Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 16 octobre 2012 : 1ère réunion
Audition de Mme Najat Vallaud-belkacem ministre des droits des femmes porte-parole du gouvernement

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte parole du Gouvernement :

Je suis heureuse d'être parmi vous après quelques mois d'activité dans ce ministère. Je sais que sa création a suscité un certain nombre d'espoirs. Son programme de travail est fortement alimenté, aussi, par vos réflexions et votre engagement.

Une illustration récente de votre contribution est, bien entendu, le travail que nous avons réalisé en commun suite à l'abrogation du délit de harcèlement sexuel. J'ai bien conscience que les choses se sont faites dans la précipitation, mais je tiens de nouveau à saluer la qualité de ce travail qui a permis, en un temps record, de faire adopter la loi du 6 août 2012. Même si on ne retient pas toujours cette loi quand on fait le bilan des premiers mois d'activité du Gouvernement, je pense que d'avoir initié notre mandature par l'adoption d'un texte qui condamne les violences sexistes est un signal fort pour aborder les questions liées aux violences dans les années qui viennent.

Si vous le voulez bien, je vous propose de faire un point d'étape de mon action et de la mise en oeuvre de mes priorités à la tête du ministère, cinq mois jour pour jour après la nomination du premier gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

Depuis cinq mois, nous avons remis les droits des femmes au rang des politiques publiques : nous avons réinstallé un ministère des droits des femmes ; comme je viens de l'évoquer, nous avons fait voter la loi sur le harcèlement sexuel ; nous avons mis la question de l'égalité professionnelle femmes-hommes au coeur de la grande conférence sociale qui s'est tenue en juillet 2012 et nous avons, à cette occasion, défini une feuille de route en commun avec les partenaires sociaux.

A cet égard, je tiens à rappeler que les partenaires sociaux n'avaient plus négocié sur le sujet de l'égalité professionnelle depuis 2004.

Tout prochainement, nous tiendrons le comité interministériel des droits des femmes dont vous avez rappelé, Madame la Présidente, qu'il ne s'était plus réuni depuis douze ans. Il doit se traduire par quelques mesures immédiates et fortes pour les droits des femmes et l'égalité entre les sexes. Il définira également, pour chaque ministère, une feuille de route et permettra de prendre en compte la question de l'égalité dans l'ensemble des dimensions de l'action de l'État.

Pour préparer cette évolution, nous avons dû assez profondément repenser les méthodes de travail du Gouvernement. Ces derniers mois, mes collègues ont remobilisé leurs ministères sur ces questions d'égalité. Ils m'ont fait des propositions dans un cadre que nous avons structuré et que je souhaite désormais permanent : des conférences de l'égalité se sont tenues tout au long du mois de septembre ; au cours de ces réunions contradictoires, chaque ministère a été invité à repenser sa contribution à la politique de l'égalité. Nous conduisons ces réunions à la façon des conférences budgétaires. Parfois, le ministère aux droits des femmes se trouve en désaccord avec d'autres ministères : dans ce cas, les décisions sont soumises à l'arbitrage du Premier ministre.

Mes collègues ministres se sont impliqués personnellement dans ce travail, y compris, pour la quasi-totalité d'entre eux, en s'inscrivant à des séances de sensibilisation sur les stéréotypes de genre que nous avons proposés en lien avec l'Association nationale des directeurs de ressources humaines. Outre cette sensibilité personnelle, ils ont désigné auprès d'eux, comme cela leur a été demandé par le Premier ministre, un haut fonctionnaire à l'égalité des droits et chargé l'un de leurs conseillers, au sein de leur cabinet, d'une fonction de référent. Après quelques semaines de travail, nous pouvons donc dire que nous sommes en train de constituer un véritable réseau pérenne et mobilisé, au delà du seul ministère aux droits des femmes.

Je pense que, d'une certaine façon, on peut donc parler d'une forme de « révolution souterraine », celle de l'institutionnalisation du réflexe - je dirais même de l'obsession - de l'égalité dans toutes les procédures de travail de l'État.

Au 1er janvier 2013, s'appliquera la loi dite « Sauvadet », prescrivant une représentation équilibrée dans les emplois de cadres dirigeants de la fonction publique, notamment. Sur ce sujet, nous avons déjà progressé : nous avons atteint 16 % de femmes dans les nominations depuis le mois de mai. Même si, me direz-vous, c'est encore trop peu, il est important de savoir que des bilans très réguliers pourront être réalisés après l'entrée en vigueur de la loi, ceci afin de maintenir la pression sur chaque administration, de la même façon que nous rappelons l'objectif en Conseil des ministres. A cet égard, nous avons obtenu des nominations de hauts fonctionnaires strictement paritaires lors du Conseil des ministres du 3 octobre 2012.

