Ce projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques constituera la troisième loi organique relative aux finances publiques, après les lois organiques relatives aux lois de finances (LOLF), du 1er août 2001, et aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) du 2 août 2005. Son champ concernera cette fois les finances publiques prises dans leur ensemble, et non le cadre financier annuel d'une seule catégorie d'administrations publiques.
Elle répond à l'exigence juridique de transposer l'article 3 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) tout en anticipant les futurs règlements communautaires. Les règles budgétaires sont en évolution permanente depuis deux ans : réforme du pacte de stabilité, adoption du TSCG, discussion des deux règlements qui constituent le two-pack. Le TSCG comprend 16 articles, dont 6 consacrés au pacte budgétaire ; seul l'article 3, qui contient la règle de solde, doit être transposé en droit interne.
Selon celle-ci, les États se fixent un objectif de solde de moyen terme (OMT) qui ne peut être supérieur à 0,5 point de PIB. Il est exprimé en termes de déficit structurel et non de déficit effectif, contrairement à la règle des 3 % du pacte de stabilité. Pour l'atteindre, les États définissent une trajectoire de solde structurel. En cas de dérapage, un mécanisme de correction automatique est prévu, qui doit être, selon le traité, à la fois automatique et respectueux des prérogatives des parlements nationaux, ce qui est une gageure. Le respect des règles est confié à des institutions indépendantes. Dans le projet de loi de programmation pour les années 2012 à 2017, la France retient comme OMT l'équilibre structurel, qu'il est prévu d'atteindre en 2016.
Les interprétations juridiques du TSCG sont très différentes de l'interprétation originelle. La Commission européenne comme le Conseil constitutionnel ont considéré que les dispositions n'ont pas besoin d'être juridiquement contraignantes, rejoignant l'analyse développée par Nicole Bricq dès février 2012.
Le projet de loi organique se limite à poser le principe des différents volets de la règle (OMT, mécanisme de correction) et renvoie aux lois de programmation des finances publiques (LPFP) la définition du contenu. Si celles-ci ne sont pas juridiquement contraignantes, elles peuvent cependant être considérées comme permanentes, étant encadrées au niveau organique et devant, en pratique, être votées tous les deux ans pour actualiser et prolonger le budget triennal de l'Etat.
Nous devons aussi penser aux implications des règlements européens en cours de discussion. L'institution indépendante mentionnée dans le TSCG pour vérifier le respect des règles budgétaires rejoint le conseil budgétaire prévu par le two-pack. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) sera notre conseil budgétaire.
Selon le two-pack, les prévisions économiques doivent être « réalisées » ou « avalisées » par un conseil budgétaire indépendant. C'est le sens de la procédure d'avis du Haut Conseil. Le texte du règlement, tel que proposé par le Parlement européen, mentionne des prévisions non seulement indépendantes, mais aussi « crédibles ». Cette précision est utile : on a vu, au Royaume-Uni par exemple, que des prévisions indépendantes n'étaient pas toujours crédibles. Des amendements seront proposés en ce sens.
Ce texte répond également à une exigence économique : se doter d'une règle crédible pour éviter une augmentation des taux d'intérêt. L'objectif de la politique de réduction du déficit est l'allègement du poids de la dette publique, dont le niveau est proche de 90 % du PIB, afin de le rendre soutenable. A cet égard, on peut imaginer plusieurs scénarios pour la France, tout en restant dans le cadre du TSCG : si elle utilise, dans une démarche vertueuse, toutes les marges de manoeuvres offertes par le traité (déficit de 0,5 point de PIB tant que la dette est supérieure à 60 points de PIB, puis 1 % après), la dette se stabilisera dans quelques décennies autour de 30 points de PIB. Si elle utilise non seulement les marges offertes par le traité, mais aussi les possibilités de dérapage de 0,5 point de PIB « tolérées », la dette se stabilisera dans quelques décennies autour de 45 points de PIB. Tel est le sentier dans lequel peut s'inscrire notre trajectoire financière.
La France n'a pas un bon palmarès en matière de respect de ses programmations et certains doutent de sa conversion à la discipline budgétaire. Ce passif justifie l'adoption de nouvelles règles afin de consolider notre crédibilité budgétaire et rester durablement dans un équilibre vertueux.