Intervention de Nicole Bricq

Commission des affaires économiques — Réunion du 23 octobre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Audition de Mme Nicole Bricq ministre du commerce extérieur

Nicole Bricq, ministre :

Mon ministère est effectivement stratégique, mais je n'atteindrai pas seule les objectifs fixés par le Premier ministre. Nous avons des handicaps structurels : manque d'entreprises intermédiaires, insuffisante pérennité des PME et incapacité de ces dernières à devenir de grands groupes ... Ceux-ci ont été puissamment soutenus par la puissance publique dans les années 70 ; il est normal qu'ils viennent aujourd'hui en aide aux PME à travers le portage et en leur favorisent l'accès aux marchés à l'étranger. Le nombre de volontaires internationaux en entreprises (VIE) - 7 200 actuellement, sur 40 000 demandes - pourrait être ainsi significativement accru si les grands groupes en prenaient davantage au bénéfice des PME, pour lesquelles ils constituent des outils de prospection qui resteront à l'international. Les entreprises en croissance ayant des marchés à l'export finissent par être rachetées et éprouvent des problèmes de transmission. Il faut surmonter ces handicaps à la transition entre PME, ETI et grands groupes.

Nous avons besoin de ces derniers, mais ils doivent assumer leur responsabilité vis-à-vis des entreprises plus petites. Ils ont souvent réussi leur internationalisation car la puissance publique les a aidés, mais ils se sont ensuite éloignés du territoire ; ils doivent aujourd'hui faire un effort en faveur des PME. Or, seules 150 d'entre elles ont été portées par les « chartes export » signées par de grands groupes.

S'agissant du principe de réciprocité, nous perdons des parts de marché en Europe, alors que ce principe n'y pose a priori pas de problème d'application ; jouent en effet des barrières non tarifaires. En dehors, les règles de l'OMC pallient l'absence de réciprocité ; actuellement, des entreprises françaises intégrées dans un consortium allemand dans le solaire demandent la mise en oeuvre d'une procédure anti-dumping contre la Chine, tout comme les États-Unis dans l'automobile. Il faut donc que l'Europe sache se faire respecter des pays tiers ; or, tous ses États membres ne sont pas en accord sur ce point. Ainsi, les pouvoirs publics allemands ne se sont pas associés au patronat de l'industrie du solaire, de peur de mesures de rétorsions. De plus, les pays tiers, tels que la Chine, bénéficient d'aides d'État substantielles, là où la Commission européenne les encadre très strictement. Si nous ne sommes donc pas sur un pied d'égalité, la force de notre marché et sa capacité d'attraction dans le monde sont un atout majeur, comme le montre les investissements que souhaite y réaliser la Chine. A cet égard, le partenariat entre la CDC Entreprises et la China Development Bank pour créer un fonds destiné à accompagner les PME françaises et chinoises est une bonne chose. Afin de combattre cette concurrence, il faut que nos entreprises aient de meilleurs financements, que l'on travaille sur l'image de notre pays, à travers une « marque France », et que l'on soutienne à la fois nos PME et nos grands groupes.

Vous avez également évoqué les liens entre délocalisations et exportations. Pour les salariés et pour les territoires, c'est toute une vie qui s'effondre lorsqu'intervient une opération de délocalisation. Mais dans la réalité statistique, il y a très peu de délocalisations. En même temps, l'essentiel, pour une filière exportatrice, c'est de créer de la richesse et, aujourd'hui, pour conquérir des marchés dans un certain nombre de pays il faut accepter d'abord, d'y implanter des unités de production, ensuite, de procéder à des transferts de technologie et enfin de financer des dispositifs de nature à améliorer la qualité de la main-d'oeuvre locale.

J'observe qu'au final ces implantations se révèlent plutôt productives pour la France et il faut également admettre que certains pays doivent consentir des efforts de rattrapage. L'Allemagne, pour sa part, au cours des dernières années a bénéficié d'une période favorable au cours de laquelle la demande des pays émergents correspondait bien à leur offre commerciale, mais les choses évoluent et le Brésil ou la Chine savent désormais produire des biens d'équipement et se tournent vers des problématiques nouvelles.

Dans ces conditions, la France ne doit pas manquer la troisième révolution industrielle et elle a tous les atouts pour la réussir parce qu'elle est performante dans tous les secteurs où les nouveaux besoins vont se manifester. Mon propos ne consiste donc pas à relativiser le phénomène des délocalisations mais je fais observer qu'il est normal que des pays comme le Maroc, l'Algérie, souhaitent que la France investisse chez eux, ce qui peut déboucher sur des productions locales qui succèdent à des distributions de produits français. Il faut cependant prendre un certain nombre de précautions, comme l'illustre le cas d'Airbus qui accroit ses implantations aux Etats-Unis : je comprends parfaitement qu'Airbus doit faire face à un problème de parité euro-dollar et que cette entreprise souhaite lancer une offensive aux Etats-Unis. Toutefois je m'inquiète du sort des équipementiers de rang 2 : pourront-ils suivre le mouvement et quelles aides recevront-ils de la part d'Airbus ?

Par ailleurs, j'ai pris connaissance avec intérêt du rapport d'information de M. André Ferrand et je partage les six grandes observations qu'il formule. Pour répondre à son intervention, je réaffirme que l'objectif à cinq ans est le rééquilibrage de notre commerce extérieur soit 26 milliards d'euros supplémentaires à conquérir à l'exportation. Le plan d'action est, lui aussi, parfaitement clair : je viens de vous en exposer les grandes lignes. S'agissant du rôle de l'ambassadeur, nous avons cependant une divergence. À mon sens, ce dernier a, en effet, d'autres missions que le commerce extérieur ou le volet strictement économique.

Je me considère en revanche, en tant que ministre du commerce extérieur, comme l'animatrice de la diplomatie économique. À ce sujet, je constate qu'une direction des entreprises vient d'être créée au sein du ministère des affaires étrangères : je me félicite de cette mobilisation sur le thème de la diplomatie économique et, en même temps, je souligne la nécessité de préciser clairement les missions de cette nouvelle entité afin d'éviter de créer des doublons.

A l'occasion de ma visite au salon de l'agroalimentaire, j'ai rencontré à la fois les représentants d'Ubifrance, qui développe une offre de qualité, et de la société d'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires (Sopexa) : nous avançons dans le sens du rapprochement pour que la France puisse présenter un pavillon unique. En même temps, la ministre ne doit pas être omniprésente sur tous les sujets : chacun doit prendre ses responsabilités.

Enfin, il faut certainement mieux structurer nos filières : le ministre du redressement productif s'y emploie ardemment pour développer à la fois leurs volets offensif et défensif.

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