Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Réunion du 16 octobre 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • homme
  • violence
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La réunion

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La délégation procède à l'audition de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je suis particulièrement heureuse, Madame la Ministre, de vous accueillir ce matin, en mon nom propre et en celui de mes collègues de la délégation, pour cette audition qui va nous permettre de procéder ensemble à un premier tour d'horizon sur les problématiques qui relèvent de votre responsabilité.

Je tiens tout d'abord à rappeler notre satisfaction d'avoir - enfin - pour interlocutrice une ministre à part entière, nommément en charge de cette politique.

La nomination d'un ou d'une ministre spécialement chargé(e) des droits des femmes a été, vous le savez, au cours de ces dernières années, une demande récurrente de notre délégation, comme de l'ensemble du mouvement associatif féministe. Votre nomination, qui plus est au sein du premier gouvernement paritaire de la République, nous a donc paru, d'emblée, très encourageante et j'avais tenu à la saluer, au nom de notre délégation, dans un communiqué de presse du 21 mai 2012.

Vous vous êtes attachée, dès les premiers mois de votre prise de responsabilités, à donner une nouvelle impulsion à cette politique, en consolidant ses bases institutionnelles : nomination dans chaque ministère de hauts fonctionnaires à l'égalité des droits, rénovation du Comité interministériel aux droits des femmes qui ne s'était plus réuni depuis 2000 et se réunira dorénavant au moins deux fois par an, rénovation en cours de l'Observatoire de la parité.

Au cours de la discussion parlementaire de la nouvelle loi relative au harcèlement sexuel, vous vous êtes, en outre, engagée à créer un Observatoire national des violences envers les femmes que les défenseurs des droits des femmes réclamaient depuis plusieurs années. Je souhaiterais, Madame la Ministre, que vous puissiez nous éclairer sur la façon dont ces dispositifs nouveaux s'agenceront, et un état de vos réflexions quant à la forme que prendront l'Observatoire de la parité et l'Observatoire des violences.

S'agissant de la lutte contre les violences envers les femmes, mes collègues et moi-même seront très intéressés par les précisions que vous pourrez nous donner sur les modalités de réalisation d'une nouvelle enquête sur les violences envers les femmes que nous appelons de nos voeux, ainsi que sur les conditions d'application de la loi du 9 juillet 2010. Vous avez déjà, le 2 octobre 2012, donné certaines explications en séance publique à notre collègue Roland Courteau, mais je souhaiterais que nous puissions revenir sur la façon de remédier aux difficultés de mise en oeuvre des ordonnances de protection, sur la façon d'améliorer la possibilité d'hébergement des femmes victimes de violences et sur les choix que vous opérez en matière de dispositifs de prévention, notamment grâce à des téléphones portables. Sur ce thème des violences envers les femmes, je voudrais vous exprimer, Madame la Ministre, l'émoi que le jugement récent dans l'affaire des viols collectifs de Créteil a suscité dans tout le pays. J'ai participé au rassemblement d'hier et j'y ai senti beaucoup de colère.

En matière d'égalité professionnelle, et plus généralement d'accès des femmes au travail, nous avons le sentiment que beaucoup reste à faire. Les auditions que nous conduisons depuis le début de l'année sur ce thème nous l'ont confirmé : la dynamique de l'égalité marque le pas depuis les années 1990 et un fossé se creuse entre les femmes hautement qualifiées qui accèdent au marché du travail dans des conditions correctes quoique inférieures à celles des hommes, et les femmes peu qualifiées qui sont confrontées, de plus en plus, à la précarité et à la pauvreté. Nous avons reçu la semaine dernière, les principales organisations syndicales et nous souhaitons recueillir vos analyses et les conclusions que vous tirez à votre tour de la grande conférence sociale dont vous avez animé la quatrième table-ronde, consacrée à l'égalité professionnelle.

La parité politique est, vous le savez, au coeur de nos préoccupations et notre délégation lui a consacré un rapport en juin 2010, à l'occasion de la réforme territoriale et du mode de scrutin pénalisant envisagé pour l'élection du conseiller territorial. Au lendemain des États-généraux de la démocratie territoriale, pouvez-vous nous présenter les pistes que le Gouvernement explore pour améliorer la place des femmes dans les mandats nationaux et locaux.

L'accès à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) restent aussi une des préoccupations constantes de notre délégation : il faut donner aux femmes la possibilité de choisir la contraception la plus adaptée à leurs besoins et leur permettre d'accéder à l'IVG dans des délais raisonnables sur l'ensemble du territoire.

Enfin, puisque nous entrons dans la période où le Parlement va aborder la discussion du projet de loi de finances, je souhaiterais que vous puissiez nous dire un mot des moyens financiers et humains dévolus à votre administration. J'ai noté que les crédits du programme 137 affectés au Service des droits des femmes enregistraient une hausse de près de 15 % - 14,8 % pour être précis -, ce qui me paraît encourageant.

Peut-être pourrez-vous nous donner des précisions sur les orientations qui guideront l'utilisation des 6,3 millions d'euros inscrits dans la nouvelle action 14 intitulée « actions de soutien et d'expérimentation ».

J'ai noté que, s'agissant des subventions versées aux associations qui sont les partenaires traditionnels de votre ministère, le « bleu » budgétaire ne fournissait pas, cette année, toutes les précisions habituelles car de nombreuses conventions pluriannuelles étaient en cours de renégociation. Nous savons la qualité du travail effectué sur le terrain par ces partenaires précieux de l'action publique et, même si certains réajustements sont certainement nécessaires dans le cadre de la nouvelle impulsion que vous donnez, j'espère qu'elles pourront en 2013 bénéficier d'un effort soutenu de l'État.

