Intervention de Gaëtan Gorce

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 24 octobre 2012 : 1ère réunion
Vérification du droit au séjour et délit d'aide au séjour irrégulier — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Gaëtan GorceGaëtan Gorce, rapporteur :

Le Gouvernement nous demande d'examiner selon la procédure accélérée un projet qui comble le vide juridique créé par la jurisprudence récente de la Cour de justice de l'Union européenne, sans remettre à plat l'ensemble de la législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers, qui doit faire l'objet d'un texte au printemps prochain. Il s'agit ici de redonner une base juridique stable aux mesures prises par le Gouvernement et les services de police pour lutter contre le séjour irrégulier.

En supprimant le délit de séjour irrégulier, pour ne laisser subsister que celui d'entrée irrégulière, le projet de loi se conforme à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Cour de cassation, selon laquelle les personnes séjournant irrégulièrement en France ne peuvent être condamnées à une peine de prison avant que toutes les mesures administratives destinées à les éloigner aient été mises en oeuvre. Conformément à la directive « retour », le séjour irrégulier appelle une réponse administrative et non pénale, sauf si l'intéressé a cherché à se soustraire aux mesures d'éloignement ou demeure sur le territoire en dépit de leur mise en oeuvre.

Le texte définit aussi les conditions dans lesquelles les étrangers ayant fait l'objet d'un contrôle d'identité ou de titre de séjour peuvent être retenus par un officier de police judiciaire pour vérification de leur situation au regard du droit au séjour. Jusqu'aux arrêts El Dridi et Achughbabian de la Cour de justice, ils pouvaient être placés en garde à vue pendant vingt-quatre heures. Ce n'est plus possible, puisque le séjour irrégulier ne saurait être un délit pénal puni d'une peine d'emprisonnement, comme la Cour de cassation l'a confirmé en juillet - ce qu'on aurait pu anticiper. Depuis lors, la police a recours à la procédure de retenue de quatre heures pour vérification d'identité prévue par l'article 78-3 du code de procédure pénale, mais celle-ci a un autre objet, ce qui crée une incertitude juridique. En outre, la police estime avoir besoin de plus de temps, ce qui suppose une procédure mieux encadrée.

C'est pourquoi le Gouvernement propose d'instituer une retenue d'une durée maximale de seize heures, sous le contrôle d'un officier de police judiciaire. Le délai de vérification d'identité s'imputera sur cette durée, qui s'imputera elle-même sur le délai d'une éventuelle garde à vue au cas où une infraction aurait été constatée. Sinon, une fois les seize heures expirées, l'étranger devra être remis en liberté, obligé à quitter le territoire, placé en rétention ou en assignation à résidence si la police estime qu'il est susceptible de se soustraire à son obligation, ou encore placé en garde à vue si un délit qui le justifie est constaté.

Les garanties offertes sont plus grandes que dans la procédure de vérification d'identité, tout en étant moindres que lors d'une garde à vue : le procureur de la République devra être immédiatement informé de la retenue, l'étranger pourra en aviser un avocat et toute personne de son choix ainsi que demander à être examiné par un médecin. Je vous soumettrai des amendements qui explicitent ou renforcent ces garanties. Le délai de seize heures convient-il, ou faut-il prévoir un seuil intermédiaire au-delà duquel la procédure doit être renouvelée ? Ce sera l'objet d'un autre amendement.

Autre avancée, le projet de loi accorde une nouvelle immunité aux personnes et associations qui viennent en aide à des étrangers pour des raisons humanitaires, supprimant ainsi le « délit de solidarité » qui avait été maintenu sous une forme atténuée, et qui avait choqué l'opinion.

Il adapte enfin au nouveau droit le code des douanes et la législation applicable aux collectivités d'outre-mer.

Dans l'ensemble, ce texte me paraît équilibré. Il répond à la nécessité de sécuriser les procédures, en attendant une réflexion plus approfondie sur le droit au séjour. Je reviendrai sur certains points lors de l'examen des amendements.

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