Un autre exemple de l'institutionnalisation du réflexe de l'égalité est la systématisation des études d'impact : depuis la circulaire du Premier ministre du 20 août 2012, le principe a été, désormais, retenu d'accompagner les études d'impact des projets de loi d'un volet permettant d'apprécier l'apport du texte au regard de l'égalité entre les femmes et les hommes. Ce qui est intéressant, c'est que ces études seront mises en ligne sur le site internet du ministère des droits des femmes pour en faire une procédure ouverte au « grand public » et faire en sorte qu'elle s'améliore.

Pour l'élaboration de ces études d'impact, notre ministère interviendra en soutien des autres ministères ayant la responsabilité des textes. Dans le budget 2013, une enveloppe budgétaire est spécialement prévue pour permettre la mise en place une équipe dédiée au sein du Service des droits des femmes, mais nous travaillons également avec des institutions indépendantes, notamment l'Institut des politiques publiques de l'École d'économie de Paris et le laboratoire PRESAGE de l'Institut d'études politiques, pour établir chaque année des évaluations exhaustives des effets sexués des grands textes financiers.

Mon rôle, bien sûr, est de créer un travail collectif avec l'ensemble de mes collègues pour pousser plus loin les possibilités d'action du Gouvernement en matière d'égalité.

Je pense en particulier à la question de la parité politique, à laquelle je vous sais particulièrement sensibles. C'est un sujet sur lequel nous travaillons en lien étroit avec le ministère de l'Intérieur. Le Président de la République, vous le savez, a pris des engagements concernant les élections locales. Je me suis, pour ma part, entretenue avec Lionel Jospin sur ces questions dans le cadre de la mission qui lui a été confiée. En ce qui concerne les élections cantonales, on se dirige vers un mécanisme de scrutin binominal, dans le cadre de cantons redécoupés.

Je pense aussi à la question internationale : avec le ministre des Affaires étrangères, nous avons défini devant nos ambassadeurs lors de la dernière conférence qui les a réunis à Paris, les lignes directrices d'une véritable « diplomatie des droits des femmes ». Nous devons être plus offensifs pour soutenir, au niveau européen, les initiatives porteuses de progrès - comme, par exemple, l'initiative de la commissaire Viviane Reding concernant l'institution de quotas de femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises européennes - mais aussi pour défendre, au niveau international, les engagements de Pékin contre une forme de relativisme culturel que l'on a vue à l'oeuvre ces dernières années, et qui menace les droits des femmes et, notamment, le droit à l'avortement.

Pour mettre en oeuvre ces nouvelles politiques, le Premier ministre a souhaité que nous disposions des moyens d'agir.

Dans un contexte budgétaire très contraint, le budget de mon ministère est inscrit au rang des priorités du Gouvernement et voit ses crédits progresser dès 2013 de 15 %, avec 23,3 millions d'euros. Au delà du programme 137, je pourrai disposer des moyens du service d'information gouvernemental (SIG) pour conduire des actions de communication et de sensibilisation ainsi que des campagnes d'information. Je pourrai aussi compter sur une enveloppe de 12 millions d'euros de crédits du Fonds structurel européen (FSE) pour mener des expérimentations avec les régions et les partenaires sociaux, en particulier sur la problématique égalité professionnelle.

S'agissant de moyens humains, le plafond d'emploi des personnels affectés à la politique des droits des femmes est porté de 184 à 189 emplois (équivalent temps plein travaillé, ETPT). Les cinq postes ainsi créés au service des droits des femmes et de l'égalité, auront vocation à soutenir l'animation du réseau ainsi qu'à permettre la création d'un fonds d'expérimentation sociale et la mise en place des études d'impact. Quant aux moyens des services déconcentrés, ils seront maintenus, y compris lorsqu'ils sont constitués d'emplois mis à disposition.

Pour utiliser au mieux ces moyens qui, même en augmentation, restent limités, nous devons mettre l'accent sur des expérimentations qui, parce qu'elles seront évaluées, auront de véritables effets de levier. Dans le domaine de l'égalité professionnelle, par exemple, à côté des négociations initiées le 21 septembre 2012 par les partenaires sociaux et portant notamment sur les questions de temps partiel et de la conciliation vie personnelle / vie professionnelle, nous travaillons avec huit régions que nous avons désignées comme « région d'excellence » pour tenter d'apporter des réponses à des questions que nous estimons structurelles, tels les programmes d'accompagnement des femmes en congé parental long, afin de les aider à retrouver un emploi à l'issue de celui-ci.