Enfin, j'ai relevé que le projet de budget prévoit cinq créations de postes dans l'administration centrale, ce qui me paraît positif, mais je souhaiterais qu'une attention soit portée également aux services déconcentrés chez lesquels des tensions nous ont été fréquemment rapportées ces dernières années, notamment à l'occasion des fins de contrats de personnels mis à disposition à titre gratuit par d'autres administrations.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte parole du Gouvernement

Je suis heureuse d'être parmi vous après quelques mois d'activité dans ce ministère. Je sais que sa création a suscité un certain nombre d'espoirs. Son programme de travail est fortement alimenté, aussi, par vos réflexions et votre engagement.

Une illustration récente de votre contribution est, bien entendu, le travail que nous avons réalisé en commun suite à l'abrogation du délit de harcèlement sexuel. J'ai bien conscience que les choses se sont faites dans la précipitation, mais je tiens de nouveau à saluer la qualité de ce travail qui a permis, en un temps record, de faire adopter la loi du 6 août 2012. Même si on ne retient pas toujours cette loi quand on fait le bilan des premiers mois d'activité du Gouvernement, je pense que d'avoir initié notre mandature par l'adoption d'un texte qui condamne les violences sexistes est un signal fort pour aborder les questions liées aux violences dans les années qui viennent.

Si vous le voulez bien, je vous propose de faire un point d'étape de mon action et de la mise en oeuvre de mes priorités à la tête du ministère, cinq mois jour pour jour après la nomination du premier gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

Depuis cinq mois, nous avons remis les droits des femmes au rang des politiques publiques : nous avons réinstallé un ministère des droits des femmes ; comme je viens de l'évoquer, nous avons fait voter la loi sur le harcèlement sexuel ; nous avons mis la question de l'égalité professionnelle femmes-hommes au coeur de la grande conférence sociale qui s'est tenue en juillet 2012 et nous avons, à cette occasion, défini une feuille de route en commun avec les partenaires sociaux.

A cet égard, je tiens à rappeler que les partenaires sociaux n'avaient plus négocié sur le sujet de l'égalité professionnelle depuis 2004.

Tout prochainement, nous tiendrons le comité interministériel des droits des femmes dont vous avez rappelé, Madame la Présidente, qu'il ne s'était plus réuni depuis douze ans. Il doit se traduire par quelques mesures immédiates et fortes pour les droits des femmes et l'égalité entre les sexes. Il définira également, pour chaque ministère, une feuille de route et permettra de prendre en compte la question de l'égalité dans l'ensemble des dimensions de l'action de l'État.

Pour préparer cette évolution, nous avons dû assez profondément repenser les méthodes de travail du Gouvernement. Ces derniers mois, mes collègues ont remobilisé leurs ministères sur ces questions d'égalité. Ils m'ont fait des propositions dans un cadre que nous avons structuré et que je souhaite désormais permanent : des conférences de l'égalité se sont tenues tout au long du mois de septembre ; au cours de ces réunions contradictoires, chaque ministère a été invité à repenser sa contribution à la politique de l'égalité. Nous conduisons ces réunions à la façon des conférences budgétaires. Parfois, le ministère aux droits des femmes se trouve en désaccord avec d'autres ministères : dans ce cas, les décisions sont soumises à l'arbitrage du Premier ministre.

Mes collègues ministres se sont impliqués personnellement dans ce travail, y compris, pour la quasi-totalité d'entre eux, en s'inscrivant à des séances de sensibilisation sur les stéréotypes de genre que nous avons proposés en lien avec l'Association nationale des directeurs de ressources humaines. Outre cette sensibilité personnelle, ils ont désigné auprès d'eux, comme cela leur a été demandé par le Premier ministre, un haut fonctionnaire à l'égalité des droits et chargé l'un de leurs conseillers, au sein de leur cabinet, d'une fonction de référent. Après quelques semaines de travail, nous pouvons donc dire que nous sommes en train de constituer un véritable réseau pérenne et mobilisé, au delà du seul ministère aux droits des femmes.

Je pense que, d'une certaine façon, on peut donc parler d'une forme de « révolution souterraine », celle de l'institutionnalisation du réflexe - je dirais même de l'obsession - de l'égalité dans toutes les procédures de travail de l'État.

Au 1er janvier 2013, s'appliquera la loi dite « Sauvadet », prescrivant une représentation équilibrée dans les emplois de cadres dirigeants de la fonction publique, notamment. Sur ce sujet, nous avons déjà progressé : nous avons atteint 16 % de femmes dans les nominations depuis le mois de mai. Même si, me direz-vous, c'est encore trop peu, il est important de savoir que des bilans très réguliers pourront être réalisés après l'entrée en vigueur de la loi, ceci afin de maintenir la pression sur chaque administration, de la même façon que nous rappelons l'objectif en Conseil des ministres. A cet égard, nous avons obtenu des nominations de hauts fonctionnaires strictement paritaires lors du Conseil des ministres du 3 octobre 2012.

Un autre exemple de l'institutionnalisation du réflexe de l'égalité est la systématisation des études d'impact : depuis la circulaire du Premier ministre du 20 août 2012, le principe a été, désormais, retenu d'accompagner les études d'impact des projets de loi d'un volet permettant d'apprécier l'apport du texte au regard de l'égalité entre les femmes et les hommes. Ce qui est intéressant, c'est que ces études seront mises en ligne sur le site internet du ministère des droits des femmes pour en faire une procédure ouverte au « grand public » et faire en sorte qu'elle s'améliore.

Pour l'élaboration de ces études d'impact, notre ministère interviendra en soutien des autres ministères ayant la responsabilité des textes. Dans le budget 2013, une enveloppe budgétaire est spécialement prévue pour permettre la mise en place une équipe dédiée au sein du Service des droits des femmes, mais nous travaillons également avec des institutions indépendantes, notamment l'Institut des politiques publiques de l'École d'économie de Paris et le laboratoire PRESAGE de l'Institut d'études politiques, pour établir chaque année des évaluations exhaustives des effets sexués des grands textes financiers.

