'ont pas encore fait à se doter d'établissements publics fonciers. L'exemple guyanais, notamment, a montré que cet outil permettait d'atteindre de bons résultats.
Pour conclure, nous suggérons de « flécher » les crédits de la LBU qui ne seraient pas consommés, grâce à l'apport de la défiscalisation, vers les fonds régionaux d'aménagement foncier urbain, qui permettent de financer les opérations de viabilisation et d'accroître ainsi la ressource foncière.