De manière générale, je veux aussi et surtout nouer davantage de liens avec les collectivités territoriales et avec leurs élus.

La plupart des préfets ont signé des plans régionaux stratégiques en faveur de l'égalité ; il n'a pas été possible, partout, de travailler avec les collectivités. Je souhaite que cela soit plus systématique, comme nous avons commencé à le faire en matière d'égalité professionnelle ou, de manière encore exploratoire, en matière de contraception. Il y a une quinzaine de jours, j'ai réuni neuf régions expérimentales pour faire un point sur les effets du dispositif de « pass contraception » et, peut-être, avancer vers leur généralisation.

Nous devons plus structurellement travailler avec les élus chargés des droits des femmes dans les collectivités, et faire davantage connaître les actions innovantes sur le territoire : cela suppose de mieux connaître les actions des collectivités en la matière. C'est pourquoi, je proposerai au Premier ministre de désigner prochainement un parlementaire en mission sur le sujet « collectivités locales et égalité entre les sexes ».

J'en viens maintenant aux politiques que je défends.

Lorsque je fais le point sur ce que doit être la mission d'un ministère aux droits des femmes, redevenu de plein exercice après presque trente ans d'absence, j'ai le sentiment ambivalent d'avoir à la fois beaucoup de travail, car il reste beaucoup à faire dans de nombreux domaines et, paradoxalement, lorsque j'examine les textes, il me semble que les lois sont déjà très étoffées. Ce sentiment me conforte dans l'idée que nous devons construire aujourd'hui la troisième génération de droits des femmes : après la conquête des droits civiques reconnus à la Libération - le droit de vote, le droit d'ouvrir un compte sans l'aval de son mari... - puis, dans les années 1970, la reconnaissance des droits économiques et sociaux ou, en 1980, les droits liés à la condition de femme - la contraception, l'avortement... -, il nous faut aujourd'hui travailler à l'obtention de droits porteurs d'égalité réelle.

Le problème, aujourd'hui, c'est que les textes ne sont pas appliqués et sont même remis en cause dans les faits. Le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) butte sur la fermeture des centres et la difficulté de trouver un nombre suffisant de médecins qui acceptent de pratiquer ces actes. En matière d'égalité professionnelle, vous connaissez la situation...

Je crois que l'ineffectivité de la loi tient au fait qu'on a insuffisamment travaillé sur les mentalités. Il faut bousculer les représentations et s'attaquer aux stéréotypes sexués partout : dans la famille, à l'école, dans l'administration, au Parlement, dans l'entreprise...

Si les lois ne sont pas suffisamment appliquées, c'est parce que l'on n'a pas suffisamment avancé sur les mentalités et la lutte contre les stéréotypes. Ainsi, avec Vincent Peillon, nous travaillons à l'introduction d'une formation ludique à l'égalité dès la maternelle, à la mise en place, dans la formation des enseignants, de modules consacrés à la déconstruction des stéréotypes, à l'occasion de la nouvelle loi sur l'école. Par ailleurs, nous souhaitons que l'éducation à la sexualité fasse réellement l'objet d'un enseignement à l'école, de la maternelle à la terminale, comme il est prévu dans la loi de 2001. Enfin, il faut travailler sur l'orientation pour casser la ségrégation sexuée de certaines filières professionnelles.

L'école est donc un vecteur essentiel. Mais les stéréotypes et les représentations sexistes sévissent aussi dans le sport et les activités associatives et également dans les médias et la publicité. Nous avons commencé à travailler sur ces sujets. Ils ont des conséquences concrètes à plus ou moins long terme : les violences sexistes, la faible ambition scolaire des jeunes filles, leur moindre présence dans les filières scientifiques ou très sélectives et, plus tard, dans la vie professionnelle, leur moindre présence dans les emplois supérieurs.

La lutte contre les stéréotypes sexués doit donc, pour moi, être au coeur du comité interministériel.

Pour diffuser de manière active un discours positif sur le sujet, j'ai demandé à des jeunes du service civique de nous accompagner, pour s'investir dans des actions de sensibilisation et de formation sur les stéréotypes, notamment auprès des établissements scolaires, mais aussi dans les centres sportifs avec, comme feuille de route, la déconstruction des stéréotypes et l'apprentissage de l'égalité.