Mon rôle, bien sûr, est de créer un travail collectif avec l'ensemble de mes collègues pour pousser plus loin les possibilités d'action du Gouvernement en matière d'égalité.

Je pense en particulier à la question de la parité politique, à laquelle je vous sais particulièrement sensibles. C'est un sujet sur lequel nous travaillons en lien étroit avec le ministère de l'Intérieur. Le Président de la République, vous le savez, a pris des engagements concernant les élections locales. Je me suis, pour ma part, entretenue avec Lionel Jospin sur ces questions dans le cadre de la mission qui lui a été confiée. En ce qui concerne les élections cantonales, on se dirige vers un mécanisme de scrutin binominal, dans le cadre de cantons redécoupés.

Je pense aussi à la question internationale : avec le ministre des Affaires étrangères, nous avons défini devant nos ambassadeurs lors de la dernière conférence qui les a réunis à Paris, les lignes directrices d'une véritable « diplomatie des droits des femmes ». Nous devons être plus offensifs pour soutenir, au niveau européen, les initiatives porteuses de progrès - comme, par exemple, l'initiative de la commissaire Viviane Reding concernant l'institution de quotas de femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises européennes - mais aussi pour défendre, au niveau international, les engagements de Pékin contre une forme de relativisme culturel que l'on a vue à l'oeuvre ces dernières années, et qui menace les droits des femmes et, notamment, le droit à l'avortement.

Pour mettre en oeuvre ces nouvelles politiques, le Premier ministre a souhaité que nous disposions des moyens d'agir.

Dans un contexte budgétaire très contraint, le budget de mon ministère est inscrit au rang des priorités du Gouvernement et voit ses crédits progresser dès 2013 de 15 %, avec 23,3 millions d'euros. Au delà du programme 137, je pourrai disposer des moyens du service d'information gouvernemental (SIG) pour conduire des actions de communication et de sensibilisation ainsi que des campagnes d'information. Je pourrai aussi compter sur une enveloppe de 12 millions d'euros de crédits du Fonds structurel européen (FSE) pour mener des expérimentations avec les régions et les partenaires sociaux, en particulier sur la problématique égalité professionnelle.

S'agissant de moyens humains, le plafond d'emploi des personnels affectés à la politique des droits des femmes est porté de 184 à 189 emplois (équivalent temps plein travaillé, ETPT). Les cinq postes ainsi créés au service des droits des femmes et de l'égalité, auront vocation à soutenir l'animation du réseau ainsi qu'à permettre la création d'un fonds d'expérimentation sociale et la mise en place des études d'impact. Quant aux moyens des services déconcentrés, ils seront maintenus, y compris lorsqu'ils sont constitués d'emplois mis à disposition.

Pour utiliser au mieux ces moyens qui, même en augmentation, restent limités, nous devons mettre l'accent sur des expérimentations qui, parce qu'elles seront évaluées, auront de véritables effets de levier. Dans le domaine de l'égalité professionnelle, par exemple, à côté des négociations initiées le 21 septembre 2012 par les partenaires sociaux et portant notamment sur les questions de temps partiel et de la conciliation vie personnelle / vie professionnelle, nous travaillons avec huit régions que nous avons désignées comme « région d'excellence » pour tenter d'apporter des réponses à des questions que nous estimons structurelles, tels les programmes d'accompagnement des femmes en congé parental long, afin de les aider à retrouver un emploi à l'issue de celui-ci.

De manière générale, je veux aussi et surtout nouer davantage de liens avec les collectivités territoriales et avec leurs élus.

La plupart des préfets ont signé des plans régionaux stratégiques en faveur de l'égalité ; il n'a pas été possible, partout, de travailler avec les collectivités. Je souhaite que cela soit plus systématique, comme nous avons commencé à le faire en matière d'égalité professionnelle ou, de manière encore exploratoire, en matière de contraception. Il y a une quinzaine de jours, j'ai réuni neuf régions expérimentales pour faire un point sur les effets du dispositif de « pass contraception » et, peut-être, avancer vers leur généralisation.

Nous devons plus structurellement travailler avec les élus chargés des droits des femmes dans les collectivités, et faire davantage connaître les actions innovantes sur le territoire : cela suppose de mieux connaître les actions des collectivités en la matière. C'est pourquoi, je proposerai au Premier ministre de désigner prochainement un parlementaire en mission sur le sujet « collectivités locales et égalité entre les sexes ».

J'en viens maintenant aux politiques que je défends.

Lorsque je fais le point sur ce que doit être la mission d'un ministère aux droits des femmes, redevenu de plein exercice après presque trente ans d'absence, j'ai le sentiment ambivalent d'avoir à la fois beaucoup de travail, car il reste beaucoup à faire dans de nombreux domaines et, paradoxalement, lorsque j'examine les textes, il me semble que les lois sont déjà très étoffées. Ce sentiment me conforte dans l'idée que nous devons construire aujourd'hui la troisième génération de droits des femmes : après la conquête des droits civiques reconnus à la Libération - le droit de vote, le droit d'ouvrir un compte sans l'aval de son mari... - puis, dans les années 1970, la reconnaissance des droits économiques et sociaux ou, en 1980, les droits liés à la condition de femme - la contraception, l'avortement... -, il nous faut aujourd'hui travailler à l'obtention de droits porteurs d'égalité réelle.

Le problème, aujourd'hui, c'est que les textes ne sont pas appliqués et sont même remis en cause dans les faits. Le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) butte sur la fermeture des centres et la difficulté de trouver un nombre suffisant de médecins qui acceptent de pratiquer ces actes. En matière d'égalité professionnelle, vous connaissez la situation...

