Le projet aurait pu remettre à plat le droit des étrangers, rendre au juge judiciaire son rôle constitutionnel de gardien des libertés et en finir avec la rétention comme méthode ordinaire de l'éloignement des étrangers. Il n'en est rien. Ce texte ne fait que tirer les conséquences de la récente jurisprudence européenne. Il supprime le délit de séjour irrégulier tout en créant celui de maintien sur le territoire, alors qu'il faudrait choisir entre l'expulsion et la régularisation et que la prison empêche l'une et l'autre.
Ce texte est-il compatible avec la directive « retour » ? Il dispose qu'un étranger refusant de quitter le territoire ne pourra être incriminé que si les mesures d'éloignement ont été prises, mais lesquelles ? D'après la jurisprudence, il faudrait que l'éloignement ait échoué après une rétention de 45 jours. Que se passera-t-il si l'échec n'est pas imputable à l'étranger ?
La nouvelle procédure de vérification du titre de séjour est bien floue : elle s'apparente à une procédure judiciaire, tout en ayant une finalité administrative. Elle ressemble à la garde à vue sans offrir les mêmes garanties minimales, et alors même que le séjour irrégulier n'est pas un délit. Son régime devrait au contraire être plus protecteur des libertés individuelles, et le juge des libertés et de la détention devrait être saisi après 48 heures.
Le délit de solidarité devrait être redéfini pour exclure l'aide désintéressée, afin que l'immunité soit le principe et l'infraction l'exception. Le projet de loi se contente d'élargir le champ des immunités.
Quant au contrôle de la bande Schengen, dite « des 20 kilomètres », le texte ne modifie pas l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, laissant entier le problème du contrôle au faciès qui mobilise pourtant citoyens et associations. Sachons les entendre.