La deuxième priorité, c'est l'égalité professionnelle, qui a été, comme je vous le disais, au centre des discussions de la grande conférence sociale. Lors de cette conférence, un diagnostic commun aux organisations syndicales, patronales et à nous-mêmes, représentants de l'État, a pu être établi, concernant le « triangle de faiblesses » qui conduit aujourd'hui à reléguer systématiquement au second plan, dans l'ordre des priorités, l'égalité entre femmes et hommes dans l'entreprise. La première faiblesse, c'est celle de l'État, qui adopte des lois mais ne veille pas à leur application. La seconde, c'est celle des organisations syndicales, qui sont toutes d'accord pour considérer le sujet comme essentiel, mais omettent de l'inscrire parmi les sujets prioritaires dans la négociation. A cet égard, nous devons aussi nous intéresser à la représentation des femmes dans les organisations représentatives du personnel... La troisième faiblesse, ce sont les entreprises elles-mêmes, et notamment les petites et moyennes entreprises (PME) et le tissu économique intermédiaire, qui voient dans les inégalités entre femmes et hommes un problème de la société toute entière qui les dépasse. C'est sur ces trois leviers que nous voulons agir pour que les choses changent.

S'agissant de l'État, nous avons effectivement adopté des lois en faveur de l'égalité professionnelle, mais nous les avons accompagnées, notamment en 2010, de dispositifs de contrôle des entreprises tellement complexes qu'ils n'ont pas pu être appliqués. Même si la sanction est lourde - jusqu'à 1 % de la masse salariale - les entreprises, nous le savons bien, sont rarement contrôlées et jamais sanctionnées. Nous allons, par conséquent, revoir le dispositif de contrôle. Aujourd'hui, il faut qu'un inspecteur du travail constate sur place une carence - que ce soit l'absence de rapport de situation comparée, de plan d'action ou d'accord négocié -. Or, nous le savons bien, le manque d'effectif au sein de l'inspection du travail et le fait que l'égalité professionnelle ne soit pas un sujet prioritaire pour ce corps d'inspection rendent la méthode aléatoire.

Par conséquent, nous souhaitons remplacer ce dispositif de contrôle sur place par un contrôle sur pièces. Ainsi, le nouveau décret d'application de l'article 99 de la loi sur les retraites, qui devrait paraître à la fin du mois d'octobre, prévoira l'obligation pour les entreprises d'envoyer leurs accords négociés ou leurs plans d'action aux Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTES), pour que les services déconcentrés puissent en vérifier l'existence ainsi que le contenu des accords. En cas de constat de carence, les sanctions tomberont.

Même si les situations seront examinées au cas par cas pour évaluer le montant de la sanction financière, je pense que le fait de rendre le couperet de la sanction plus tangible aura nécessairement un effet - d'abord préventif - sur la politique d'égalité des entreprises.

S'agissant des 26 % d'écarts salariaux entre les femmes et les hommes, nous savons bien que seulement 9 % environ relèvent de la discrimination pure, à qualification et caractéristiques d'emplois équivalents.

Or, ce qui me préoccupe, c'est ce qui correspond à ce que j'appellerai les « angles morts » de l'égalité professionnelle : la surreprésentation des femmes parmi les travailleurs à temps partiel et la concentration de l'emploi féminin dans certaines filières souvent plus précaires, puisque la moitié des femmes actives travaillent dans 11 filières de métiers sur 87...

Enfin, le troisième « angle mort » des politiques publiques en faveur de l'égalité concerne l'articulation des temps entre la vie personnelle et la vie professionnelle.

Le soupçon de la maternité pèse toujours sur les femmes et explique leur moindre accès aux promotions et aux responsabilités.

Par ailleurs, le congé parental de trois ans pris à 97 % par les femmes, contribue à les éloigner du marché du travail. Cela pose aussi la question de l'investissement des hommes dans leur parentalité. Or, l'égalité professionnelle et le partage des tâches égal au sein du foyer sont étroitement imbriqués.

Ces trois « angles morts » de l'égalité que je viens d'évoquer - temps partiel, filière des métiers et articulation des temps de vie - font précisément l'objet de la négociation des partenaires sociaux, qui a débuté le 21 septembre 2012, et dont les conclusions devraient être rendues le 8 mars 2013.