Je crois que l'ineffectivité de la loi tient au fait qu'on a insuffisamment travaillé sur les mentalités. Il faut bousculer les représentations et s'attaquer aux stéréotypes sexués partout : dans la famille, à l'école, dans l'administration, au Parlement, dans l'entreprise...

Si les lois ne sont pas suffisamment appliquées, c'est parce que l'on n'a pas suffisamment avancé sur les mentalités et la lutte contre les stéréotypes. Ainsi, avec Vincent Peillon, nous travaillons à l'introduction d'une formation ludique à l'égalité dès la maternelle, à la mise en place, dans la formation des enseignants, de modules consacrés à la déconstruction des stéréotypes, à l'occasion de la nouvelle loi sur l'école. Par ailleurs, nous souhaitons que l'éducation à la sexualité fasse réellement l'objet d'un enseignement à l'école, de la maternelle à la terminale, comme il est prévu dans la loi de 2001. Enfin, il faut travailler sur l'orientation pour casser la ségrégation sexuée de certaines filières professionnelles.

L'école est donc un vecteur essentiel. Mais les stéréotypes et les représentations sexistes sévissent aussi dans le sport et les activités associatives et également dans les médias et la publicité. Nous avons commencé à travailler sur ces sujets. Ils ont des conséquences concrètes à plus ou moins long terme : les violences sexistes, la faible ambition scolaire des jeunes filles, leur moindre présence dans les filières scientifiques ou très sélectives et, plus tard, dans la vie professionnelle, leur moindre présence dans les emplois supérieurs.

La lutte contre les stéréotypes sexués doit donc, pour moi, être au coeur du comité interministériel.

Pour diffuser de manière active un discours positif sur le sujet, j'ai demandé à des jeunes du service civique de nous accompagner, pour s'investir dans des actions de sensibilisation et de formation sur les stéréotypes, notamment auprès des établissements scolaires, mais aussi dans les centres sportifs avec, comme feuille de route, la déconstruction des stéréotypes et l'apprentissage de l'égalité.

La deuxième priorité, c'est l'égalité professionnelle, qui a été, comme je vous le disais, au centre des discussions de la grande conférence sociale. Lors de cette conférence, un diagnostic commun aux organisations syndicales, patronales et à nous-mêmes, représentants de l'État, a pu être établi, concernant le « triangle de faiblesses » qui conduit aujourd'hui à reléguer systématiquement au second plan, dans l'ordre des priorités, l'égalité entre femmes et hommes dans l'entreprise. La première faiblesse, c'est celle de l'État, qui adopte des lois mais ne veille pas à leur application. La seconde, c'est celle des organisations syndicales, qui sont toutes d'accord pour considérer le sujet comme essentiel, mais omettent de l'inscrire parmi les sujets prioritaires dans la négociation. A cet égard, nous devons aussi nous intéresser à la représentation des femmes dans les organisations représentatives du personnel... La troisième faiblesse, ce sont les entreprises elles-mêmes, et notamment les petites et moyennes entreprises (PME) et le tissu économique intermédiaire, qui voient dans les inégalités entre femmes et hommes un problème de la société toute entière qui les dépasse. C'est sur ces trois leviers que nous voulons agir pour que les choses changent.

S'agissant de l'État, nous avons effectivement adopté des lois en faveur de l'égalité professionnelle, mais nous les avons accompagnées, notamment en 2010, de dispositifs de contrôle des entreprises tellement complexes qu'ils n'ont pas pu être appliqués. Même si la sanction est lourde - jusqu'à 1 % de la masse salariale - les entreprises, nous le savons bien, sont rarement contrôlées et jamais sanctionnées. Nous allons, par conséquent, revoir le dispositif de contrôle. Aujourd'hui, il faut qu'un inspecteur du travail constate sur place une carence - que ce soit l'absence de rapport de situation comparée, de plan d'action ou d'accord négocié -. Or, nous le savons bien, le manque d'effectif au sein de l'inspection du travail et le fait que l'égalité professionnelle ne soit pas un sujet prioritaire pour ce corps d'inspection rendent la méthode aléatoire.

Par conséquent, nous souhaitons remplacer ce dispositif de contrôle sur place par un contrôle sur pièces. Ainsi, le nouveau décret d'application de l'article 99 de la loi sur les retraites, qui devrait paraître à la fin du mois d'octobre, prévoira l'obligation pour les entreprises d'envoyer leurs accords négociés ou leurs plans d'action aux Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTES), pour que les services déconcentrés puissent en vérifier l'existence ainsi que le contenu des accords. En cas de constat de carence, les sanctions tomberont.

Même si les situations seront examinées au cas par cas pour évaluer le montant de la sanction financière, je pense que le fait de rendre le couperet de la sanction plus tangible aura nécessairement un effet - d'abord préventif - sur la politique d'égalité des entreprises.

S'agissant des 26 % d'écarts salariaux entre les femmes et les hommes, nous savons bien que seulement 9 % environ relèvent de la discrimination pure, à qualification et caractéristiques d'emplois équivalents.

Or, ce qui me préoccupe, c'est ce qui correspond à ce que j'appellerai les « angles morts » de l'égalité professionnelle : la surreprésentation des femmes parmi les travailleurs à temps partiel et la concentration de l'emploi féminin dans certaines filières souvent plus précaires, puisque la moitié des femmes actives travaillent dans 11 filières de métiers sur 87...

Enfin, le troisième « angle mort » des politiques publiques en faveur de l'égalité concerne l'articulation des temps entre la vie personnelle et la vie professionnelle.

Le soupçon de la maternité pèse toujours sur les femmes et explique leur moindre accès aux promotions et aux responsabilités.

