Intervention de Roger Karoutchi

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 octobre 2012 : 1ère réunion
Contrôle budgétaire — Office français de l'immigration et de l'intégration - communication

Photo de Roger KaroutchiRoger Karoutchi, rapporteur spécial :

Nous avons l'habitude des débats politiques et politiciens sur les questions d'immigration et d'intégration. Il faudrait dépassionner ce débat et se concentrer sur la question de fond qui est de savoir comment donner les moyens aux immigrés de s'intégrer, c'est-à-dire de participer à la société française et à son développement.

La France a mis sur pied divers organismes successifs pour promouvoir cette intégration. Il a été décidé, il y a cinq ans, de les fusionner pour créer un organisme public unique, l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). L'OFII dispose d'un vrai rôle de définition des politiques d'intégration pour les étrangers dans les cinq premières années de leur présence en France. A ce titre, il fournit diverses prestations pour l'insertion des immigrés : des formations linguistiques pour ceux d'entre eux qui ne parlent pas le français, des formations civiques pour apprendre les valeurs de la République, un bilan de compétences professionnelles pour valoriser les expériences et les qualifications professionnelles, ou encore une visite médicale pour tous les étrangers. Par ailleurs, l'OFII assure d'autres missions au-delà de l'intégration, en particulier la gestion du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile ainsi que la politique d'aides au retour. En apparence, l'OFII est une structure efficace et qui ne représente pas un coût important pour l'État, puisque la grande majorité de son budget de 172 millions d'euros est financée par des taxes acquittées par les étrangers eux-mêmes. Pourtant, pour l'ensemble de ses missions, l'OFII dispose de seulement 850 agents. Certes, il passe des conventions avec des prestataires privés qui organisent les différentes formations. Mais la structure reste très légère, avec un budget contraint et un plafond d'emplois qui s'est réduit d'année en année.

Dès lors, les politiques mises en oeuvre ne sont pas à la hauteur de leurs objectifs. S'agissant de l'intégration, les formations linguistiques en fournissent un premier exemple. Ces formations ne visent qu'un niveau A1 du cadre européen de référence, qui correspond à la fin de maternelle. De plus, il n'y a pas de sanction véritable puisque seul le manque d'assiduité aux cours est contrôlé et sanctionné. Le niveau pourrait être relevé à condition d'y mettre les moyens suffisants ; par ailleurs, pourraient être mis à contribution les étrangers lorsqu'ils sont eux-mêmes demandeurs d'une formation complémentaire, dont ils ont conscience de l'utilité pour leur insertion sociale et professionnelle.

De même, la formation civique correspond à une seule journée d'information. Il s'agit d'une présentation très rapide de l'ensemble de l'histoire de France, de ses valeurs, de ses institutions - dont le Sénat - et de ses règles de citoyenneté en quelques heures seulement, que les étrangers reçoivent passivement, sans débat, quand bien même les formateurs sont de grande qualité. La formation n'est éventuellement intéressante que pour celui qui dispose déjà de certaines connaissances. Pour celui qui ne connaît pas la France, la formation est d'autant plus inutile qu'il ne lui est remis, à la fin, aucun livret ou brochure bilingue à rapporter chez lui. A titre de comparaison, la formation civique allemande comprend soixante heures, contre six seulement en France !

Le troisième volet de l'intégration, contenu dans le contrat d'accueil et d'intégration, est le bilan de compétences professionnelles, qui est réalisé immédiatement à l'arrivée de l'étranger sur le territoire français. Il s'avère que certains immigrés ont, à leur arrivée en France, une fausse idée du marché du travail français. Or, il n'y a pas de nouvelle convocation des étrangers plusieurs mois après leur arrivée, ce qui permettrait pourtant de refaire le point sur les attentes et les perspectives professionnelles des intéressés.

Au total, sur sa mission d'intégration, on constate que l'OFII est une structure utile, dotée d'un personnel très dévoué et d'outils, notamment le contrat d'accueil et d'intégration (CAI), qui sont une véritable avancée, mais cette structure reste encore « virtuelle », faute des ambitions et des moyens nécessaires. Dans ce contexte, le CAI est utile pour les étrangers qui n'ont pas de problème, c'est-à-dire ceux les étrangers francophones éduqués ; mais pour les autres, le manque de moyens de l'OFII limite les possibilités d'intégration.

Enfin, l'OFII a la charge de l'organisation de la visite médicale, atout de la procédure française, qui est effectuée par tous les étrangers à leur arrivée sur le territoire. Cette visite comprend déjà des tests standards ainsi qu'une radiologie pulmonaire pour la tuberculose. Cependant, elle ne comprend pas de dépistage pour le VIH et d'autres infections. Par ailleurs, on constate des doublons, pour les publics étudiants et salariés, avec respectivement la médecine universitaire et la médecine du travail.

Ce constat global me conduit à formuler plusieurs propositions. La première est de relever le niveau de langue requis, au moins à A2 puis à B1, et de l'assortir d'une véritable sanction en termes de connaissances requises. Je signale que le niveau requis en Allemagne est B1. S'agissant de la formation civique, il convient qu'elle soit plus longue, sans nécessairement la porter à soixante heures comme en Allemagne, qu'elle s'étale sur plusieurs journées espacées et qu'elle s'accompagne de la distribution de livrets d'information bilingues. La visite médicale, quant à elle, devrait à la fois être rationnalisée quant à ses bénéficiaires et élargie quant au champ des examens pratiqués, étant donné les risques auxquels sont exposées certaines populations étrangères, notamment issues d'Afrique subsaharienne. Enfin, j'attire votre attention sur le fait qu'il existe des formations linguistiques et des visites médicales à l'étranger, dans le pays d'origine, réalisées avant l'arrivée en France. C'est une bonne initiative, qui manque, elle aussi, de sanction, puisque la seule assiduité, et non l'acquisition du niveau requis, emporte des conséquences quant à la délivrance du visa.

L'ensemble de ces recommandations ont un coût, mais elles rapprocheraient l'OFII des moyens nécessaires à une vraie intégration et des moyens mis en oeuvre dans d'autres pays européens.

Même si l'intégration constitue le coeur de son action, l'OFII assure par ailleurs d'autres missions. Il s'agit notamment de la répartition des places en centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), pour laquelle l'OFII n'a pas qu'une fonction de gestionnaire. Il s'agit également de la politique d'aides au retour, qui sont de deux types : aide au retour volontaire, jusqu'à 5 000 euros pour une famille, et aide au retour humanitaire, essentiellement pour les populations Roms de Bulgarie et de Roumanie, qui est d'un montant forfaitaire de 300 euros par adulte. Le nombre relativement faible de bénéficiaires, de l'ordre de 15 000 en tout en 2011, montre que le système manque d'efficience et, surtout, de progressivité, d'adaptation en fonction du pays de retour.

Au total, un budget de 172 millions d'euros, dont 20 millions maximum à la charge de l'État, 100 000 CAI signés par an, 15 000 retours aidés, 21 000 places en CADA à gérer, et seulement 850 personnes au sein de l'OFII, pourtant volontaires et passionnées, mais qui n'ont pas d'orientation claire quant aux objectifs dans lesquels elles doivent inscrire leur action. L'OFII est une structure bien gérée, mais qui a besoin que ses missions soient redéfinies, notamment sur l'intégration et le retour.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion