Intervention de Mireille Schurch

Commission des affaires économiques — Réunion du 23 octobre 2012 : 1ère réunion
Transition vers un système énergétique sobre — Suite de l'examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Mireille SchurchMireille Schurch :

La motion d'irrecevabilité n° COM-69 concerne l'ensemble du texte. En dépit de son changement de nom, la proposition de loi comporte des cavaliers législatifs. Selon le Conseil constitutionnel, un amendement ne peut, conformément à l'exigence de clarté et de sincérité des débats, être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Dès lors, le marché de capacité (articles 7 et suivants), les éoliennes (articles 12 et suivants), le tarif progressif de l'eau (articles 13 et suivants) sont contraires à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et aux articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47- 1 de la Constitution.

En outre, le dispositif de l'article 1er est contraire à l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui pose le principe d'égalité devant la loi. Le mécanisme prévu y contrevient, alors même que l'objectif recherché en termes d'économie d'énergie ne sera probablement pas atteint, tant le dispositif est complexe, incohérent et peu lisible. Le Conseil constitutionnel, qui en appelle à la sécurité juridique, à la clarté, à la qualité et à l'intelligibilité de la loi, a estimé que l'égalité devant la loi et la garantie des droits ne sont pas effectives quand les citoyens ne disposent pas d'une connaissance des normes qui leur sont applicables - un objectif difficile à atteindre avec cette proposition de loi...

De même, en introduisant une différenciation des prix sur le territoire national, avec des critères de volumes de base différenciés selon le lieu, les logements, les situations individuelles, la proposition de loi rompt avec le principe de la péréquation tarifaire, déclinaison du principe d'égalité à laquelle nous sommes attachés.

La proposition ne prend pas en compte la situation des logements anciens qui nécessitent des rénovations notamment thermiques auxquelles les occupants ne peuvent pas faire face, faute de moyens. Ces usagers seront donc pénalisés par rapport à ceux qui ont les moyens de procéder aux travaux. Il s'agit là aussi d'une rupture du principe d'égalité dans l'accès du droit à l'énergie. Ce faisant, le texte remet en cause les acquis du Conseil national de la Résistance (CNR).

Ensuite, le dispositif prévu à l'article 1er s'apparente à un dispositif fiscal : il organise un prélèvement obligatoire sur les usagers dans le but de leur faire adopter un comportement précis, le produit de cette taxe étant ensuite reversé sans aucune certitude d'équilibre. Or, en vertu de l'article 34 de la Constitution, « la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » : le législateur ne saurait abdiquer ses prérogatives, dans les domaines qui relèvent de sa compétence, au profit du pouvoir réglementaire. Tant par son imprécision que par les renvois trop larges au décret, pour la définition de l'assiette notamment, la proposition de loi s'apparente à une incompétence négative du législateur.

L'instauration d'un bonus-malus est contraire à l'article 13 de la Déclaration de 1789, aux termes duquel « la contribution aux dépenses d'administration doit être répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés » ; l'effort fiscal doit croître avec l'importance des ressources. La proposition de loi ne respecte pas ce principe en faisant peser une large partie des malus contraints sur les familles dépourvues des moyens de procéder aux travaux d'isolation de leur maison.

Cette proposition de loi met en oeuvre la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité à travers le marché de capacité : elle entérine la privatisation de l'effacement diffus, mission qui devrait relever du service public dans un souci d'efficacité. Elle revient sur le principe posé par l'alinéa 9 du Préambule de 1946 qui dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

Ainsi nous présentons cette motion en raison des risques d'inconstitutionnalité et parce que nous souhaitons mettre en place un véritable service public de la transition énergétique, décliné en service public de la performance énergétique ou de l'effacement, et donner une cohérence, sous maîtrise publique, aux projets de recherche et d'investissement.

Je remercie, en dépit de nos divergences, M. le rapporteur pour le travail qu'il a mené et pour nos échanges.

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