Par ailleurs, le congé parental de trois ans pris à 97 % par les femmes, contribue à les éloigner du marché du travail. Cela pose aussi la question de l'investissement des hommes dans leur parentalité. Or, l'égalité professionnelle et le partage des tâches égal au sein du foyer sont étroitement imbriqués.

Ces trois « angles morts » de l'égalité que je viens d'évoquer - temps partiel, filière des métiers et articulation des temps de vie - font précisément l'objet de la négociation des partenaires sociaux, qui a débuté le 21 septembre 2012, et dont les conclusions devraient être rendues le 8 mars 2013.

L'objectif des partenaires sociaux est de trouver un meilleur équilibre sur ces sujets. Comment protéger les salariés à temps partiel ? Comment aménager le congé parental : faut-il le réduire ou imposer qu'il soit partagé entre les deux parents, par exemple ?

S'agissant de l'égalité professionnelle, nous avons décidé de travailler avec certaines branches professionnelles dans lesquelles les femmes subissent des conditions de travail particulièrement difficiles, comme l'a notamment décrit Florence Aubenas dans « Le quai de Ouistreham », récit emblématique de la précarité féminine au travail. Nous avons, à cet égard, décidé de monter une « conférence de progrès » avec la branche « propreté » qui nous permettra, au cours d'une journée de travail, de réfléchir notamment aux horaires de travail : trop hachurés, on doit pouvoir en améliorer l'amplitude et la prévisibilité.

A cet égard, il me semble que les collectivités locales « employeurs » doivent donner l'exemple, comme certaines s'y sont déjà engagées.

Enfin, s'agissant des entreprises, je pense que le renforcement de l'effectivité de la sanction pour les entreprises de plus de cinquante salariés doit être concilié avec un accompagnement ciblé des petites et moyennes entreprises (PME) qui n'ont pas les mêmes moyens ni les mêmes outils que les premières.

Nous avons donc sélectionné quinze grandes entreprises dont les pratiques sont exemplaires en matière d'égalité professionnelle et prévu de passer avec elles des conventions par lesquelles elles s'engagent à mener un travail spécifique avec les PME qui travaillent en amont et en aval de leur activité et qui consistera, notamment, à fournir des outils et des méthodes permettant d'atteindre l'égalité professionnelle. Nous constatons en effet que les petites entreprises manquent de temps pour établir une stratégie efficace de rattrapage des inégalités qui perdure dans leurs organisations. La mobilisation des entreprises exemplaires doit les aider à faire des choix et établir des priorités.

J'en viens maintenant à la question des violences. Je suis très sensible à la décision de la Cour d'assises du Val-de-Marne, mais je ne commenterai pas une décision de justice. Peut-être cette décision aura-t-elle au moins une vertu, celle d'éveiller les consciences. On sait qu'aujourd'hui moins d'une femme sur dix, victime d'un viol, dépose plainte et encore ces chiffres sont-ils sous-estimés ! J'en déduis qu'il existe aujourd'hui un dysfonctionnement dans l'accompagnement judiciaire des victimes : le dépôt de plainte est souvent vécu comme une nouvelle violence et la longueur des procédures est effarante : sept ans pour instruire et juger cette affaire !

D'ores et déjà ce procès a suscité une réponse de l'État puisque la chancellerie a décidé de multiplier les bureaux d'aide aux victimes sur le territoire. En effet, il est choquant qu'il ait fallu six ans aux victimes pour déposer plainte, comme si personne n'avait été en mesure d'écouter leur souffrance et de les accompagner à ce moment crucial. A cet égard, le soutien aux associations est essentiel. Celles-ci remplissent des missions de quasi service public pour des coûts moindres que si ces missions étaient effectuées par les services de l'État car elles s'appuient largement sur l'investissement de bénévoles. J'estime donc que nous devons leur donner les moyens de poursuivre ces actions indispensables aux femmes.

Pour en revenir au texte de loi sur le harcèlement sexuel, et ainsi que nous nous y étions engagés, la campagne de communication sur ce sujet aura bien lieu, en novembre prochain, en amont de la Journée mondiale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

Nous souhaitons investir cette journée de manière particulière cette année, notamment en proposant des grandes sessions de formations pluridisciplinaires, dispensées dans de grands amphithéâtres à des représentantes des professions médicales, judiciaires, de police... que nous avons réunies pour l'occasion.

Je vous confirme également la mise en place de l'Observatoire national des violences faites aux femmes ainsi que le renouvellement de l'enquête nationale sur les violences envers les femmes (ENVEF).

Comme je m'y étais engagée, j'ai commencé d'évaluer les nouveaux dispositifs définis par la loi du 9 juillet 2010. Lors d'un déplacement à Montpellier, j'ai été heureusement surprise de constater que certains départements avaient largement avancé sur le sujet et pas seulement celui de Seine-Saint-Denis. Il nous manque aujourd'hui un dispositif national qui, prenant acte du bon fonctionnent du téléphone d'urgence, conduirait à sa généralisation ou qui, relevant les difficultés soulevées par le bracelet électronique, déciderait d'arrêter l'expérience. A Montpellier, par exemple, des assistants sociaux sont présents dans tous les commissariats et les postes de gendarmerie. C'est un soutien précieux pour les femmes qui viennent déposer plainte et qui, à ce titre, mériterait sans doute d'essaimer.