L'objectif des partenaires sociaux est de trouver un meilleur équilibre sur ces sujets. Comment protéger les salariés à temps partiel ? Comment aménager le congé parental : faut-il le réduire ou imposer qu'il soit partagé entre les deux parents, par exemple ?

S'agissant de l'égalité professionnelle, nous avons décidé de travailler avec certaines branches professionnelles dans lesquelles les femmes subissent des conditions de travail particulièrement difficiles, comme l'a notamment décrit Florence Aubenas dans « Le quai de Ouistreham », récit emblématique de la précarité féminine au travail. Nous avons, à cet égard, décidé de monter une « conférence de progrès » avec la branche « propreté » qui nous permettra, au cours d'une journée de travail, de réfléchir notamment aux horaires de travail : trop hachurés, on doit pouvoir en améliorer l'amplitude et la prévisibilité.

A cet égard, il me semble que les collectivités locales « employeurs » doivent donner l'exemple, comme certaines s'y sont déjà engagées.

Enfin, s'agissant des entreprises, je pense que le renforcement de l'effectivité de la sanction pour les entreprises de plus de cinquante salariés doit être concilié avec un accompagnement ciblé des petites et moyennes entreprises (PME) qui n'ont pas les mêmes moyens ni les mêmes outils que les premières.

Nous avons donc sélectionné quinze grandes entreprises dont les pratiques sont exemplaires en matière d'égalité professionnelle et prévu de passer avec elles des conventions par lesquelles elles s'engagent à mener un travail spécifique avec les PME qui travaillent en amont et en aval de leur activité et qui consistera, notamment, à fournir des outils et des méthodes permettant d'atteindre l'égalité professionnelle. Nous constatons en effet que les petites entreprises manquent de temps pour établir une stratégie efficace de rattrapage des inégalités qui perdure dans leurs organisations. La mobilisation des entreprises exemplaires doit les aider à faire des choix et établir des priorités.

J'en viens maintenant à la question des violences. Je suis très sensible à la décision de la Cour d'assises du Val-de-Marne, mais je ne commenterai pas une décision de justice. Peut-être cette décision aura-t-elle au moins une vertu, celle d'éveiller les consciences. On sait qu'aujourd'hui moins d'une femme sur dix, victime d'un viol, dépose plainte et encore ces chiffres sont-ils sous-estimés ! J'en déduis qu'il existe aujourd'hui un dysfonctionnement dans l'accompagnement judiciaire des victimes : le dépôt de plainte est souvent vécu comme une nouvelle violence et la longueur des procédures est effarante : sept ans pour instruire et juger cette affaire !

D'ores et déjà ce procès a suscité une réponse de l'État puisque la chancellerie a décidé de multiplier les bureaux d'aide aux victimes sur le territoire. En effet, il est choquant qu'il ait fallu six ans aux victimes pour déposer plainte, comme si personne n'avait été en mesure d'écouter leur souffrance et de les accompagner à ce moment crucial. A cet égard, le soutien aux associations est essentiel. Celles-ci remplissent des missions de quasi service public pour des coûts moindres que si ces missions étaient effectuées par les services de l'État car elles s'appuient largement sur l'investissement de bénévoles. J'estime donc que nous devons leur donner les moyens de poursuivre ces actions indispensables aux femmes.

Pour en revenir au texte de loi sur le harcèlement sexuel, et ainsi que nous nous y étions engagés, la campagne de communication sur ce sujet aura bien lieu, en novembre prochain, en amont de la Journée mondiale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

Nous souhaitons investir cette journée de manière particulière cette année, notamment en proposant des grandes sessions de formations pluridisciplinaires, dispensées dans de grands amphithéâtres à des représentantes des professions médicales, judiciaires, de police... que nous avons réunies pour l'occasion.

Je vous confirme également la mise en place de l'Observatoire national des violences faites aux femmes ainsi que le renouvellement de l'enquête nationale sur les violences envers les femmes (ENVEF).

Comme je m'y étais engagée, j'ai commencé d'évaluer les nouveaux dispositifs définis par la loi du 9 juillet 2010. Lors d'un déplacement à Montpellier, j'ai été heureusement surprise de constater que certains départements avaient largement avancé sur le sujet et pas seulement celui de Seine-Saint-Denis. Il nous manque aujourd'hui un dispositif national qui, prenant acte du bon fonctionnent du téléphone d'urgence, conduirait à sa généralisation ou qui, relevant les difficultés soulevées par le bracelet électronique, déciderait d'arrêter l'expérience. A Montpellier, par exemple, des assistants sociaux sont présents dans tous les commissariats et les postes de gendarmerie. C'est un soutien précieux pour les femmes qui viennent déposer plainte et qui, à ce titre, mériterait sans doute d'essaimer.

