Je me suis penchée sur le conseil d'administration des cabinets d'affaires - pas seulement anglo-saxons. Je constate que la profession se féminise : les femmes représentent 65 % des effectifs, 63 % des collaborations, elles occupent 76 % des postes administratifs dans les grands cabinets et sont 25,6 % à être associées, ratio plus élevé que dans d'autres professions libérales.
Qu'il existe un « plafond de verre », c'est certain, mais il est à la fois objectif et subjectif. Objectivement, le processus qui mène à l'association est devenu très lent : là où il fallait dans le passé cinq à sept années pour devenir associé, il en faut aujourd'hui dix à douze. Les interruptions de carrière des femmes jouent évidement en leur défaveur. En outre, la culture de certains cabinets est très machiste. On apprécie ses nombreuses collaboratrices, mais « associer une femme, c'est compliqué ». Au niveau des clients, ça ne l'est pas ! Ils sont de plus en plus nombreux à demander des statistiques sur la mixité, à choisir un cabinet en phase avec leur propre politique dans ce domaine. Les cabinets prennent conscience de cet enjeu à la fois éthique et économique. Ils s'aperçoivent aussi de la perte sur investissement que représente le départ d'une collaboratrice. Après cinq ou sept ans de formation et d'expérience, au moment même où elles peuvent gérer des dossiers de manière plus autonome, les femmes s'en vont, dans des cabinets plus petits, ou dans les entreprises.
En ce qui concerne les associées, elles sont 25 % dans les grands cabinets d'affaires, contre 16 % aux États-Unis : nous ne sommes pas si mal loties. Mais encore faut-il faire la différence entre l'association dite « en equity » - on détient des parts, des droits de vote... - et l'association « non equity », de deuxième rang. Or 39 % des femmes associées le sont dans cette catégorie.
Les femmes occupent des créneaux moins rémunérateurs, c'est vrai, mais de moins en moins : on les spécialisait volontiers en droit social, or celui-ci avec la crise économique devient central dans les cabinets.
Mais il y a les obstacles psychologiques. La profession d'avocat a été faite par et pour les hommes, et les femmes y sont considérées comme un mal nécessaire. Il faut faire avec. Cette attitude n'est plus tenable aujourd'hui ; le développement des cabinets passe par la féminisation. Les femmes sont appelées à prendre des responsabilités, mais encore faut-il qu'elles le veuillent. Il est vrai que le système du parrainage se passe plus naturellement avec les « poulains » qu'avec les « pouliches », pour reprendre le terme employé précédemment. Les cabinets sont cependant de plus en plus nombreux à se doter de programmes de promotion des femmes... L'évolution se fait par petites touches.
Au sujet des honoraires, il y a souvent des objectifs, explicites ou non, dans les cabinets d'affaires. Les systèmes de rétrocessions, plus avantageux qu'ailleurs, n'incitent pas à développer sa propre clientèle. Mais les taux horaires demandés sont les mêmes pour les hommes que pour les femmes.