La création de l'ordonnance de protection a été, dans son principe, largement saluée, mais sa montée en charge reste difficile : moins de 700 ordonnances ont été délivrées, ce qui représente une ordonnance de protection pour vingt condamnations pénales de violences conjugales. Plus d'un tiers des tribunaux de grande instance n'ont, à ce jour, rendu aucune ordonnance de protection, témoignant d'une application très inégale. La Seine-Saint-Denis concentre à elle seule près d'un tiers des ordonnances délivrées et ceci ne signifie pas qu'il y a plus de violences en Seine-Saint-Denis, comme j'ai pu parfois l'entendre. A l'évidence l'appropriation de ce dispositif par les juges civils et les avocats est insuffisante et ce n'est pas satisfaisant.

En la matière, la loi peut être améliorée. Au sein du comité interministériel, il faudra aborder un certain nombre de questions : quel doit être le juge compétent, le juge civil ou le juge pénal ; quel doit être le délai de délivrance de l'ordonnance qui est une mesure d'urgence, et quelle doit être la durée de la protection qu'elle instaure ; enfin, faut-il en étendre le champ d'application aux autres formes de violences et, notamment, au viol ?

La prise en charge des victimes de violences suppose l'hébergement des femmes qui subissent des violences, en particulier lorsque la règle de l'éviction du conjoint n'a pu être appliquée. Elle requiert de disposer de davantage d'appartements disponibles. Nous travaillons à ce sujet avec Cécile Duflot. La mise en oeuvre de l'article 19 de la loi du 9 juillet 2010 qui prévoyait des conventions avec les bailleurs pour réserver des appartements aux femmes victimes dépend de la volonté des collectivités. Il faut encourager les collectivités à s'engager sur ce dispositif.

Les femmes victimes de violences doivent faire l'objet d'un traitement prioritaire en matière d'hébergement d'urgence, être traitées prioritairement. Ce traitement suppose à la fois une bonne gestion des priorités au niveau départemental, et une bonne articulation entre les associations spécialisées et les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) le 115. Nous sommes en train d'y travailler.

Quant aux attributions de logements sociaux, le projet de loi annoncé par Cécile Duflot pour le premier semestre 2013 sera l'occasion de reprendre la question des priorités dans le choix de leurs bénéficiaires et de remettre de la lisibilité, en particulier au profit des femmes victimes de violences.

Le droit des femmes à disposer de leurs corps constitue notre quatrième priorité. En ce domaine, nous devons avoir une voix forte au plan international, mais aussi être exemplaires au plan intérieur.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoit le remboursement à 100 % des IVG. Nous avons aussi décidé une revalorisation de l'acte, de façon à remédier au problème du faible nombre de médecins qui acceptent de le pratiquer. Cela ne doit pas nous dispenser d'une réflexion sur l'accessibilité géographique des centres d'IVG et sur l'amélioration de leur fonctionnement.

L'organisation de la prise en charge de l'IVG doit être améliorée, en particulier lors de la période estivale, ce qui nous a conduits, cet été, à adresser une circulaire aux agences régionales de santé (ARS) pour les sensibiliser sur le sujet. Nous souhaitons généraliser la démarche sur l'ensemble de l'année, en liaison avec Marisol Touraine, ministre de la santé et des affaires sociales. Parmi les engagements annoncés pendant la campagne, il nous reste à concrétiser le remboursement à 100 % des contraceptifs et la garantie de l'anonymat pour les mineurs. Pour tenir cet engagement, nous devrons repenser notre stratégie de santé publique en matière de contraception car on constate aujourd'hui un recul rapide de l'accès à la contraception des mineurs.

Il faut savoir en outre que 72 % des IVG sont pratiquées sur des femmes sous contraception.

De nombreuses régions ont expérimenté des dispositifs « contraception » et de nombreux conseils régionaux se sont mobilisés sur cette question à travers des dispositifs de « pass contraception ». Même si leurs représentants m'ont indiqué que les messages qui doivent accompagner ces dispositifs avaient encore du mal à atteindre les jeunes, je crois qu'ils répondent à un véritable besoin, ce qui nous incite plutôt à les généraliser ; par ailleurs, nous devons renforcer l'éducation à la sexualité à l'école.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Merci pour votre dynamisme. Nous vous accompagnerons dans cette troisième phase de l'émancipation des femmes et nous resterons attentives aux moyens, notamment humains, qu'il faudra mobiliser pour en assurer le succès.

Christiane Demontès. - Madame la Ministre, votre exposé sur les mesures que vous avez déjà initiées est tonifiant.

Je souhaite insister sur les moyens nécessaires à la pérennisation des actions et des structures existantes et j'en donnerai deux illustrations.

Dans mon département, un centre d'information féminin (CIF) assure l'écoute, l'accueil et l'hébergement de femmes victimes de violences. Nous nous sommes rendu compte de la nécessité d'étendre aux enfants la prise en charge psychologique, dans la mesure où ils sont aussi les victimes, directes ou indirectes, de ces violences. Mais la prise en charge financière de cette action s'est révélée très difficile et n'a, finalement, pu être assurée qu'en l'imputant sur les crédits de la politique de la ville, alors que les violences faites aux femmes ne concernent évidemment pas que les territoires qui relèvent de la politique de la ville. Comment conforter, à l'avenir, le financement de ces actions qui ont fait la preuve de leur intérêt ?

Je souhaitais aussi attirer votre attention sur la nécessité d'assurer le financement pérenne des centres de planification, tel le Mouvement français pour le Planning familial, qui jouent un rôle essentiel dans l'éducation et l'information des jeunes femmes et des mères. Nous nous sommes régulièrement battus ces dernières années, lors de l'examen du projet de loi de finances, pour obtenir le maintien à niveau de leur financement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Vous nous avez indiqué votre intention de créer dans les départements des « référents », distincts des déléguées régionales et des chargées de mission départementales qui existent déjà. Quelles seront leurs missions, leur périmètre d'action et l'étendue de leurs attributions, notamment vis-à-vis d'autres représentants de l'État au niveau local, comme le préfet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Sur le sujet de l'égalité professionnelle, vous avez évoqué un certain nombre de problèmes ainsi que les mesures pour y remédier. L'emploi féminin souffre de la généralisation du temps partiel et de la précarité. Or, les emplois à temps partiel sont soumis à de telles exigences de productivité que leur contenu effectif est souvent comparable à celui d'un temps plein et qu'ils ne peuvent en aucun cas constituer une réponse à l'articulation des temps de vie.