La création de l'ordonnance de protection a été, dans son principe, largement saluée, mais sa montée en charge reste difficile : moins de 700 ordonnances ont été délivrées, ce qui représente une ordonnance de protection pour vingt condamnations pénales de violences conjugales. Plus d'un tiers des tribunaux de grande instance n'ont, à ce jour, rendu aucune ordonnance de protection, témoignant d'une application très inégale. La Seine-Saint-Denis concentre à elle seule près d'un tiers des ordonnances délivrées et ceci ne signifie pas qu'il y a plus de violences en Seine-Saint-Denis, comme j'ai pu parfois l'entendre. A l'évidence l'appropriation de ce dispositif par les juges civils et les avocats est insuffisante et ce n'est pas satisfaisant.

En la matière, la loi peut être améliorée. Au sein du comité interministériel, il faudra aborder un certain nombre de questions : quel doit être le juge compétent, le juge civil ou le juge pénal ; quel doit être le délai de délivrance de l'ordonnance qui est une mesure d'urgence, et quelle doit être la durée de la protection qu'elle instaure ; enfin, faut-il en étendre le champ d'application aux autres formes de violences et, notamment, au viol ?

La prise en charge des victimes de violences suppose l'hébergement des femmes qui subissent des violences, en particulier lorsque la règle de l'éviction du conjoint n'a pu être appliquée. Elle requiert de disposer de davantage d'appartements disponibles. Nous travaillons à ce sujet avec Cécile Duflot. La mise en oeuvre de l'article 19 de la loi du 9 juillet 2010 qui prévoyait des conventions avec les bailleurs pour réserver des appartements aux femmes victimes dépend de la volonté des collectivités. Il faut encourager les collectivités à s'engager sur ce dispositif.

Les femmes victimes de violences doivent faire l'objet d'un traitement prioritaire en matière d'hébergement d'urgence, être traitées prioritairement. Ce traitement suppose à la fois une bonne gestion des priorités au niveau départemental, et une bonne articulation entre les associations spécialisées et les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) le 115. Nous sommes en train d'y travailler.

Quant aux attributions de logements sociaux, le projet de loi annoncé par Cécile Duflot pour le premier semestre 2013 sera l'occasion de reprendre la question des priorités dans le choix de leurs bénéficiaires et de remettre de la lisibilité, en particulier au profit des femmes victimes de violences.

Le droit des femmes à disposer de leurs corps constitue notre quatrième priorité. En ce domaine, nous devons avoir une voix forte au plan international, mais aussi être exemplaires au plan intérieur.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoit le remboursement à 100 % des IVG. Nous avons aussi décidé une revalorisation de l'acte, de façon à remédier au problème du faible nombre de médecins qui acceptent de le pratiquer. Cela ne doit pas nous dispenser d'une réflexion sur l'accessibilité géographique des centres d'IVG et sur l'amélioration de leur fonctionnement.

L'organisation de la prise en charge de l'IVG doit être améliorée, en particulier lors de la période estivale, ce qui nous a conduits, cet été, à adresser une circulaire aux agences régionales de santé (ARS) pour les sensibiliser sur le sujet. Nous souhaitons généraliser la démarche sur l'ensemble de l'année, en liaison avec Marisol Touraine, ministre de la santé et des affaires sociales. Parmi les engagements annoncés pendant la campagne, il nous reste à concrétiser le remboursement à 100 % des contraceptifs et la garantie de l'anonymat pour les mineurs. Pour tenir cet engagement, nous devrons repenser notre stratégie de santé publique en matière de contraception car on constate aujourd'hui un recul rapide de l'accès à la contraception des mineurs.

Il faut savoir en outre que 72 % des IVG sont pratiquées sur des femmes sous contraception.

De nombreuses régions ont expérimenté des dispositifs « contraception » et de nombreux conseils régionaux se sont mobilisés sur cette question à travers des dispositifs de « pass contraception ». Même si leurs représentants m'ont indiqué que les messages qui doivent accompagner ces dispositifs avaient encore du mal à atteindre les jeunes, je crois qu'ils répondent à un véritable besoin, ce qui nous incite plutôt à les généraliser ; par ailleurs, nous devons renforcer l'éducation à la sexualité à l'école.

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