Après en avoir parlé avec des avocats, je crois qu'il conviendrait de donner une plus large publicité aux jugements sanctionnant le non-respect des droits des femmes, car ceux-ci peuvent jouer un rôle d'exemplarité en incitant d'autres femmes à aller en justice et en dissuadant les entreprises de persévérer dans de mauvaises pratiques. Votre ministère pourrait-il oeuvrer en ce sens ?

Des enquêtes récentes semblent montrer un moindre usage de la contraception orale dont le remboursement n'avait pourtant été obtenu qu'à l'issue des luttes acharnées pendant les années 1970. De pseudo-études scientifiques qui soulignent une dangerosité de certaines pilules au delà de simples effets secondaires ne contribuent-elles pas à cette désaffection ?

Le préservatif étant plus utilisé comme moyen de protection contre les maladies sexuellement transmissibles (MST) que comme moyen de contraception, dès lors, cette seconde fonction peut s'en trouver oubliée, laissant les femmes à la merci d'une grossesse non désirée lorsqu'elles décident de ne plus utiliser de préservatif. Un travail conjoint avec le ministère de la Santé ne peut-il pas être conduit sur cette question ?

Vous avez évoqué la possibilité de favoriser la parité politique en instituant un scrutin binominal homme-femme aux élections cantonales. Cela me semble mériter un débat car, par delà l'intérêt de ce principe, je crains que, dans une société machiste comme la nôtre, les deux candidats, homme et femme, même s'ils sont élus au cours d'un même scrutin, ne soient pas, par la suite, traités de la même façon dans le partage de responsabilités.

Même si ce mode de scrutin diffère du ticket « titulaire-suppléant » ou plus exactement « suppléante », je crains que cette fausse bonne idée n'aboutisse encore à cantonner les femmes à un rôle supplétif.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Pourriez-vous nous indiquer où en est le projet de ratification par la France de la convention d'Istanbul qui entrera d'autant plus vite en vigueur qu'un grand nombre de pays membres du Conseil de l'Europe l'auront signée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je souhaite revenir sur les services déconcentrés du ministère des droits des femmes. Les déléguées régionales aux droits des femmes seront-elles placées au niveau des préfets de région ? Il me semble qu'il faudrait renouer avec cette organisation administrative, instituée naguère par la loi Roudy, qui avait l'avantage de permettre aux déléguées régionales de donner des consignes à l'ensemble des services de l'État.

Le sujet prégnant de l'hébergement des hommes et des femmes dans un contexte de violences conjugales a conduit à une expérimentation de la région Nord-Pas-de-Calais : héberger temporairement les hommes violents pour les aider à surmonter leurs pulsions dans la perspective d'un retour, à terme, en ménage.

Le temps partiel subi fait l'objet de discussions entre les partenaires sociaux mais il me semble nécessaire de les appuyer par des dispositions législatives.

Chacun s'accorde à dire que le congé parental est une trappe à pauvreté et un facteur d'exclusion de la femme, d'autant qu'il est souvent pris par des femmes à bas niveau de qualifications.

Le partage du congé parental entre les deux parents me paraît une bonne solution, mais celle-ci ne fonctionnera que dans un contexte d'égalité salariale car, dès lors que les revenus sont inégaux au sein du couple, les choix sont vite faits.

Je suis surprise par le chiffre que vous avez cité sur la proportion de femmes ayant recours à une IVG alors qu'elles étaient sous contraception. Celui-ci peut-il s'expliquer en partie par une mauvaise utilisation des pilules micro-dosées dont la prise nécessite un accompagnement médical ? Je crois qu'il faudrait revenir sur le sujet de la contraception des jeunes filles.

S'agissant des élections cantonales, je crois que la loi devrait aussi instaurer la parité dans la composition des exécutifs départementaux, comme c'est déjà le cas dans les exécutifs des régions ou des communes de plus de 3 500 habitants ; cela constituerait une importante avancée démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Quels sont les moyens affectés aux déléguées régionales aux droits des femmes pour accomplir leurs missions et de quelle autorité hiérarchique relèvent-elles ?

J'aimerais que le Planning familial accroisse sa participation, au sein des établissements scolaires, à des opérations de sensibilisation des jeunes filles et jeunes hommes.

J'attire votre attention sur les contenus de certaines publicités sur lesquels il conviendrait de se montrer plus vigilant.

Je souhaite relayer auprès de vous des interrogations dont on m'a fait part : est-il envisagé de revenir sur la suppression de la majoration du quotient familial d'une demi-part accordée aux personnes vivant seules, notamment veufs et veuves, et ayant élevé des enfants ainsi que sur la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER) ? Ces deux mesures pénaliseraient tout particulièrement les femmes seules.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Je salue la création du ministère des droits des femmes ainsi que le dynamisme avec lequel vous vous y impliquez.

Je voudrais témoigner de l'insuffisance des moyens humains affectés aux services des droits des femmes, par exemple en région Midi-Pyrénées ; alors que celle-ci regroupe huit départements, ces services ne sont représentés que par une personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je vous donne la parole, Madame la Ministre, pour répondre à ces questions.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Je recevais hier le président du comité éthique de l'Autorité de régulation de la publicité. Bien qu'il soit fier du travail accompli par son comité, il a convenu que celui-ci n'analyse les publicités que sous l'angle d'une éventuelle atteinte à la dignité humaine mais jamais sous l'angle des stéréotypes. Or, des publicités ne portant aucunement atteinte à la dignité des femmes peuvent néanmoins véhiculer des stéréotypes. Aussi, les travaux que nous engageons avec différentes entités de régulation, l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ou l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) visent à trouver des angles d'analyse pour que les images véhiculées par les média ne confortent plus les stéréotypes. C'est une tâche difficile qu'il faut concilier avec la liberté des créateurs, mais qui est nécessaire pour changer les mentalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Les hommes accomplissant des tâches ménagères ne sont guère présentés à leur avantage dans les publicités.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Votre remarque est à rapprocher d'une enquête norvégienne qui a montré que les couples au sein desquels les hommes étaient le plus investis dans les tâches ménagères étaient les plus susceptibles de divorcer. Les médias en ont tiré des conclusions hâtives. Or, cela s'explique tout simplement parce que la participation des hommes au travail domestique est plus souvent l'apanage des couples modernes dans lesquels les femmes ont davantage les moyens de leur indépendance. La présentation de cette étude par les médias en dit cependant long sur le manque de conscientisation de la société sur le sujet.

Je tiens à rassurer Mme Christiane Demontès sur le sujet des établissements d'information, de consultation et de conseil familial (EICCF) auquel nous sommes, Marisol Touraine et moi-même, sensibilisées ; je maintiendrai les moyens affectés au Planning familial et la ministre des affaires sociales et de la santé s'est engagée à maintenir en 2013 aux EICCF le même budget qu'en 2012.

Je vous annonce aussi qu'une convention sera très prochainement signée entre le Planning familial et le ministère de l'Éducation nationale, ouvrant la porte des établissements scolaires aux associations afin d'y développer l'éducation à la sexualité.

J'ai veillé à sanctuariser les moyens affectés aux droits des femmes au niveau déconcentré pour maintenir l'effectif des déléguées régionales et des chargées de mission départementales. Au-delà de leur nombre, je tiens surtout à renforcer leur rôle en soutenant leurs actions. En effet, ces dernières années, les déléguées régionales et les chargées de mission départementales travaillaient certes en synergie avec des acteurs locaux mais dans un relatif isolement. Mon soutien vise à favoriser leur mise en réseau, tant au niveau local que national, pour favoriser le partage d'expérience. Depuis la création du ministère, elles ont déjà été réunies trois fois.

Le soutien à leurs actions passe aussi par le rappel aux préfets des priorités reconnues à la politique publique des droits des femmes ; sur l'invitation du ministre de l'intérieur, je viendrai le rappeler lors de la prochaine réunion des préfets.

J'interviendrai aussi courant novembre devant l'Assemblée des recteurs pour leur rappeler l'attention que je porte à certains sujets éducatifs.

Comme je l'ai déjà annoncé devant le Sénat, je souhaite accélérer le processus de ratification de la convention d'Istanbul ; il reste cependant à lever les réserves auxquelles la chancellerie avait, sous le précédent gouvernement, suspendu le dépôt de notre instrument de ratification ; elles devraient l'être lors d'un prochain comité interministériel et la ratification pourrait donc intervenir cet automne.

La réforme de l'encadrement du temps partiel subi ne peut résulter de la seule négociation collective, mais il faut laisser aux partenaires sociaux le temps de la discussion. Elle appelle des mesures législatives et M. François Hollande s'était d'ailleurs engagé, pendant la campagne, à sanctionner les entreprises qui abusent du temps partiel subi.

Si les partenaires sociaux ne parviennent pas à des solutions satisfaisantes, l'État prendra ses responsabilités ; cela vaut aussi pour les négociations actuellement menées sur la sécurisation de l'emploi ou le contrat de génération.

Lorsque nous serons parvenus à obtenir une réelle égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, le salaire des femmes ne sera plus considéré comme un salaire d'appoint au sein du couple ; dès lors, le choix du conjoint optant pour un congé parental, dont l'indemnisation demeure très faible, de l'ordre de 500 euros par mois, ne répondra plus à une simple logique économique.

C'est au niveau des administrations centrales qu'a été désigné, dans chaque ministère, un haut fonctionnaire référent égalité hommes-femmes. Les conférences de l'égalité initiées par mon ministère ont cependant amené d'autres ministères, dont celui du logement, à proposer de nommer aussi des référents égalité hommes-femmes dans chaque département. Cette volonté des ministères de donner une traduction locale à la notion de référent égalité hommes-femmes me paraît positive, à condition bien sûr de ne pas empiéter sur les prérogatives des déléguées régionales et des chargées de mission départementales.

Votre proposition de donner de la publicité à certains jugements exemplaires en matière d'égalité et de respect des droits des femmes me semble fort intéressante car elle constitue un formidable levier de conscientisation de la société ; cela vaut en matière d'égalité professionnelle, et vaudrait aussi en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.

J'ai l'impression que vous êtes assez partagés sur le mécanisme du scrutin binominal pourtant recommandé par votre délégation dans un rapport signé par votre précédente présidente, Michèle André. J'entends vos inquiétudes sur les rôles respectifs des hommes et des femmes au sein de ces binômes. Mais je crois que nous devons aller de l'avant tant le retard à rattraper en matière de parité parmi les conseillers généraux et les maires est considérable. Il est donc nécessaire de prendre des mesures résolues pour changer les choses.

En outre, mon expérience de conseillère générale me pousse à considérer la légitimité conférée par l'élection comme un gage d'égalité dans les fonctions au sein du conseil général. Je retiens votre remarque sur l'intérêt d'étendre aux exécutifs des conseils généraux les dispositions garantissant la parité dans les exécutifs régionaux et municipaux. Enfin, je ferai examiner la question de la demi-part fiscale des veuves.